CHINAHOY

4-August-2015

Sagesse chinoise et changement climatique

 

Photo de famille des participants au dialogue international sur la lutte contre le changement climatique.

 

Les questions environnementales et climatiques ne pourront pas être résolues sans une coopération internationale étroite, dans laquelle chacun assume sa part de responsabilités. Encore un domaine où l’exemple chinois montre la voie.

LI WUZHOU, membre de la rédaction

Un dialogue international sur la lutte contre le changement climatique s’est tenu à Beijing, les 24 et 25 juin derniers. Organisée par la Fondation Soong Ching Ling, cette table ronde avait pour thème « Harmonie-Coopération-Développement-Responsabilité : théorie et pratique face au changement climatique mondial ». Une trentaine d’experts et de chercheurs venus d’une dizaine de pays se sont entretenus sur ce thème suivant des perspectives scientifiques diverses : philosophie, éthique, droit, journalisme et communication.

Dans son allocution, Qi Mingqiu, vice-président exécutif de la Fondation Soong Ching Ling, a annoncé que cette table ronde visait à construire une plate-forme de dialogue qui favorisera les discussions entre chercheurs chinois et étrangers sur la théorie et la pratique de la lutte contre le changement climatique, mais aussi à parler de gouvernance mondiale sur le climat et à sensibiliser le public à ce problème.

Échangeant leurs points de vue, les chercheurs chinois et étrangers ont pu approfondir leur compréhension mutuelle, ces derniers ayant l’occasion de prendre connaissance de la situation en Chine.

Importance de la lutte contre le changement climatique

Zhao Baige, membre de la Commission nationale d’experts du changement climatique (CNECC), membre du Comité permanent de l’APN et directrice adjointe de la Commission des affaires étrangères de l’APN, a expliqué la position et l’argumentaire du gouvernement chinois aux experts et chercheurs étrangers présents. Selon elle, la Chine attache une grande importance à la lutte contre le changement climatique et a fait du développement d’une économie verte et à bas carbone un élément central de l’édification d’une civilisation écologique. Elle a mis en œuvre toute une série de mesures, apportant une contribution cruciale au ralentissement du changement climatique et aux mesures d’adaptation nécessaires. Des résultats remarquables ont été enregistrés. En 2014, la consommation d’énergie par unité de PIB et les émissions de dioxyde de carbone par unité de PIB étaient inférieures respectivement de 29,9 % et de 33,8 % à celles de 2005. Tout indique que les objectifs contraignants adoptés pour le XIIe plan quinquennal (2011-2015) seront atteints. La Chine est désormais le pays leader dans les économies d’énergie et l’utilisation d’énergies nouvelles ou renouvelables, apportant une contribution non négligeable à la lutte contre le changement climatique mondial.

La Chine, a-t-elle poursuivi, a été le premier pays en développement à établir et mettre en œuvre des programmes nationaux de lutte contre le changement climatique. En 2014, le Plan national de lutte contre le changement climatique a été lancé pour assurer la réalisation de l’objectif central : une baisse des émissions de CO2 de 40 à 50 % en 2020 par rapport à 2005. Dans le même temps, le gouvernement encourage les entreprises et le public à participer à des actions de lutte contre le changement climatique, insistant sur leurs responsabilité sociale et mettant à contribution leur esprit participatif. Les organismes sociaux, les quartiers résidentiels et les familles constituent désormais l’épine dorsale de la lutte contre le changement climatique. Un partenariat public-privé-population à l’exceptionnelle vitalité.

Prenant la parole à son tour, Du Xiangwan, membre de l’Académie d’ingénierie de Chine et directeur de la CNECC, a expliqué que le changement climatique et les émissions polluantes en Chine proviennent des mêmes causes : le mode de développement extensif et le mix énergétique. C’est ainsi que les économies d’énergie et la réduction des émissions doivent commencer par une révolution énergétique qui permettra à la fois de freiner le changement climatique et de combattre la pollution atmosphérique.

Selon lui, la stratégie de lutte contre le changement climatique doit comprendre deux aspects complémentaires : ralentir et s’adapter. Son essence est de conduire l’humanité vers un développement durable pauvre en carbone. Ceci influencera profondément le mode du développement humain.

