CHINAHOY

11-January-2016

Beida, vivier de la Chine nouvelle

 

Le 8 juin 2015, des étudiants venant de Corée du Sud, Japon et Singapour posent pour une photo dans le campus de l'université.

 

L'Université de Beijing est depuis plus d'un siècle au cœur de la vie académique du pays. C'est là qu'une foule d'intellectuels et de dirigeants, aussi bien chinois qu'étrangers, ont fait leurs premières armes.

GONG HAN, membre de la rédaction

Qu'ont en commun les personnes suivantes : Tu Youyou, lauréate du prix Nobel de médecine, Lin Yifu, ancien gouverneur adjoint de la Banque mondiale, Li Yanhong, fondateur du navigateur Baidu, Joel Bellassen, inspecteur en chef du chinois au ministère français de l'Education nationale, Anna Budura, spécialiste roumaine de l'histoire chinoise et le premier ministre chinois Li Keqiang ?

Vous l'avez deviné : tous sont diplômés de l'Université de Beijing.

L'Université de Beijing, que l'on appelle souvent Beida par abréviation, fut fondée en 1898 : c'est la première université nationale de Chine.

Pionnière de la liberté

L'Université de Beijing est l'un des plus importants berceaux des idées démocratiques dans la Chine moderne. Au début du XXe siècle, le célèbre pédagogue Cai Yuanpei en fut le recteur. à ce moment-là, on pouvait rencontrer sur le campus des professeurs vénérables comme Gu Hongming, qui enseignait la littérature anglaise tout en conservait ses nattes sur la tête à la mode ancienne, mais aussi des éléments d'élite de la culture nouvelle rentrés au pays après la fin de leurs études à l'étranger comme Hu Shi. Des érudits étrangers comme Russell, Dewey, Albert Einstein, Marie Curie sont venus y donner des conférences.

Cet esprit de tolérance et de libre circulation des idées s'y exerce jusqu'à aujourd'hui.

Début 1934, Edgar Snow, correspondant en Chine du New York Daily, était invité en tant que maître de conférences par le département de journalisme de l'Université Yanjing, qui devait être incorporée dans l'Université de Beijing en 1952. Les étudiants lui ont réservé un chaleureux accueil. Revenant de la région reculée du Shaanxi-Gansu-Ningxia à Beijing fin octobre 1936, M. Snow présenta aux étudiants de l'Université de Beijing, mais aussi à ceux de l'Université Tsinghua et de l'Université Yanjing, ce qu'il avait vu et entendu dans le nord du Shaanxi. C'est dans le jardin Yanyuan qu'il a terminé d'écrire son livre Red Star Over China. Après la fondation de la Chine nouvelle, M. Snow est revenu deux fois à l'Université de Beijing, en 1960 et 1964, pour revoir ses anciens collègues, les étudiants et ses amis d'antan. Dans son livre Sur l'autre rive de l'océan publié en 1963, il écrivait : « Autrefois, l'Université nationale de Beijing était la plus importante. C'est de là que sont sortis les plus importants fondateurs du Parti communiste. Aujourd'hui encore l'Université de Beijing attire les étudiants ambitieux des départements des arts et des sciences, des chercheurs diplômés. » Le 19 octobre 1973, une partie des cendres d'Edgar Snow était inhumée au bord du lac Weiming du campus universitaire.

Beida reste aujourd'hui l'un des établissements d'enseignement supérieur les plus prestigieux de Chine. Elle figure à la 42e place de la liste des meilleures universités du monde, publiée dans la rubrique Enseignement supérieur du Times. Les spécialités des sciences humaines et sociales ainsi que les disciplines fondamentales forment les domaines traditionnels d'excellence de l'établissement, en particulier l'histoire, l'économie, les langues, la littérature, la chimie, la physique et la biologie.

