CHINAHOY

6-September-2015

Des crimes indéniables

 

La « fosse des 10 000 morts » dans le Mémorial des victimes du massacre de Nanjing.

 

LI YUAN et LI WUZHOU, membres de la rédaction

Depuis des décennies, certaines personnes au Japon refusent de reconnaître la responsabilité de leur pays dans la guerre d'agression menée contre la Chine durant 14 ans, voire embellissent cette sombre période de l'histoire. Ils passent sous silence les crimes perpétrés par l'armée japonaise en Chine ou les cachent derrière des euphémismes et faux arguments. Mais face aux atrocités qui ont été révélées, peuvent-ils encore persister dans leur déni ?

Le charbon au sacrifice de la vie

Fuxin était une ville houillère dans la province du Liaoning. C'est là, dans cette région de basses collines s'étendant sur 560 000 m², que se trouve le Mémorial des mineurs, à Nanshan, Sunjiawan. Ici ont péri des milliers et des milliers de travailleurs chinois sous l'occupation japonaise du Nord-Est de la Chine.

L'armée japonaise appliquait alors une politique impitoyable dans les mines de Fuxin, exploitant les hommes jusqu'à leur dernier souffle pour recueillir un maximum de charbon. Plusieurs centaines de milliers de Chinois sont morts là-bas. Quatre « fosse des 10 000 morts », avaient été creusées aux environs pour enterrer les corps des mineurs.

Zhang Baoshi, le président du mémorial, nous a conté les histoires de Ma Yuqi et de Zhu Tao.

Ma Yuqi a fêté cette année ses 92 ans. Âgé de 16 ans à l'époque de l'occupation japonaise, il fut forcé, avec huit jeunes des villages environnants, de servir quatre mois dans les houillères de Sunjiawan. En hiver, bien que la température descendît à -20 voire -30°C, ils logeaient dans des cabanes ouvertes aux quatre vents. Pour tout aliment, chaque jour, ils ne recevaient qu'une bolée de grains de sorgho et une pomme de terre salée, qu'il fallait avaler en cinq minutes, sous peine d'être frappés. N'ayant pas le temps de mâcher, encore moins de digérer, beaucoup de mineurs tombaient malades et mourraient de faim ou à cause de la malnutrition. Alors, les cadavres étaient entreposés dans un coin, avant d'être jetés dans une fosse commune.

Zhu Tao, 102 ans de nos jours, vit aujourd'hui à Guangzhou, capitale de la province du Guangdong. En 1942, l'armée japonaise lance une campagne de ratissage contre la base d'appui du centre du Hebei. Zhu Tao, alors instructeur à l'École militaire et politique contre l'agression japonaise, avait été fait prisonnier, avec des officiers et soldats de la VIIIe Armée de route ainsi qu'avec des cadres locaux. Ces « ouvriers spéciaux », ainsi nommés par les Nippons, travaillaient plus de 12 heures par jour dans les puits de mine. Même quand la galerie menaçait de rompre, ils devaient continuer à extraire le charbon. Tout relâchement entraînait une rouée de coups, voire pire. Tout acte de résistance était puni par brûlure, électrocution ou attaque de chiens. En août 1945, parmi les 4 000 « ouvriers spéciaux » recrutés de force, 1 890 étaient déjà morts, soit 47 %.

Le 5 mars 1943, Zhu Tao et plusieurs de ses camarades réussissent à s'enfuir de Fuxin et à revenir à la base d'appui du centre du Hebei.

Verdict en faveur de Xia Shuqin

À l'entrée du Mémorial des victimes du massacre de Nanjing se dresse l'imposante statue noire d'une femme lançant des cris de détresse alors qu'elle tient dans ses bras son enfant défunt.

« Le mémorial a été construit sur les restes des victimes massacrées par l'armée japonaise à Nanjing », lance Zhu Chengshan, président du mémorial. En 1984-1985, durant la construction du monument à Jiangdongmen, les bulldozers ont dévoilé une grande quantité d'ossements. En 1998, d'autres ont encore été exhumés. Ces os retrouvés à ces deux reprises sont aujourd'hui exposés respectivement dans une salle et sur le site de la « fosse des 10 000 morts ». Selon les archives,

20 000 cadavres auraient été ensevelis dans celle-ci.

Dans le mémorial, on entend de temps à autre les sanglots étouffés de visiteurs face aux photos montrant les actes de cruauté commis par l'armée japonaise : un officier brandissant son couteau face à une Chinoise le suppliant à genoux, les mains jointes ; une scène avec la fosse à moitié remplie de corps et des soldats japonais riant à côté ; la tête tranchée d'un Chinois posée sur un barrage routier, un mégot dans la bouche. Bien macabre plaisanterie...

Après la prise de Nanjing en 1937, alors capitale de la Chine, les soldats nippons ont massacré sans merci plus de 300 000 innocents en six semaines, de décembre 1937 à janvier 1938. De nos jours, les rescapés relatent cette tragédie difficile à imaginer vieille de 78 ans au moyen de vidéos, de dessins ou d'écrits.

