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L’invasion japonaise a commencé ici
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Le pont Lugou enjambant le fleuve Yongding. |
MA HUIYUAN et LI YUAN, membres de la rédaction
C'est là où se croisent le chemin de fer Harbin-Dalian et le tronçon nord-est du premier périphérique de Shenyang que se trouve le pont échangeur de Liutiaohu (lac d'osier). Le lac a disparu de nos jours, remplacé par une route où s'écoule un flot incessant de voitures ainsi que par une voie ferroviaire où file le TGV Harbin-Dalian au milieu d'imposantes palissades métalliques.
Gao Jian, directrice du département de recherche au Musée d'histoire sur l'incident de Mukden et membre du bureau de recherche consacré aux documents historiques de Shenyang, pointe son index vers une section du chemin de fer encadré de clôtures, à l'ouest de l'échangeur Liutiaohu, « D'après mes recherches, c'est à cet endroit précis que l'armée japonaise a ouvert le feu. »
Tout près de cette section est érigé un monument de 18 m de haut, en forme de calendrier dont la date est fixée au 18 septembre 1931. C'est à cette date que, dans la nuit profonde, l'armée japonaise du Guandong alors stationnée à Shenyang lance une offensive sur un tronçon de la voie ferrée de Manchourie du Sud, près de Liutiaohu, avant d'imputer la faute à l'armée chinoise. L'armée japonaise invoque ainsi un prétexte pour bombarder la garnison chinoise de Beidaying. Cet incident marque le début de la guerre d'agression contre la Chine.
Des explosifs d'origine japonaise
Ce monument en forme de calendrier fait partie du Musée d'histoire sur l'incident de Mukden, dont la construction débuta en 1991 près du lieu où l'armée japonaise avait dynamité un tronçon du chemin de fer de Liutiaohu.
Au moment de notre interview, Gao Jian revenait tout juste d'un voyage aux États-Unis. De Washington à Los Angeles, elle a rendu visite à une dizaine d'anciens combattants américains de la Seconde Guerre mondiale. En tant que chercheur en histoire, son travail au quotidien consiste à consulter des documents historiques et à s'entretenir avec des vétérans. « Tous les jours, ce musée accueille une foule de visiteurs, qui ressortent du bâtiment le cœur lourd, chargé de tristesse et de colère. Mais pour ce qui est des membres du personnel de recherche comme moi, nous ne pouvons rester plongés dans cet état de deuil. Notre responsabilité de rendre l'histoire avec exactitude est plus importante », décrit Gao Jian.
« De faible superficie, le Japon ne parvenait pas à être autosuffisant en matière de ressources naturelles. Le bushido (code moral des samouraïs japonais) et les militaires au pouvoir, par ailleurs, intensifièrent les visées expansionnistes du Japon. Le Japon militariste considéra alors le Nord-Est de la Chine, abondant en ressources, comme son "espace vital" », nous explique Gao Jian, en nous montrant de vieilles photos. Après la guerre sino-japonaise de 1894 et la guerre russo-japonaise de 1904, l'armée nippone conquit manu militari des territoires et obligea ceux-ci à payer un tribut, prit le contrôle du chemin de fer du Nord-Est de la Chine et s'octroya le droit de stationner des troupes le long de cette voie. Ce sont les forces japonaises cantonnées le long du chemin de fer de Mandchourie du Sud, d'une longueur de 703,7 km, qui provoquèrent l'incident de Mukden. Elle devinrent par la suite l'armée japonaise du Guandong, principale force engagée dans la guerre contre la Chine.
Nous sommes au beau milieu de la nuit du 18 septembre 1931. L'extinction des feux a été sonnée depuis longtemps ; la plupart des soldats en garnison à Beidaying dorment déjà profondément. Tout à coup, une explosion à Liutiaohu rompt le silence. Suite au fracas, deux obusiers japonais ouvrent le feu en direction de Beidaying. Pris au dépourvu, des soldats chinois encore endormis sont mitraillés ou poignardés dans leur lit. Le lendemain matin, Beidaying est passé sous contrôle japonais.
En 1956, Tadashi Hanaya, ancien fonctionnaire des services secrets pour l'armée du Guandong, a publié ses mémoires intitulées Comment s'est déroulé l'incident de Mandchourie, dans lesquelles il détaille comment l'armée japonaise a comploté pour déclencher sa guerre d'invasion de la Chine. Il écrit : « Suemori Komoto plaça sous les rails des petits explosifs, normalement utilisés par les officiers de cavalerie. Juste après l'explosion, il contacta le quartier général de l'armée japonaise par téléphone pour faire son rapport. Alors, le capitaine Kawashima, qui attendait au nord du lieu de l'explosion, lança une offensive sur Beidaying. » Ce Suemori Komoto mentionné était un lieutenant japonais qui était resté en poste à Liutiaohu pour contrôler le chemin de fer de Mandchourie du Sud.
Aujourd'hui, il ne reste presque plus rien de Beidaying, même pas des ruines, juste quelques casernes délabrées qui servent désormais d'entrepôts ou d'habitations. Gao Jian estime que les vestiges de Beidaying devraient être mieux protégés. « Actuellement, le gouvernement local envisage de construire un mémorial à l'emplacement de l'ancien Beidaying. » De son côté, Gao Jian prévoit d'approfondir ses recherches sur cet épisode historique. « Ce fut le point de départ de la résistance face à l'agression japonaise. Cet incident mérite donc d'être étudié en profondeur, pour n'omettre aucun détail », nous dit-elle.
