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La contribution chinoise ne doit pas être négligée
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En 1940, la VIIIe Armée de route s'empare de Dongtuanbao, bastion de l'armée japonaise à Laiyuan dans le Hebei. |
YU WEIMIN*
La Seconde Guerre mondiale fut un combat à mort dans lequel des peuples du monde s'unirent pour repousser les envahisseurs fascistes. Cette lutte antifasciste décida du sort de l'humanité.
Principal théâtre des opérations
En Chine, la Seconde Guerre mondiale, déclenchée par l'invasion japonaise d'une partie du territoire national en 1931, évolua rapidement en une guerre totale. Les pays qui, dès le début, auraient pu empêcher l'agression japonaise, ne montrèrent pas néanmoins la détermination de s'opposer aux envahisseurs, puisque eux-mêmes n'avaient pas fait l'objet de menaces directes. Ainsi, la Chine, seule pour repousser l'ennemi, se retrouva plongée dans une situation difficile.
La Guerre de résistance contre l'agression japonaise fut particulièrement amère pour la Chine. Avec ses capacités militaires relativement faibles, le pays devait plutôt compter sur son immense territoire pour mener une guerre prolongée, qui arracha d'innombrables vies. Mais cette persévérance sema le trouble dans la stratégie militaire des envahisseurs japonais, empêchant ces derniers d'atteindre les objectifs qu'ils s'étaient fixés.
De l'occupation du Nord-Est de la Chine par le Japon (provoquée par l'incident de Mukden le 18 septembre 1931) jusqu'à l'éclatement de la Guerre totale de résistance (provoquée par l'incident du pont Marco Polo le 7 juillet 1937), l'armée et le peuple chinois menèrent des contre-attaques victorieuses face aux envahisseurs japonais, pourvus de moyens militaires supérieurs. Comme la Chine réussit à maintenir les principales forces de l'armée japonaise derrière sa ligne de front, le Japon fut contraint de renoncer à son projet de faire avancer ses troupes vers le nord. Ainsi, lorsque la guerre germano-soviétique éclata en juin 1941, l'URSS ne fut pas prise entre deux feux et put concentrer ses forces militaires sur le front européen. La résistance chinoise retarda également la marche de l'armée japonaise vers le sud et fit gagner ainsi un temps précieux aux États-Unis et au Royaume-Uni pour préparer leur contre-offensive. La Chine permit également, dans une large mesure, de contrecarrer les plans du Japon consistant à envahir l'Australie et l'océan Indien. De fait, dès les années 1930, la Chine devint l'un des principaux champs de batailles de la Seconde Guerre mondiale, y apportant objectivement une contribution non négligeable.
Après le déclenchement de la guerre du Pacifique, qui donna lieu à la formation d'une coalition antifasciste, la donne commença à changer sur le front chinois. Devenue un membre clé de cette alliance, la Chine, tout en continuant d'affronter directement les forces principales de l'armée japonaise, coopéra avec les troupes alliées en envoyant son armée en Inde et en Birmanie. Les visées stratégiques japonaises en Asie du Sud-Est furent alors brisées. Ainsi, la Chine accorda un fort soutien aux pays alliés pour que le vent tourne en leur faveur. Par la suite, la Chine offrit une assistance aux États-Unis dans la contre-attaque stratégique intitulée « l'Europe d'abord, ensuite l'Asie ».
Bien sûr, l'alliance antifasciste créa, en contrepartie, des conditions propices à la victoire de la guerre de résistance chinoise. Les aides substantielles reçues de la part des Alliés améliorèrent considérablement le potentiel de l'armée chinoise en renforçant l'arrière et en soutenant les bases de résistance.
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Les pilotes américains à Yan'an, en 1945. |
Bâtir la paix
Alors qu'un tournant favorable survint sur les champs de bataille en URSS, dans le Pacifique et en Afrique du Nord, la guerre de résistance en Chine passa d'une phase de défense à une phase de contre-offensive, débouchant sur la victoire finale contre le fascisme. Bien que la Chine ne fût pas très développée, son statut et sa contribution dans cette guerre décisive pour le destin de l'humanité ont été reconnus à travers le monde entier. Elle est considérée comme une des nations clés de la coalition antifasciste. Pays initiateur et fondateur de l'ONU, ainsi que membre permanent du Conseil de sécurité de cette organisation, la Chine figure parmi les puissances qui ont organisé l'échiquier mondial d'après-guerre.
Il faut souligner que la Chine joua un rôle majeur unique dans l'avènement de l'alliance antifasciste et dans l'élaboration de la Charte de l'ONU. Tout au début de la guerre, c'est la Chine qui, la première, sollicita l'établissement d'une union internationale pour lutter contre l'agression.
Le 1er mars 1937, Mao Zedong indiqua, dans son entretien avec la journaliste américaine Agnes Smedley, souhaiter la constitution d'un front uni dans la région du Pacifique dont les membres seraient la Chine, le Royaume-Uni, les États-Unis, la France et l'URSS. Il ajouta que dans le cas contraire, ces pays courraient le risque d'être défaits par l'ennemi l'un après l'autre.