D'après des données de 2013 publiées par les ESI des États-Unis, 18 des 22 disciplines que propose l'Université de Beijing, dont en particulier les mathématiques, la physique, la chimie, la biologie et la biochimie, la biologie moléculaire et la génétique, se comparent en niveau au 1 % des meilleures universités et instituts de recherche du monde. Rien de surprenant qu'elle se classe donc aux tous premiers rangs des établissements d'enseignement supérieur chinois.

 

Photo souvenir devant la grande porte de l'université pour ces deux jeunes diplômées.

 

Li Keqiang est diplômé de l'Université de Beijing

Li Keqiang fait partie de la première génération d'étudiants admis aux universités après la reprise du concours à la fin de la Révolution culturelle. Il aspirait depuis longtemps à pouvoir étudier à l'Université de Beijing. Il a été admis finalement au département du droit où il a étudié pendant dix ans, de la licence au doctorat. « Ce que je recherchais là-bas, ce n'étaient pas seulement les connaissances, mais aussi la culture mentale et la façon d'étudier », a expliqué un jour Li Keqiang.

Ses camarades de classe étaient impressionnés par la ténacité que le jeune Li attachait à son étude de l'anglais. Qu'il soit à la cantine ou dans le bus, partout il avait son carnet de vocabulaire à la main. Ayant acquis un excellent niveau, il s'est mis à traduire des documents ayant trait au droit constitutionnel britannique. Des documents qui ont plus tard servi à la Commission législative du Comité permanent de l'Assemblée populaire nationale. Sa traduction Précis d'histoire constitutionnelle de l'Angleterre a été publiée par le Département du droit de l'Université de Beijing pour servir de référence pédagogique.

En janvier 1982, Li Keqiang terminait ses études avec des résultats excellents. À l'approche du diplôme, nombreux étaient les camarades de classe de M. Li qui se destinaient à poursuivre leurs études en Amérique ou en Europe. Il avait lui aussi cette ambition et consacra deux mois à la préparation de l'examen. Mais il a finalement préféré accepter la proposition plusieurs fois réitérée de la direction de l'école d'aller travailler au poste de secrétaire du Comité de la Ligue des jeunesses communistes de l'université. Une décision qui n'a pas fait que des heureux, et que beaucoup de ses proches ont déploré.

Poursuivant ses études universitaires en vue d'obtenir le titre de master, il se trouva sous la direction du célèbre économiste Li Yining, l'un des premiers à prôner la réforme de l'économie chinoise par l'actionnariat. En 1995, il obtenait son doctorat, avec une thèse intitulée « Du secteur tertiaire dans l'économie chinoise » qui traite des problèmes d'une transition de la société agricole vers la société industrielle et des mesures politiques à prendre. Cette dernière fut distinguée par le premier prix des milieux économiques chinois, appelé le Prix Sun Yefang pour la science économique.

« Au sein de Beida règne une certaine familiarité entre les étudiants et les enseignants, qui se base sur la primauté du savoir et le culte de la vérité. La dignité des fonctions est sans valeur devant le savoir et la vérité. On peut considérer cela comme une façon moderne d'enseigner. Mais cela ne signifie pas que les enseignants sont moins exigeants. Au contraire, l'enseignant exige de ses élèves qu'ils apprennent non seulement les informations enseignées, mais qu'ils considèrent aussi le poids de la science. Ce qui leur était demandé était de se concentrer sur le vrai savoir, faisant fi de futilités comme le prestige du diplôme », a rappelé Li Keqiang.

En tant que premier et plus prestigieux établissement universitaire du pays, l'Université de Beijing a été le berceau d'innombrables célébrités nationales.

Li Yanhong, fondateur et CEO de la société Baidu, a affirmé dans une interview que Beida avait été déterminante pour sa carrière. De retour des États-Unis, il a loué un deux-pièces proche du campus où il a commencé avec quelques amis à travailler sur son futur navigateur internet. Dans un discours qu'il a prononcé récemment, Li déclarait : « Lorsque je jetais un coup d'œil à travers les fenêtres de mon bureau, je pouvais voir le bâtiment n°43 où j'avais passé ma vie d'étudiant. À la tombée de la nuit, les lumières de cet immeuble me rappelaient mes soirées studieuses passées à l'université. » En bas de la plaque commémorative dédiée à Baidu, une ligne en petits caractères précise : « une société créée par d'anciens étudiants de l'Université de Beijing ».