Chaque année, le 18 septembre, une cérémonie commémorative est organisée sur la place en face du Musée d'histoire de l'incident de Mukden, où une cloche est sonnée. Par ailleurs, une sirène sonne dans toute la ville de Shenyang, tandis que les voitures sur les principales rues s'arrêtent et klaxonnent pendant trois minutes, pour rappeler à la population que l'histoire ne doit pas être oubliée.
Le bombardement d'un pont unique au monde
« À la suite de l'incident de Mukden, non content de s'être emparé du Nord-Est de la Chine, le Japon dépêcha de nouvelles troupes pour mener une guerre d'agression totale. En 1936, l'armée japonaise encercle Beijing, alors appelée Beiping, des côtés est, ouest et nord. Dès juin 1937, les Japonais stationnent dans l'arrondissement Fengtai, dans la banlieue de Beijing, d'où ils effectuent des exercices militaires provocateurs », nous explique Li Zongyuan, conservateur adjoint du Musée de la Guerre de résistance du peuple chinois contre l'agression japonaise.
Le pont Lugou (aussi appelé Marco Polo), situé dans le même arrondissement, est le plus ancien pont à voûtes en pierre encore sur pied à Beijing. Le grand explorateur italien Marco Polo l'avait décrit comme le « plus splendide pont au monde » et « un ouvrage d'art unique ». « Le pont enjambe le fleuve Yongding. Il est situé à 15 km au sud-ouest de la ville de Beiping. Depuis les temps anciens, il constitue une plaque tournante pour le transport et la logistique dans la capitale. C'est pourquoi dès lors que les envahisseurs japonais ont contrôlé ce pont, il leur a été aisé de prendre la ville, puis de conquérir toute la Chine du Nord », nous raconte Li Zongyuan.
Dans la nuit du 7 juillet 1937, l'armée japonaise demande l'autorisation d'entrer dans la ville de Wanping sous le prétexte de rechercher un soldat porté disparu. La garnison chinoise rejette cette requête jugée déraisonnable. Alors, l'armée japonaise commence à bombarder le pont Lugou et attaque les militaires chinois qui défendaient la ville. « Cet incident du 7 juillet marque le début de l'invasion totale par l'armée japonaise ainsi que celui de la résistance de la Chine. Celle-ci est ainsi devenue l'un des premiers champs de bataille de la Guerre mondiale antifasciste », souligne Li Zongyuan.
Le musée a été construit là où eut lieu l'incident du pont Marco Polo. Dans ce musée est exposé un manuscrit rédigé par un artisan participant à la construction de la pagode, Luo Dejun. Les 148 caractères qu'il a tracés font part des violences que perpétrèrent les envahisseurs japonais : « L'armée japonaise a occupé Beijing le 29 du sixième mois lunaire (soit le 5 août selon le calendrier grégorien). Désormais, la guerre fait rage dans tout le pays. Partout gisent des hommes morts dans des bombardements ou des fusillades. Meurtres, viols, pillages… Rien ni personne n'est épargné. La situation ne pourrait être pire. » Zhang Shuanzhong, un des guides-conférenciers du musée, conte cette histoire chaque jour aux visiteurs. Il nous dit : « Bien que ce message soit relativement court, il témoigne du souci que le peuple chinois se faisait pour son pays ainsi que son indignation envers les envahisseurs japonais. Ce manuscrit est une alarme. »
L'armée japonaise solidement contenue
« À tous les compatriotes : Beiping et Tianjin sont en danger ! Le Nord de la Chine est en danger ! Toute la nation chinoise est en danger ! Mener une guerre de résistance totale contre l'agression japonaise est notre seule issue ! » Le 8 juillet 1937, le Parti communiste chinois (PCC) émet ce télégramme à toute la nation pour appeler à la résistance. « Ces quelques petites phrases reflètent bien le jugement perspicace que le PCC dressait sur la conjoncture de l'époque », commente Li Zongyuan. Il ajoute que suite à cet appel du PCC, des patriotes de tous milieux ont pris la responsabilité de repousser l'ennemi pour sauver la patrie. La Guerre de résistance totale du peuple chinois contre l'agression japonaise venait d'être déployée. Elle durera 8 ans.
« Les envahisseurs envisageaient une guerre éclair : ils pensaient mettre la Chine à genoux en trois mois, puis continuer leurs manœuvres d'invasion vers les autres pays au nord ou au sud, en fonction de la situation. Cependant, la résistance opiniâtre du peuple chinois fit obstacle aux forces militaires japonaises, qui ne purent franchir la ligne du front chinois. De ce point de vue-là, la Guerre de résistance du peuple chinois contre l'agression japonaise a grandement contribué à l'issue victorieuse de la Guerre mondiale antifasciste », a fait remarquer M. Li.
Selon les statistiques, en octobre 1938, le Japon disposait au total de 34 divisions de l'armée de terre, dont 32 déployées en Chine. Lorsque la guerre du Pacifique est déclarée en 1941, 70 % des effectifs de l'armée de terre japonaise combattaient encore en Chine.
Dans le soleil couchant, le pont Lugou, marqué par les âges, enjambe paisiblement le fleuve Yongding, son reflet apparaissant ridé dans l'eau. Les lions en pierre sculptée sur ses balustrades ont été refaits à neuf. À proximité de ce pont « vétéran » est aujourd'hui construit un nouveau viaduc qui assure le trafic routier. Non loin de là, un TGV passe à toute vitesse.
« En Chine, on dit qu'il est dangereux pour un pays d'oublier son histoire et que les belliqueux courent à leur perte. Nous devons mener une profonde réflexion sur notre passé et en tirer des leçons. Pendant la guerre, la Chine fut la force majeure qui mit en déroute les impérialistes japonais. Elle fut une force majeure pour le maintien de la paix. Et elle le restera encore longtemps », conclut Li Zongyuan.
La Chine au présent
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