Le 1er avril 1938, le Congrès national provisoire du Kuomintang adopta le Programme de construction du pays dans la guerre de résistance, avançant les principes diplomatiques de ce front uni international. Il y était inscrit : « Nous nous liguerons avec les pays et nations amis, et lutterons ensemble pour la paix et la justice dans le monde. [...] Nous unirons toutes nos forces pour nous opposer à l'agression des impérialistes japonais et faire obstacle à leur invasion, de même que pour bâtir et garantir la paix durablement en Asie de l'Est. »
Le 8 décembre 1941, jour où le Japon frappa par surprise Pearl Harbor, le gouvernement chinois décida de déclarer officiellement la guerre au Japon. Il proposa alors aux pays opérant dans la région de former une union contre les agresseurs japonais et demanda à ceux-ci de ne pas conclure une paix séparée avec le Japon avant la fin de cette guerre du Pacifique.
Cette initiative chinoise accéléra la formation d'une alliance antifasciste d'échelle mondiale. Le 1er janvier 1942, les représentants de 26 pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l'URSS et la Chine, signèrent la Déclaration des Nations unies à Washington, marquant la naissance officielle de cette alliance. Dès lors, la Chine fit des recommandations et dressa des programmes dans l'objectif de dessiner un nouvel ordre international d'après-guerre. Elle discuta, rédigea et ratifia avec les États-Unis, l'URSS et le Royaume-Uni une série de documents importants, tels que la Déclaration des Quatre Nations sur la sécurité universelle, la Déclaration de Potsdam et la Déclaration du Caire. Lors de l'élaboration de la Charte de l'ONU, la Chine exprima également ses vues.
Dans Points essentiels de la charte de l'organisation internationale soumis par le gouvernement chinois, le pays fait part explicitement de ses propositions concernant les principes généraux, la structure, le fonctionnement, le système de tutelle ou encore le financement de la future ONU. En communiquant ses suggestions et ses espoirs, la Chine se fit le porte-voix des petits pays et des nations faiblement développées vis-à-vis des mécanismes de l'ONU et de l'ordre international d'après-guerre désiré. Les avis de la Chine furent bien appréciés par la conférence préparatoire de l'ONU ; plusieurs furent même intégrés dans les clauses formelles de la Charte de l'ONU. Telles sont les contributions particulières que la Chine apporta au maintien de la paix mondiale durement acquise, ainsi qu'à la protection des droits et intérêts des petits pays.
Une reconnaissance progressive
Après la Seconde Guerre mondiale, deux blocs se constituèrent respectivement autour des États-Unis et de l'URSS, de sorte que l'union formée entre les pays pendant la guerre se scinda en deux camps s'affrontant dans une guerre froide. En raison de cette logique bipolaire ainsi que de la montée de l'eurocentrisme, les œuvres retraçant l'histoire de la Seconde Guerre mondiale omettent ou n'évoquent que partiellement le rôle joué et la contribution faite par la Chine au travers de sa résistance. Ceux-ci sont, à tort, traités dans le cadre de la guerre du Pacifique uniquement. Même dans certains ouvrages publiés à l'époque de l'URSS, le champ de batailles chinois n'est pas évalué à sa juste valeur. Le rôle qu'a joué la Chine dans la mise en place d'une alliance mondiale antifasciste est, lui aussi, négligé, voire oublié. Ce récit biaisé de l'histoire, criblé de préjugés, sert de nos jours d'arguments à certaines forces politiques qui essaient de camoufler les agressions commises par le Japon.
Avec la fin de la guerre froide, le développement de la Chine et l'importance que le pays a prise sur la scène internationale, bon nombre de documents historiques, apparus au fil de l'approfondissement des recherches sur la résistance chinoise, ont fait redécouvrir aux milieux académiques internationaux ce qui s'est passé sur le front en Chine et ce que ce pays a apporté comme concours. De plus en plus de chercheurs conviennent que la Guerre de résistance du peuple chinois contre l'agression japonaise sonna l'entrée dans la guerre antifasciste mondiale, dont elle fait partie intégrante. En s'appuyant sur des écrits historiques objectifs, le professeur Rana Mitter de l'université d'Oxford a indiqué dans son livre Forgotten Ally : China's World War II, 1937-1945 que l'histoire de la Seconde Guerre aurait été tout autre si la Chine n'avait pas persévéré dans sa résistance. Pour sa part, le professeur Priyadarsi Mukherji de l'université Jawaharlal-Nehru a recueilli des témoignages des crimes perpétrés par les envahisseurs japonais, montrant au monde à quel point le chemin vers la libération fut difficile en Chine. Lors des activités commémoratives de la Journée de la victoire de la Grande Guerre patriotique organisées en Russie, des chercheurs russes ont hautement loué la Chine, qui par sa lutte, avait épargné à l'URSS la nécessité de combattre l'ennemi sur deux fronts à la fois.
Faire valoir la vérité historique vise à préserver les fruits acquis à travers la Guerre mondiale antifasciste. Il faut tirer des leçons des expériences passées afin de faire face aux défis du monde d'aujourd'hui. C'est pour cette raison qu'à l'occasion du 70e anniversaire de la victoire de la Seconde Guerre mondiale et de la Guerre de résistance du peuple chinois contre l'agression japonaise, il convient de songer au succès de l'alliance antifasciste établie à l'époque pour défendre les intérêts de toute l'humanité et se souvenir des apports importants faits par la Chine dans cette guerre. Il s'agit d'un héritage historique précieux qui doit nous inspirer pour l'avenir.
*YU WEIMIN est professeur au département d'histoire de l'École normale supérieure de l'Est de la Chine.
La Chine au présent