Mais le prestige de l'Université de Beijing s'étend aussi à l'étranger, notamment parmi les personnalités politiques. Environ 50 chefs d'État ou de gouvernement l'ont visitée depuis 1998. En 2014, le président éthiopien Mulatu Teshome est venu visiter son alma mater. C'est là qu'il a suivi ses études universitaires, de la licence au doctorat, et c'est lui le premier diplômé étranger de Beida à devenir chef d'État. En évoquant son ancienne école, ses amis et professeurs, Mulatu Teshome paraissait fort ému. « Mes camarades de classe, plus âgés ou plus jeunes que moi, sont dynamiques chacun dans leur domaine et tous ont apporté leur contribution à la société. En tant qu'étudiant de l'Université de Beijing, je ne pensais pas honorer l'établissement, mais c'est moi qui ai été honoré par l'Université de Beijing. »

Une fenêtre sur la société chinoise

L'Université de Beijing compte 3 600 étudiants venant de divers pays. Les spécialités les plus appréciées sont les relations internationales, le management industriel et commercial, le mandarin et la littérature chinoise.

Le Collège de Yanjing, compris dans la structure de l'Université de Beijing, a lancé un programme de master sur deux ans en « Études chinoises » qui vise à former les personnels destinés à travailler au sein des organisations internationales, des organisations non gouvernementales, des services gouvernementaux et des entreprises transnationales. Les dix spécialités offertes par les Études chinoises comprennent la culture, la philosophie, l'économie, le droit et le régime social, et s'attachent à la culture chinoise ancienne et plus encore à la Chine contemporaine, sans oublier le monde du futur. L'accès à ce programme passe par une sélection particulièrement sévère et le taux d'élimination des étudiants étrangers est de 75 %, l'accent étant mis sur le contexte de divers exercices académiques et l'ouverture sur l'orientation des recherches. La première promotion a compris 96 étudiants venant de 34 pays, dont 24 Chinois et 72 étrangers. Une bonne partie d'entre eux venaient d'universités prestigieuses, telles que Harvard, Yale, Oxford ou Cambridge.

Actuellement, quelque 200 associations étudiantes déploient leurs activités à l'Université de Beijing. L'école encourage les étudiants y participer. Services bénévoles, arts martiaux, calligraphie et sports compétitifs sont les activités les plus répandues dans ces cercles.

Chaque été, les étudiants étrangers sont émerveillés par la variété de l'offre de loisirs collectifs. Recherches sur les ombres chinoises à Dalian, protection de la diversité culturelle au Guangxi, aide à des écoles primaires et cliniques rurales à Dali, dans le Yunnan, leur permettent de mieux comprendre la Chine.

Anna Budura et son mari, qui allait plus tard devenir ambassadeur de Roumanie en Chine, ont tous deux fait leurs études à l'Université de Beijing. En 2014, âgée de quatre-vingts ans, elle a adressé une lettre à son ancienne université à l'occasion du 116e anniversaire de celle-ci. « Je suis retournée par la pensée à l'automne 1952, peut-on lire dans sa lettre. Je venais alors de franchir le portique ouest, laqué de rouge, de l'Université de Beijing… J'ai été tellement impressionnée par ce beau paysage, les constructions de style impérial, les logements et les installations sportives, mais aussi l'enthousiasme qui y régnait, mes professeurs raffinés et les étudiants chaleureux… Pendant quatre ans, j'y ai étudié l'histoire chinoise et j'ai appris à aimer la culture et la philosophie chinoises. Enfin, j'ai compris le mode de pensée des Chinois. Je me suis rapprochée de leurs racines et de leur âme, et petit à petit, j'ai réalisé mon idéal de devenir une sinologue et une historienne. »

 

 

La Chine au présent

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