CHINAHOY

29-December-2014

Le tourisme stimule le développement économique du Tibet

 

Thubten Khedrup avec des enfants.

 

LI GUOWEN, membre de la rédaction

Un jour d'avril, j'ai entendu le professeur Thubten Khedrup parler de culture touristique et de développement économique lors d'une conférence à l'Université du Tibet. Je l'ai revu une nouvelle fois, au bureau du directeur du département de recherche de l'Université du Tibet. Le visage rayonnant, avec ses lunettes à la monture blanche, il s'exprimait avec une allure et un ton à la fois savant et limpide.

Pour le professeur Thubten, l'histoire du développement du secteur touristique au Tibet est une des facettes des transformations du développement économique et social en cours ces trente dernières années de réforme et d'ouverture. « Avec le développement du secteur de la culture traditionnelle tibétaine, l'exploitation de toutes sortes de produits touristiques, l'influence de la culture tibétaine sur plus de 10 millions de visiteurs qui viennent chaque année est profonde. »

Un témoin des transformations

À la fin des années 1950, les parents de Thubten Khedrup arrivèrent à Lhassa pour fuir la famine dans le district de Jomda, dans la préfecture de Qamdo. Grâce à l'Armée populaire de libération, le père de Thubten trouva un travail dans les services logistiques de l'armée. Né en 1964, le jeune Thubten suivit ses parents à Lhassa, à Qamdo, à Nyingchi, etc. « Je ne sais pas dans combien d'écoles j'ai étudié, d'une école à une autre, dans tout Qamdo, dans tout Nyingchi, j'ai dû toutes les faire », se rappelle-t-il.

Avant la libération pacifique du Tibet, il n'y avait pas de scolarité moderne. Jusque dans les années 1970 et 1980, le tibétain n'était enseigné que dans les écoles primaires au Tibet. Dans les collèges, il n'y avait pas d'enseignant de tibétain. « En primaire, je n'ai étudié qu'en tibétain. Je n'ai appris le mandarin qu'au début du collège. J'ai étudié au collège dans le district de Bomi, précise-t-il. À cette époque, il y avait très peu de collèges où l'enseignement se faisait en tibétain, sans même parler de l'enseignement bilingue au collège ou de l'enseignement supérieur, comme aujourd'hui. »

Durant cette période de vaches maigres, Thubten aimait jouer au basket et souhaitait ardemment avoir une paire de souliers de sport blancs. Ses parents s'enquirent auprès de magasins et d'entreprises de commerce international sans succès. « À cette époque, il n'y avait que deux craies pour chaque enseignant. Parfois, il oubliait en partant des bouts de craie. Je les prenais pour recouvrir mes souliers de craie blanche afin d'en faire des souliers de sport blancs », se souvient-il.

En 1982, Thubten passa l'examen d'entrée en classe préparatoire du Collège tibétain de Xianyang. Grâce à ses efforts, en 1983, il réussit à entrer à l'Université normale du Sud-Ouest. Diplômé en 1988, Thubten aurait pu travailler dans des métropoles comme Beijing et Chongqing, mais il tint absolument à enseigner à l'Université du Tibet. Il s'y trouve depuis plus de 20 ans, ayant effectué des recherches approfondies sur le secteur du tourisme.

L'ouverture attire le tourisme

Lorsqu'il parle de l'économie du tourisme au Tibet, Thubten Khedrup est intarissable. « Début 1980, après la première réunion de travail du gouvernement central sur le Tibet, le vent de la réforme et de l'ouverture a soufflé jusque sur les hauts plateaux. Ce furent les débuts du secteur touristique au Tibet. Cette année-là, la région a reçu 1 059 touristes étrangers », précise-t-il. Au cours des années 1980, la plupart des touristes au Tibet étaient des étrangers. « Il s'agissait principalement de voyageurs, de chercheurs, 80 % d'entre eux venant d'Europe et des États-Unis. »

À l'université, Thubten est entré en contact avec d'autres étudiants, des enseignants, des amis. Aucun n'avait été au Tibet. « Le pays ne s'était pas enrichi, les revenus étaient faibles. Le chemin était long pour aller au Tibet, les voies de communication peu pratiques, les coûts exorbitants. L'envie y était, mais les obstacles étaient trop grands. À cette époque, les contacts entre le Tibet et l'extérieur étaient peu nombreux, poursuit-il. Personne en gros n'avait l'idée d'y développer le tourisme. »

Les succès de la politique de réforme et d'ouverture ont permis le fort accroissement des revenus de la population et le nombre de visiteurs au Tibet a progressé de façon exponentielle. En 2004, le nombre total de touristes chinois et étrangers atteignait 1,22 million ; en 2013, il était de 12, 91 millions.

