Le 10^e Festival du cinéma chinois de Paris

Le Festival du cinéma chinois de Paris est un événement artistique incontournable. Depuis sa première édition, il a permis au public parisien de découvrir un cinéma chinois assez méconnu dans le monde occidental.

ANDRÉ FERNANDEZ*

À ce jour, plus de 350 films ont été présentés au public français lors des différentes éditions du Festival du cinéma chinois de Paris. Il est devenu un événement annuel apprécié par le grand public et les cinéphiles. Avec son frère jumeau, le Panorama du cinéma français organisé par Unifrance en Chine, il développe les liens cinématographiques et culturels entre les deux pays. Il a notamment permis l'élaboration des accords de coproduction France-Chine dès 2004. Ceux-ci ont été signés en 2010.

Le festival est né en mars 2004 dans le cadre de l'Année de la Chine en France. Il est organisé en collaboration de l'Administration d'État du cinéma de Chine, avec le soutien du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la Culture et de la Communication français et de la Mairie de Paris.

Le festival fête cette année sa 10^e édition. Et c'est une année particulière puisqu'elle est marquée par le 110^e anniversaire de la naissance du cinéma chinois, le 120^e anniversaire de la naissance du cinéma français et mondial, et le 70^e anniversaire de la guerre mondiale antifasciste. De nombreuses projections ont donc été organisées autour sur ces thèmes de commémoration. Une délégation chinoise composée d'officiels, de réalisateurs et d'acteurs est également venue à Paris pour y participer.

Cette 10^e édition s'est tenue du 10 au 24 novembre 2015 dans les cinémas parisiens. Philippe Muyl, réalisateur, en était le parrain, Tao Hong, actrice, et Zhen Hao en étaient les ambassadeurs. Hormis les projections, les trois forums et les rencontres entre professionnels franco-chinois ont attiré beaucoup de monde.

Le large éventail de films, avec 52 œuvres présentés cette année, reflète bien la diversité du cinéma et de la culture chinoise. Le public parisien a ainsi pu apprécier la qualité et la beauté des chefs d'œuvre cinématographiques, découvrir la vie et les coutumes de différentes ethnies de la Chine et partager les sentiments des Chinois. La communauté des Chinois d'outre-mer était aussi invitée à découvrir dans les salles de cinéma à Paris, les films de leur pays d'origine.

Le cinéma constitue un atout majeur du rapprochement culturel et économique entre nos deux pays. La France est un partenaire stratégique de la création cinématographique chinoise puisque, outre l'accord de coproduction, l'aide aux cinémas du monde a déjà permis de soutenir 6 projets de réalisateurs chinois.

Un forum sur l'histoire du cinéma chinois a aussi été organisé avec le partenariat entre l'INALCO et le CNC (Centre national du cinéma), et la participation de spécialistes des deux pays. Deux autres forums ont été organisés : un sur les films de Guerre de résistance du peuple chinois contre l'agression japonaise, et le forum Talents en court, opération destinée à aider les jeunes auteurs et producteurs à mieux appréhender le milieu professionnel, et plus particulièrement les aides du CNC.

110^e anniversaire de la naissance du cinéma chinois

Le cinéma chinois est né en 1905, soit 20 ans après l'invention du cinématographe. Pendant le festival, on a pu apprécier les débuts du cinéma chinois, du muet jusqu'aux créations contemporaines, en passant par les âges d'or du cinéma shanghaïen ou hongkongais. Le cinéma chinois a connu des générations de cinéastes emblématiques : Xie Jin, Zhang Yimou, Wong Kar-wai, Lou Ye, Jia Zhangke. L'histoire de la création chinoise a été retracée à l'occasion du forum sur l'histoire du cinéma chinois, organisé avec le soutien du CNC pour l'édition 2015.

Li Minwei (Lai Man-wai, 1893-1953) est considéré à la fois comme l'un des fondateurs du cinéma chinois et comme le père du cinéma de Hong Kong. À la tête de la compagnie Minxin, puis au sein de la Lianhua, il a contribué à développer un cinéma que l'on appellerait aujourd'hui « d'auteur ». Il a en outre créé un véritable phalanstère d'artistes, car c'est toute sa famille, frères, femmes et enfants, qui sont entrés dans sa création.