Mme Xia Shuqin, 86 ans, compte parmi les survivants. Dans un film, elle raconte comment les soldats japonais ont fait irruption dans son foyer, alors situé 5 rue Dongxin à Zhonghuamen, et comment ceux-ci ont abattu sept membres de sa famille (ses grands-parents maternels, ses parents, ses grandes et petite sœurs). Sa mère et ses deux grandes sœurs ont même été violées avant d'être tuées. Quant à elle, elle a reçu trois coups de couteau, avant de perdre connaissance. C'est ainsi que sa petite sœur de quatre ans et elle ont pu échapper au massacre de Nanjing.

Lors de la visite, notre guide nous indique qu'en 1998, Matsumura Toshio, membre de la Society for the Dissemination of Historical Fact, et Shudo Higashinakano, professeur à l'Asia University au Japon, ont accusé dans leur livre Mme Xia de n'être qu'un faux témoin. Cette dernière a alors porté plainte pour diffamation. Au final, le tribunal local de Tokyo, la Haute Cour de Tokyo et la Cour suprême du Japon se sont tous prononcés en faveur de Xia Shuqin.`

Un « fleuve de cadavres »

Le Mémorial expose encore des périodiques japonais, des notes de combat de l'armée japonaise et des mémoires de soldats. Le Yangtsé pleure — Récit sur l'expédition au continent de la division de Kumamoto, ouvrage publié au Japon, porte le témoignage du vétéran Akahoshi Yoshio : « 14 décembre, nous avons traversé la ville pour avancer vers les rives du Yangsté. Sur ce fleuve large d'au moins 2 km, nous ne voyons rien que des cadavres. Adultes et enfants, hommes et femmes... Ces corps sans vie descendent le fleuve lentement, tels des radeaux. Je regarde en amont : encore des macchabées, suivis par d'autres, amassés. J'ai l'impression que les cadavres forment un flot interminable. Ils doivent être au moins 50 000. Et tous des civils. Le Yangtsé est devenu un "fleuve de cadavres". »

« Sur la place sont assises une centaine de personnes, les mains attachées dans le dos. Deux grandes fosses, grandes de 5 m² et profondes de 3 m environ, ont été creusées… Les soldats japonais chargés de les tuer, à coup de feu ou à coup de sabre, ont le visage crispé, mais semblent excités, au bord de la folie. » Telle est la description formulée par le correspondant de guerre Sato Shinju dans Marche avec l'armée.

Le 14 décembre 1937, Tokyo Nichi Nichi Shimbun a publié une dépêche de reporters envoyés à Nanjing, laquelle présente comment Tsuyoshi Nodo et Toshiaki Mukai s'étaient mis au défi de tuer le plus de civils possible. D'autres bulletins d'information font mention de telles compétitions à Changzhou, Danyang et Jurong, ce qui montre que les meurtres commis par l'armée japonaise ne se sont pas limitées à la ville de Nanjing.

Témoignages occidentaux

À Nanjing, de nombreux bâtiments entourent le carrefour des rues Zhongshan et Guangzhou. Dans ce quartier animé est nichée une villa à étage de style occidental, en briques grises. C'est là que siégeait autrefois l'abri pour réfugiés de Siemens, ouvert par le Comité international de la zone de sécurité de Nanjing.

Yang Shanyou, gérant de l'ancienne demeure de John Rabe, raconte qu'avant la prise de Nanjing, des étrangers avaient créé ce comité et élu John Rabe, homme d'affaires allemand, président. La zone de sécurité comprenait 25 abris, dont celui de Siemens qui, à lui tout seul avait accueilli 135 familles et 600 personnes. Durant le massacre de Nanjing, cette zone de sécurité a permis de protéger 250 000 Chinois.

M. Yang a souligné aussi que les membres du Comité international de la zone de sécurité de Nanjing, de même qu'ils avaient tendu une main secourable aux réfugiés chinois, s'étaient fait les témoins de la catastrophe. Le révérend américain John Magee avait risqué sa vie pour filmer le massacre de Nanjing avec une caméra au format 16 mm. Quatre copies de la pellicule ont été réalisées secrètement à Shanghai et ont permis au monde de prendre connaissance du massacre. L'Américain Miner Searle Bates, alors professeur d'histoire de l'université de Nanjing, avait publié plusieurs articles dans la presse chinoise et étrangère pour dénoncer les crimes de l'armée japonaise. Par ailleurs, ses notes, qui listaient les exactions de l'armée nippone, ont aussi été découvertes en 1988 dans la bibliothèque de la faculté de théologie au sein de l'université de Yale.

Le commandement général de l'armée de terre chinoise a établi à Nanjing le Tribunal militaire pour les criminels de guerre. Le 15 février 1946, ce tribunal (rebaptisé plus tard le Tribunal militaire du ministère de la Défense nationale) a statué, preuves à l'appui, que « l'armée japonaise a commis 28 massacres collectifs (au total 190 000 victimes) et 858 massacres sporadiques faisant au moins 150 000 morts, au regard du nombre de cadavres enterrés par les organismes de bienfaisance ». Ce verdict est également exposé dans le mémorial.

Rappelons qu'en signant le Traité de San Francisco avec les États-Unis et d'autres pays en 1951, le gouvernement japonais a reconnu sans ambages ces chiffres.

 

 

La Chine au présent

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