Se munir d’un système légal

« Sans règles, rien n’est possible. » Cette maxime s’applique aussi au changement climatique. Philip Sutherland, professeur à la faculté de droit commercial de l’université de Stellenbosch de l’Afrique du Sud, a rappelé que seules des actions collectives entre États, entreprises et individus sont susceptibles de limiter les conséquences du changement climatique et de générer des solutions. « Naturellement, nous nous tournons vers le droit international de l’environnement et la loi sur les droits de l’homme », a-t-il expliqué, précisant que l’intégration des lois nationales est elle aussi primordiale.

Si la Chine a pu obtenir des résultats remarquables dans la lutte contre le changement climatique, l’une des explications de ce succès est le renforcement des institutions, et l’élaboration et la mise en application de lois nouvelles. En novembre 2013, le programme d’accélération de l’établissement d’un régime en faveur d’une civilisation écologique a été lancé pour accentuer la priorité écologique de la réforme. La construction d’un régime en faveur d’une civilisation écologique et le concept du développement durable sont les garanties institutionnelles de la lutte contre le changement climatique.

Selon Cai Shouqiu, président de la Société chinoise du droit de l’environnement et des ressources, la Chine s’aquitte de ses responsabilités de grand pays, d’une part en luttant contre le changement climatique mondial en coopération avec la communauté mondiale, d’autre part en instaurant un système légal national visant la prévention et le traitement des pollutions, la protection de l’environnement, l’utilisation rationnelle et la gestion des ressources naturelles, ainsi qu’à promouvoir les économies d’énergie et leur emploi rationnel.

Actuellement, les textes juridiques et réglementaires chinois destinés à lutter contre le changement climatique portent sur l’identification des produits à bas carbone, la diffusion des techniques d’économie d’énergie et de baisse des émissions, la gestion des projets du mécanisme de développement propre (MDP) et des fonds écologiques, la gestion des opérations de réduction volontaire des émissions des gaz à effet de serre, etc.

En plus de ces mesures juridiques, la Chine a élaboré des textes politiques spécialement pour lutter contre le changement climatique. On peut citer le Programme national de Chine pour lutter contre le changement climatique, qui est le premier plan à long et moyen terme de ce genre en Chine, des plans d’actions sur le contrôle des émissions de gaz à effet de serre, concernant les domaines forestier et industriel, sans compter des textes très concrets concernant les économies d’énergie, la réducation des émissions et le crédit, le financement du mécanisme de développement propre (MDP), l’incitation fiscale du développement propre, les quartiers résidentiels pilotes à bas carbone, le captage du CO2 et son recyclage, le renforcement des bases statistiques sur le changement climatique, la diffusion du catalogue des mesures clés de l’État, etc. Les autorités locales sont mises à contribution : en septembre 2014, 22 provinces et municipalités avaient publié leurs plans en matière de lutte contre le changement climatique.

Les lois et règlements concernant le changement climatique se multiplient également. Dans le domaine de la protection de l’environnement, on peut citer la Loi sur la protection de l’environnement, la Loi sur la protection du milieu marin, la Loi sur la prévention et le traitement de la pollution atmosphérique, la Loi sur la prévention et le traitement de la pollution de l’eau, la Loi sur la promotion d’une industrie propre, la Loi sur la promotion de l’économie circulaire ; dans le domaine de la consommation énergétique, la Loi sur les économies d’énergie, la Loi sur les énergies renouvelables, la Loi sur le charbon, la Loi sur l’électricité ; dans le domaine des ressources naturelles, la Loi sur les forêts, la Loi sur les prairies, la Loi sur de l’eau, la Loi sur la gestion agraire, la Loi sur la gestion de l’utilisation des zones maritimes. Et autres encore, comme la Loi sur l’élevage, la Loi sur la prévention et le traitement de la désertification, la Loi sur la diffusion des techniques agricoles, ou la Loi sur les achats gouvernementaux qui prévoit que soit donnée la priorité à l’achat de produits certifiés sobres ou écologiquement performants.

