CHINAHOY

31-May-2013

Le monde d’encre et de couleurs projetées de Zhang Daqian

Zhang Daqian demeure l’un des plus remarquables peintres chinois. Cet artiste a su imiter, à s’y méprendre, ses prédécesseurs les plus grands. Mais il a également élaboré son propre style, en faisant naître des décors poétiques au moyen de « taches » d’encre et de couleurs.

Zhang Daqian (1899-1983) est généralement considéré comme « le plus légendaire maître en peinture chinoise du XXe siècle ». Excellant en peinture, calligraphie, sculpture et poésie, il est très apprécié du peintre renommé Xu Beihong. Ce dernier a même préfacé le Recueil des peintures de Zhang Daqian publié en 1936, écrivant : « un talent comme Zhang Daqian, on n’en voit qu’une fois tous les cinq cents ans ». Lors de la vente aux enchères de printemps 2013 organisée par la maison China Guardian Auctions à Hong Kong, l’œuvre Cottages in Misty Mountains qu’avait réalisée l’artiste en 1965, s’est vendue au prix de 27,025 millions de dollars hongkongais. Mesurant 141 cm de long sur 91 cm de large, il s’agit de l’exemple type des peintures de paysage de Zhang Daqian, réalisées par projection d’encre et de couleurs. Au centre de l’œuvre, se dressent des montagnes imposantes formées à coups d’abondants jets d’encre vifs et pleins d’entrain ; la brume et les nuages vaporeux qui enveloppent les sommets, sans oublier la végétation luxuriante, sont représentés en blanc avec une légère pointe de couleurs, insufflant une vitalité à l’ensemble de la toile ; dans la partie inférieure, apparaissent des teintes d’un bleu apaisant formant une ligne horizontale, ornées de fleurs rouges qui foisonnent sur les arbres.

Le style artistique de Zhang Daqian a connu principalement trois phases d’évolution : avant l’âge de 40 ans, il a suivi la voie des anciens ; de 40 à 60 ans, il a suivi la voie de la nature ; après 60 ans, il a suivi la voie du cœur. Au début de sa carrière, il s’était adonné aux études pour marcher dans les pas des maîtres anciens. Il avait copié les fameux chefs-d’œuvre de ces artistes, de Shi Tao (1642-1707) et Zhu Da (1626-1705), qui vivaient sous la dynastie des Qing (1644-1911), à Xu Wei (1521-1593) de la dynastie des Ming (1368-1644), en passant par les nombreux peintres des Song (960-1279) et des Yuan (1271-1368). Zhang Daqian était si habile qu’il est presque impossible de différencier ses copies des œuvres originales. En outre, Zhang Daqian s’était passionné pour les fresques des grottes de Dunhuang. Il s’était installé dans cette ville et y était resté trois ans, à dessein de peindre à l’identique ces fresques datant de différentes dynasties. Encore aujourd’hui, de nombreux musées du monde entier collectionnent les reproductions de Zhang Daqian, parmi lesquelles Landscape Painting par Shi Tao au Metropolitan Museum of Art de New York ou encore Dense Woods on Rising Layers of Mountain par Ju Ran au British Museum de Londres. Ju Ran est un peintre ayant vécu sous les dynasties des Tang du Sud (937-975, période des Cinq Dynasties) et des Song du Nord (960-1127).

Jadis, les lettrés conseillaient de « lire beaucoup et de voyager loin ». Zhang Daqian a suivi ces directives. Tout au long de sa vie, il n’a cessé de visiter les célèbres montagnes et rivières à travers le globe. Après ses 50 ans, il a mis pour la première fois les pieds à l’étranger, parcourant les continents européen et américain. Il a résidé dans bon nombre de pays dont l’Inde, l’Argentine, le Brésil et les États-Unis, découvrant des sites des quatre coins du monde. Durant chacun de ses séjours, il composait quantité de peintures et de poèmes sur le vif, diversifiant toujours plus son matériel de création.

Passé un certain âge, Zhang Daqian s’est retiré au Brésil pour y vieillir paisiblement. Comme sa vue commençait à baisser, il s’est essayé à la peinture par projection d’encre, employant des nuances foncées de bleu et de vert pour produire d’extraordinaires effets visuels. Par la maîtrise de cette technique, il s’est fait un nom au sein des cercles artistiques. « J’ai développé le savoir-faire, en termes de projection d’encre, de Wang Qia de la dynastie des Tang, ainsi que de Mi Fu et de Liang Kai de la dynastie des Song, en y introduisant quelques procédés de clair-obscur issus de la peinture occidentale », a expliqué Zhang Daqian.

Lors de la vente aux enchères de printemps 2010 organisée par la China Guardian Auctions en Chine, la gigantesque peinture sur soie Achensee Lake, conçue par jets d’encres colorées en 1968 par Zhang Daqian, a été adjugée pour un montant de 100,8 millions de yuans. C’était la première fois que le prix d’une œuvre picturale ou calligraphique moderne dépassait le seuil des 100 millions. Avec des dimensions de 264,2 cm sur 76,2 cm, cette toile, qui dépeint les paysages du lac Achensee en Suisse, mêle harmonieusement art abstrait occidental et peinture traditionnelle chinoise. Au premier plan, se profilent des montagnes verdoyantes, et au plan arrière le lac avec des maisons esquissées à l’encre affichant des couleurs douces. Achensee Lake est considéré comme le plus grand chef-d’œuvre de Zhang Daqian. Cette production a été exposée durant les années 1960 dans des galeries réputées à New York, Boston et Chicago. En 2003, elle a été présentée au Metropolitan Museum of Art de New York, lors d’une exposition sur l’art moderne chinois baptisée « Between Two Cultures ».

Au fil de sa vie, Zhang Daqian a réalisé une multitude de peintures aux thèmes variés, tels que paysages, portraits, fleurs et oiseaux. Son ami Gao Lingmei, propriétaire de Mei Yun Tang Collection, établissement privé qui a recueilli le plus grand nombre de ses succès, a rédigé à la fin des années 1950 un ouvrage intitulé La peinture de Zhang Daqian, dans lequel sont explicitées les théories et les techniques utilisées par l’artiste. Gao Lingmei a tout spécialement invité Zhang Daqian à illustrer ce livre, pour qu’y figure visuellement chaque étape du processus créatif.

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