« Si l'on compare le chiffre de 1,22 million de visiteurs aux deux mille touristes au début des années 1980, cela paraît astronomique. Le chiffre de 13 millions, c'est un bond incroyable », déclare-t-il. « En 2006, la ligne Qinghai-Tibet a été ouverte ; en 2010, le secrétaire général du Parti communiste chinois d'alors Hu Jintao a proposé de faire du Tibet une « destination touristique mondiale de première importance » et d'y développer un secteur touristique « étendu, puissant, de premier ordre et spécifique ».

Parlant de l'impact apporté par la croissance exponentielle des touristes venant de l'extérieur sur la culture traditionnelle tibétaine, Thubten se montre serein. Il estime que depuis la nuit des temps, la minorité ethnique tibétaine est ouverte aux échanges. Le bouddhisme tibétain a puisé dans l'essence de la culture bouddhique de l'Inde, du Népal et des régions han.

Thubten ne s'inquiète pas une seule seconde pour la préservation et la transmission de la culture tibétaine. Il pense qu'avec l'afflux des visiteurs arriveront de nombreux modes de vie et loisirs modernes. Si la modernité influence dans une certaine mesure la vie matérielle, elle ne changera pas la culture et les croyances des Tibétains. « Au contraire, la culture traditionnelle tibétaine et les croyances éclaireront la spécificité de sa beauté intrinsèque, influenceront les millions de visiteurs de Chine et de l'étranger. Chaque année, des millions de visiteurs ramèneront avec eux la culture tibétaine, en Chine comme dans le monde entier », souligne-t-il.

Créer encore plus de centres d'intérêt touristiques

L'environnement particulier des hauts plateaux tibétains n'est pas propice à certaines industries modernes, c'est le consensus auquel toutes les communautés ethniques adhèrent. « L'économie tibétaine se développe dans les secteurs du tourisme et du tertiaire, les produits agricoles spécifiques, l'élevage et l'industrie de la transformation », explique Thubten.

Le développement du tourisme apporte facilement la prospérité à la population. Le Tibet compte 3,12 millions d'habitants. La région accueille chaque année 13 millions de visiteurs qui consomment sur place et contribuent de façon substantielle au développement du secteur des services. Comme l'explique Thubten, « plus de trois millions d'habitants, plus de deux millions d'éleveurs, comment leur faire tirer profit du tourisme ? C'est ce à quoi tout le monde au Tibet doit réfléchir ». Il estime que la prochaine étape au Tibet sera d'approfondir le développement de l'expérience touristique, pas les simples visites touristiques. « Pour établir une destination touristique mondiale, on ne doit pas s'arrêter aux visites des grands sites touristiques. À part les sites de renom comme le mont Qomolangma, le Potala et le temple Jokhang, il existe une riche culture villageoise ; il faut créer des centres d'intérêt de la culture ethnique. » Les séjours de loisirs et les séjours personnalisés sont déjà devenus un nouveau pôle de développement du tourisme au Tibet.

Pour la période du XIIe plan quinquennal, l'objectif pour 2015 est de faire passer le nombre annuel de touristes à 15 millions pour un chiffre d'affaires dans le secteur de 15 milliards de yuans.

Dans les forums comme dans les conférences, le professeur Thubten insiste pour que la culture joue un rôle prééminent dans le développement du tourisme. « Pour créer une destination touristique mondiale de premier ordre, il faut des fondements culturels. » Membre de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC), il a préconisé que tous les coins de rue de Lhassa arborent des symboles tibétains. « Pour que les touristes puissent prendre partout des photos, que partout on trouve des traces de Lhassa ». Pour ce faire, le chef-lieu de la région a mis en place en 2005 une initiative appelée « De pied en cap » pour que l'extérieur des édifices modernes en béton armé soit décoré dans le style traditionnel tibétain.

« Avec une histoire de plus de 1 300 ans et une superficie de 1,33 kilomètre carré, le vieux quartier de Lhassa attire les touristes. Il faut le préserver. Faire prendre conscience à la population de l'importance de protéger la vieille ville. Il faut que les habitants puissent utiliser leurs logements pour assurer leur existence. On pourra ainsi toujours préserver la spécificité de la vieille ville. » C'est ainsi que Thubten conçoit la préservation et le développement de la vieille ville de Lhassa.

Depuis quelques années, le grand spectacle sons et lumières La Princesse Wencheng fait jouer un rôle important à la culture dans le développement du tourisme. Durant la haute saison, les billets sont difficiles à obtenir. Cette production emploie plus de 500 éleveurs locaux comme figurants et chaque soir, chacun repart avec 200 yuans en poche.

« Le tourisme est déjà le secteur de base du Tibet, c'est devenu la source principale d'accroissement du revenu des habitants. La culture tibétaine contribue au développement vigoureux du tourisme. Il faut en renforcer la préservation et accroître l'ampleur de son développement pour que la culture traditionnelle tibétaine se transmette par le tourisme, pour qu'elle rayonne en Chine comme à l'étranger grâce aux touristes. » Telle est la vision de Thubten.

 

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