Cao Mingde, professeur de l’Université du droit et des sciences politiques de Chine, a présenté les données qu’il avait analysées. Celles-ci confirment l’impact de ces lois, règlements et textes sur l’écologie et la consommation énergétique. Grâce à ces nouvelles normes, depuis 1990, la consommation d’énergie pour 10 000 yuans de PIB a diminué, passant de 5,32 TCE (tonne équivalent charbon) à 0,69 en 2014. Dans le même temps, la productivité de la production énergétique a augmenté considérablement, passant de 1 891,3 yuans/TCE en 1990 à 14 792,2 en 2014. On voit qu’en termes d’intensité énergétique, l’écart entre la Chine et les pays développés se réduit rapidement. En 2013, la consommation d’énergie était de 443,8 TCE/million de dollars de PIB, soit 1,8 fois plus la moyenne mondiale, et 2,3 fois plus que celle des États-Unis, 3,2 fois plus que celle de l’Europe. Des chiffres qui étaient de 2,49, 3,37 et 4,8 respectivement en 2011.

« Il y a un grand consensus des milieux sociaux sur l’élaboration de la Loi de la République populaire de Chine pour lutter contre le changement climatique, un travail qui a déjà commencé à mobiliser les services compétents », a révélé Chang Jiwen, directeur adjoint de l’institut sur la politique des ressources et de l’environnement du Centre de recherches du Conseil des affaires d’État sur le développement.

La sagesse chinoise face au changement climatique

Pour ce qui est de la lutte contre le changement climatique, les savants chinois présents autour de la table ont puisé leur sagesse dans la culture traditionnelle.

Selon Zhang Liwen, directeur de l’institut de Confucius de l’université Renmin de Chine, qui avait avancé la « théorie de la concorde sur le climat », une théorie qui fait référence aux contradictions et synergies superficielles et profondes entre changement climatique et politique sociale, économie, culture, éthique, législation, sciences et techniques et religion, ainsi qu’à la solution de ces conflits dans la concorde qui vise à trouver un équilibre. Le but étant la paix, le développement, la coopération et le progrès du bien-être des peuples. La justice et l’équité sont le principe qui garantit les intérêts de la communauté de destins de l’humanité dans le contexte du changement climatique. Ce principe est présent sur deux niveaux : sur le plan réel, c’est l’équité, la justice et l’action rationnelle ; sur le plan idéal, cela s’appelle le vrai, le bien et le beau. La science prouve, a-il-poursuivi, que les nuisances du changement climatique sont dues à l’humanité elle-même. Si cette dernière veut continuer à vivre sur cette planète, elle doit faire un effort de parcimonie.

« La contradiction entre changement climatique et justice mondiale correspond en apparence à celle qui existe entre les technologies et la politique, et qui peut être résolue par les économies d’énergie, la réduction des émissions, la diffusion des technologies ainsi que l’élaboration et la mise en application de politiques adaptées, mais aussi à travers la coopération internationale et les négociations visant l’équilibre entre les États en matière d’émissions et de gouvernance. Nous devons bien constater que les efforts sur le seul plan technologique ne seront pas suffisants, parce que l’origine de la crise climatique réside dans le fait que la relation entre l’homme et la nature est renversée dans la conception des valeurs, et que la volonté de l’homme d’être maître et possesseur de la nature continue de s’étendre », a commenté Yao Xinzhong, directeur de l’institut de philosophie et professeur d’éthique de l’université Renmin.

Selon M. Yao, il est essentiel de mettre en relation le changement climatique et la responsabilité morale pour résoudre le problème climatique. Pour ce faire, il nous faut comprendre d’une façon nouvelle la relation entre l’homme et la nature. S’inspirant de l’idée de « ciel et terre » utilisée dans le Livre des Rites, l’un des classiques de l’école confucéenne, il a livré sa vision de ce que devrait être la position de l’homme dans le ciel et la terre, sa responsabilité envers ces deux univers, pour reconstruire une base de valeurs comprenant « ciel, terre et justice ».

Selon Bai Tongdong, professeur de l’institut de philosophie de l’université Fudan, le confucianisme est lui aussi porteur d’idées pour la lutte contre le changement climatique. Il contient une sagesse orientale sur la responsabilité de l’humanité envers l’environnement et sa recherche de l’harmonie, son idéal de l’équilibre, peuvent inspirer les responsables politiques chargés des questions environnementales.