Né en 1893 au Japon, il a grandi à Hong Kong. Il a juste 20 ans quand il croise l'homme d'affaires américain d'origine russe Benjamin Brodsky, qui avait fondé un premier studio à Shanghai. En 1913, Benjamin Brodsky s'associe avec Li Minwei et son frère Li Beihai pour fonder la compagnie Huamei, qui produisit aussitôt le premier long métrage mis en scène par Li Minwei, Zhuangzi met son épouse à l'épreuve. Ce film, inspiré d'un conte chinois, fait partie de deux premières œuvres de fiction du cinéma chinois, avec Un couple infortuné. Sur le plan technique, le film marque la première utilisation d'effets spéciaux en Chine, en l'occurrence l'apparition soudaine et dramatique du fantôme de Zhuangzi. C'est aussi le premier film chinois à avoir été exporté, aux États-Unis précisément, dès 1914, par le coproducteur américain Brodsky.

Le 110^e anniversaire de la naissance du cinéma chinois, a été l'occasion de présenter les chefs-d'œuvre de six générations de réalisateurs. L'hommage fait à Lai Man-wai a été particulièrement émouvant. En effet Lai Man-wai a tourné de nombreux documentaires historiques dès 1920 : Sun Yat-sen et la gloire républicaine (1921-1928) ; La Résistance de la 19^e Armée (1932) ; La Bataille de Shanghai (1937), etc…

52 films couvrant toutes les périodes du cinéma chinois

Tout le cinéma chinois avait été convoqué cette année, avec une sélection couvrant toutes les périodes du cinéma chinois mais aussi les derniers films de réalisateurs renommés, des films primés lors de festivals nationaux et internationaux, des premiers films de jeunes cinéastes. Pour montrer la richesse de la distribution, on peut citer sans être exhaustif :

La Naissance d'un cinéma (2000, de Hu An, avec Xia Yu) ; L'Éleveur de chevaux (1982, Xie Jin) ; Le Bourg aux hibiscus (1986, Xie Jin) ; Red Amnesia (2015, de Wang Xiaoshuai) ; Pour que vive mon village (2015, de Ning Jingwu) ; La Course aux billets (2014) ; La Traque au violeur (2014) ; Vie et Mort à Shaoxing (2014) ; Illusions (2014) ; L'Aurore sous le givre (2014) ; Adieu ma concubine (2015, en 3D, opéra de Pékin).

Les ciné-concerts ont aussi été mis à l'honneur avec des projections de films shanghaiens des années 30 accompagnés par des musiques chinoises composées spécialement pour les projections.

Les documentaires récents projetés ont permis de comprendre l'évolution de la culture chinoise, entre tradition et modernité. De grands moments de découvertes. On peut citer les documentaires Yaodong, petit traité de construction sur les habitations troglodytes du Shaanxi ; Fabrication du papier Naxi ; Le Retour des manuscrits Dongba ; Chez les Yao ; À la recherche des voix mandchoues (2015) et Le Jardin du Dr Buissière (2014, de Zhang Tongdao) sur la vie d'un médecin français en Chine dans les années 20-30…

Des films d'animation ont fait la joie du jeune public avec Le Roi des singes en 3D de Wan Laiming et Tang Cheng ou encore Zhu Bajie mange la pastèque de 1958 et Le Fruit du ginseng de Yan Dingxian, 1981.

Une fois de plus, le festival a tenu ses promesses, et a permis à un large public de découvrir le cinéma chinois, depuis sa ,naissance jusqu'à nos jours. Un cinéma parfois méconnu des Français, en dehors des circuits traditionnels et commerciaux. Le festival a su innover et montrer la Chine « autrement ». Cette édition a su montrer la réalité d'une Chine vivante, contrastée, avec sa multitude de talents. De nombreux réalisateurs, acteurs et musiciens renommés étaient au rendez-vous pour en témoigner. Les prix décernés ont été autant de récompenses et d'encouragement aux jeunes réalisateurs et acteurs, ainsi qu'une reconnaissance pour la coopération franco-chinoise.

 *ANDRÉ FERNANDEZ est docteur en sciences sociales de l'université Paris 5-La Sorbonne, chercheur en sociologie dans le domaine de la protection sociale et président de l'association France-Chine Cultures Interactives (AFCCI).

La Chine au présent