CHINAHOY

29-December-2014

Pourquoi les Chinois aiment-ils le café ?

 

Dans l'aéroport de Pu'er, les chaînes Aini Garden et Starbucks vendent du café chaud et des sachets de grains de café.

 

Le café est devenu incontournable en Chine : à la fois art de vivre, symbole de modernité, de réussite et de statut, il séduit les jeunes et les actifs. Pedro Lago, de Cuba, nous livre son analyse de ce phénomène.

PEDRO LAGO, membre de la rédaction

En raison de la superficie de la Chine, des différentes minorités ethniques et de l'influence d'autres facteurs, chaque question appelle une multitude de réponses. Je voudrais cependant essayer de savoir précisément pourquoi la consommation de café ne cesse de progresser dans le pays le plus peuplé du monde.

Il ne faut pas s'étonner de savoir que le café a été introduit en Chine en 1887. À cette époque, les missionnaires français plantaient du café dans ce qui est aujourd'hui la province du Yunnan. Jusque dans les années 1960, cela restait très marginal. À cette période, les tentatives de planter du café et d'autres espèces végétales avaient abouti à des échecs et seules subsistaient des mauvaises herbes.

Il faut remarquer que tout cela s'est produit dans une période où la culture du thé en Chine avait une place dominante. Sur le territoire de Pu'er qui a vu naître un des thés les plus réputés de Chine, le thé pu'er, les Français ont planté les premières graines de caféier au XIXe siècle. C'est toujours de cette zone que provient 98 % de la production de café en Chine.

Avant que la ville de Pu'er ne devienne la région de production de la quasi-totalité du café chinois, elle ouvrit ses portes au monde avec la politique de réforme et d'ouverture, tout comme les autres villes chinoises dans les années 1970. Le café devint alors un secteur prospère de l'économie du pays.

En 1988, sous l'impulsion de la société multinationale suisse Nestlé, les autorités locales de Pu'er initièrent des projets dans la production de café. Nestlé construisit une usine. Le café est un produit très similaire au thé en termes de production et rapidement, il fit son apparition sur le marché chinois.

Actuellement, plus de 240 000 agriculteurs de Pu'er ont pu relever leur niveau de vie grâce au café. La ville de Pu'er est aussi devenue la première région expérimentale de développement écologique de Chine. « Actuellement, il n'y a aucune industrie lourde à Pu'er », nous confie avec fierté Lu Han, directeur du bureau de développement de la production de café de Pu'er.

« Le thé est un classique, alors que le café est à la mode. L'un appartient à la Chine, l'autre appartient au monde. Le ciel a accordé ses faveurs à la terre de Pu'er, car ici, le thé et le café s'entendent dans l'harmonie et se développent ensemble », souligne Lu Han, qui appartient à la minorité ethnique Yi. Il tente ainsi de nous fournir quelques éléments de réponse : l'amélioration des conditions d'existence, la protection de l'environnement et la coexistence harmonieuse.

En 1997, l'Organisation mondiale du café a effectué une visite en Chine. Elle a passé trois ans à promouvoir la consommation de café en Chine, visant plus d'un milliard de consommateurs potentiels.

Si auparavant dans les villes on pouvait compter les cafés sur les doigts de la main, on peut maintenant constater leur croissance exponentielle. Le géant mondial des cafés, Starbucks, a ouvert son premier établissement en mars 1998 dans l'immeuble du China International Trade Centre, devenant la première chaîne de café sur la partie continentale de la Chine. On en compte actuellement plus d'un millier répartis dans une soixantaine de villes en Chine. À l'époque, un grand nombre de Chinois revenaient de l'étranger : c'est la principale raison derrière la croissance folle du nombre des cafés durant toutes ces années. Pour beaucoup, ces Chinois qui revenaient au pays ont rapporté avec eux le mode de vie des pays étrangers, ce qui a eu une influence sur la passion du café en Chine.

En général, ceux qui au début aiment le café sont les personnes qui comprennent les habitudes de vie occidentales. Ils vont au Starbucks, à Costa et autres cafés, où le prix du café ne cesse de grimper, avec cette impression : prendre un café dans ces endroits montre que l'on a de l'argent et un statut social. Pour les consommateurs chinois, c'est un des facteurs expliquant sa popularité.

« Dans la réalité, en Chine, il n'y a pas vraiment de relation entre le prix du café et la qualité de la production », estime Jairo Ortiz, un passionné de café originaire de Colombie qui a établi en Chine la marque Coffeeman. « Ce que je veux dire, c'est que ce marché n'est pas du tout parvenu à maturité comme le marché australien, européen ou américain. Ici, le café véhicule surtout une sorte de valeur sociale, un peu comme une devise populaire, un produit pour répondre au besoin d'individualité ».

Il est intéressant de noter qu'en Chine, dans un pays où la culture du thé est si fortement ancrée, les consommateurs puissent si bien accepter le café, voire même remplacer le thé par ce nouveau produit. Un autre point, c'est que tous les cafés en Chine ont procédé à des adaptations pour répondre aux goûts des consommateurs chinois. Par exemple, c'est le café au lait qui se vend le mieux à Starbucks en Chine. Zou Lei, le vice-président de la branche de Beijing de la Fédération chinoise du café, nous explique pourquoi il boit du café. « Le café procure bien sûr des bienfaits à l'organisme. Tous les jours, je prends mes médicaments avec du café. D'un point de vue médical, le café facilite la circulation sanguine. C'est pour cela que j'en déduis que le café peut permettre aux médicaments de se diffuser dans tout l'organisme », explique-t-il.

Bien que la consommation moyenne de café en Chine n'atteigne que 35 grammes par habitant, soit un centième de la consommation moyenne du Japon, la demande de café en Chine connaît une croissance annuelle de 8 % depuis 2011. Il y a 50 ans, la demande de café au Japon était très faible. Mais si la consommation en Chine suit la même progression et atteint le même niveau, alors le marché chinois atteindra 75 millions de sac/an, soit la moitié du marché mondial. Une perspective qui fait saliver les entreprises du secteur.

Par ailleurs, beaucoup de jeunes gens aiment l'atmosphère des cafés, calme et propice au travail, avec une connexion Internet gratuite, etc. Je vais souvent prendre un café au Starbucks du Wanda Plaza, qui se trouve à une vingtaine de kilomètres du centre des affaires de Beijing. Même si le latte est trois fois plus cher que dans un Starbucks de Chicago aux États-Unis, les gens font la queue au comptoir.

 

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