Pour l’équité devant le changement climatique

La justice climatique concerne la mise en pratique d’une gouvernance mondiale du climat et l’établissement d’un système climatique international. Ces dernières années, grâce à la diffusion de meilleures connaissances dans la population, la justice climatique est devenue la valeur fondamentale et la règle morale pour faire face au changement climatique.

Selon Jaap Spier, avocat général de la Cour suprême des Pays-Bas, une des causes de l’inertie générale des pays sur la problématique climatique est que certains craignent une concurrence déloyale entre pays. Il n’est pas difficile de comprendre les craintes de certains pays et d’entreprises de se retrouver en état d’infériorité, lorsque certains ont entrepris un effort déjà ancien de réduction de leurs émissions alors que d’autres n’agissent pas dans ce sens. Il faudra que les efforts requis de chacun soient pleinement établis et compris pour que ces craintes puissent se dissiper, au moins sur le papier.

Selon Liu Hainian, membre honorifique de l’Académie des sciences sociales de Chine, la Chine et la communauté internationale considèrent le droit à l’environnement et le droit au développement intrinsèquement liés comme des droits de l’homme de la troisième génération. Ce nouveau développement de la théorie des droits de l’homme est aussi le symbole que le droit à l’environnement est au centre des attentions de la communauté internationale. En tant que droit de l’homme, le droit à l’environnement concerne directement l’existence et le développement de l’humanité. Actuellement, le droit à l’existence et le droit au développement sont considérés comme les droits de l’homme les plus importants en Chine. Le droit à l’environnement est à la fois universel et particulier. Avant de conclure une convention internationale de lutte contre le changement climatique et d’avancer des objectifs numériques en matière d’économies d’énergie et de réduction des émissions, il faut d’abord fixer les exigences générales du plan et considérer les conditions réelles des différents pays. C’est la seule façon de procéder qui soit équitable et rationnelle. Il considère par conséquent que le « Principe de responsabilités communes et différenciées » défini par l’ONU est effectivement réalisable.

Thomas Pogge, professeur à l’université Yale et directeur du Centre de recherches sur la justice mondiale, considère que, hormis la morale, la justice climatique doit s’appuyer sur un élément simple et important qui est le principe d’équité. L’humanité doit respecter ce principe pour relever ensemble les défis du changement climatique, un fait compris et accepté même par les non spécialistes.

Des idées nouvelles pour lutter contre le changement climatique

Malgré la divergence des points de vue, les participants à la réunion ont tous formulé des conseils constructifs, partagé leurs situations et expériences, a indiqué Tang Wensheng, vice-présidente de la Fondation Soong Ching Ling, dans son discours lors de la cérémonie de clôture.

Les participants sont tous d’accord pour inclure des personnalités des milieux juridiques et philosophiques aux négociations climatiques afin d’élargir le champ de vision des négociateurs.

Selon Peng Yongjie, professeur à l’institut de philosophie de l’université Renmin, il ne faut pas poursuivre une idée illusoire qui serait de partager les intérêts climatiques mondiaux, ni mésinterpréter le « Principe de responsabilités communes et différenciées » devant la crise climatique, mais plutôt établir des standards, coordonner la production, l’enseignement, la recherche dans les différents pays, fournir des directions et aides, afin d’encourager tous les pays à relever les défis du changement climatique.

Les pays occidentaux possèdent de nombreux brevets de technologies vertes applicables, mais leurs prix ne sont pas abordables pour de nombreux pays en développement où les chaînes de production restent voraces en énergie et peu efficaces. Le conseil de M. Pogge était donc d’inciter la diffusion des techniques vertes par la réduction des frais de transfert de brevet ou par une négociation d’achat par l’État et les organismes internationaux.

Liu Hainian a cité Nelson Mandela qui avait, alors qu’il était président de l’Afrique du Sud, appelé à briser les restrictions érigées par les droits de propriété intellectuelle face au sida qui sévissait dans son pays. L’idée de M. Liu est à la fois simple et révolutionnaire : il ne faut pas condamner en bloc le principe du droit de propriété intellectuelle qui encourage l’innovation technologique et le développement social, mais l’aménager lorsque survient un problème majeur concernant le sort de l’humanité.

 

 

La Chine au présent

Liens