CHINAHOY

29-September-2014

Xu Yuanchong, traducteur hors pair et passeur de cultures

 

Version anglaise du Classique des vers, traduit par Xu Yuanchong.

 

Récemment, les efforts du traducteur Xu Yuanchong ont été couronnés par un prix d'excellence. L'occasion de revenir sur le parcours de cet homme qui crée des ponts entre les diverses cultures...

MA HUIYUAN, membre de la rédaction

Le 22 août dernier, au nom de la Fédération internationale des traducteurs (FIT), le Groupe international de publication de Chine, notamment l'Association des traducteurs de Chine et l'Académie de traduction de Chine, ont conjointement remis à Beijing le prix de traduction Aurora Borealis 2014 à Xu Yuanchong, professeur à l'université de Beijing.

Chen-Ning Yang, lauréat du Nobel de Physique en 1957, Wang Xiji, membre de l'Académie des sciences de Chine, et Li Zhaoxing, ancien ministre des Affaires étrangères, étaient tous présents à la cérémonie et n'ont pas manqué de féliciter le traducteur. Chen-Ning Yang et Wang Xiji étaient, dans leur jeunesse, des camarades de classe de Xu Yuanchong à l'Université nationale associée de Sud-Ouest. Quant à Li Zhaoxing, il étudiait à l'université de Beijing au moment où M. Xu y donnait des cours.

Ce prix Aurora Borealis, décerné annuellement depuis 1999, est la plus haute distinction au monde que l'on peut recevoir dans le milieu de la traduction littéraire. Xu Yuanchong en est le tout premier lauréat asiatique. À l'origine, Xu Yuanchong devait récupérer son prix à Berlin, lors de la 20e Assemblée générale de la FIT. Mais en raison de son âge avancé, le traducteur ne pouvait se rendre dans la capitale allemande. Une cérémonie spéciale fut donc planifiée à Beijing.

« J'adore traduire ! »

« Ce prix témoigne non seulement de la reconnaissance envers mon travail de traduction, mais démontre également que la littérature chinoise attire de plus en plus l'attention du monde entier. Pour moi, virevolter entre le chinois, l'anglais et le français, c'est toujours une joie ! À 93 ans, je fais toujours de la traduction. J'adore ! », s'exclame-t-il lors de la cérémonie.

Plus tôt déjà, lorsque Mo Yan avait remporté le prix Nobel de littérature, Xu Yuanchong avait rappelé le rôle crucial que jouait la traduction dans la diffusion de la littérature et de la culture chinoise.

Les poèmes et classiques chinois sont généralement considérés comme intraduisibles. Pourtant, Xu Yuanchong s'est attelé à la tâche de les transposer en anglais et en français, pour les présenter aux étrangers. Quatre fameuses pièces de théâtre chinois se sont ainsi fait connaître à travers le monde grâce à lui, à savoir L'Histoire du pavillon d'Occident, Le Pavillon aux pivoines, Le palais de la vie éternelle et L'éventail aux fleurs de pêcher. Il a permis aux étrangers de découvrir la merveille et la subtilité des poésies et chansons traditionnelles chinoises. Par ailleurs, ses traductions des ouvrages Le Classique des vers, Les Chants de Chu, Entretiens de Confucius et Lao Tseu ont rendu accessibles aux étrangers la philosophie et les pensées chinoises. Inversement, il a également transcrit en chinois bon nombre de célèbres œuvres littéraires anglaises et françaises, telles que Le Rouge et le Noir, Un début dans la vie, Madame Bovary, Jean-Christophe, etc. Par son labeur, il a alors aidé les Chinois à appréhender la culture et les mœurs en France et en Angleterre.

Au total, pas moins de 120 œuvres traduites par Xu Yuanchong ont été publiées. Et encore aujourd'hui, il projette d'achever dans un délai de 5 ans la traduction vers le chinois des œuvres complètes de Shakespeare.

Outre ce travail, M. Xu Yuanchong a avancé une théorie sur la traduction, qui se résume à trois principes : la justesse du sens, la beauté du son et le respect du style. Pour lui, dans l'art de la traduction, il faut savoir « suivre son instinct, sans transgresser ces trois règles. »

Une vie consacrée à la traduction

Au siècle dernier, les envahisseurs japonais ont occupé les villes de Beijing et Tianjin. En conséquence, les trois meilleures universités chinoises de l'époque – l'université de Beijing, l'université Tsinghua et l'université de Nankai – ont fusionné pour former l'Université nationale associée du Sud-Ouest, dont le campus a été installé à Kunming. « L'Université nationale associée du Sud-Ouest regroupait les élèves les plus brillants ainsi que les professeurs les plus compétents de la planète », estime Xu Yuanchong dans ses mémoires.

Durant ses huit années d'études dans cette université, Xu Yuanchong a écouté une série de conférences passionnantes et a profondément été inspiré par les grands maîtres qui les tenaient. Son ancien camarade de classe, Chen-Ning Yang, s'est remémoré : « Xu Yuanchong était sur tous les fronts à l'université. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il parle très fort aujourd'hui. En fait, ce n'est pas tellement parce qu'il souffre actuellement de problèmes d'audition ; sa voix résonnait tout autant en première année d'université ! En plus, il était très dynamique et sympathique. Il courtisait presque toutes les jolies filles de notre université à cette époque. »

En 1941, pour aider la Chine à se défendre face aux agressions du Japon, les forces aériennes des États-Unis ont atterri à Kunming et nécessitaient un grand nombre de traducteurs. Xu Yuanchong a répondu à l'appel et a travaillé au secrétariat des affaires confidentielles en tant que traducteur chinois-anglais durant une année. Au cours de son service, il a révélé l'étendue de son talent en traduisant les « trois principes du peuple » formulés par Sun Yat-sen en « of the people, by the people, for the people » (du peuple, par le peule, pour le peuple) .

En 1948, Xu Yuanchong s'est rendu en France pour ses études. Il y a perfectionné son français tout en approfondissant ses connaissances sur la culture et la littérature européenne. Son expérience lui a permis par la suite de traduire des œuvres françaises telles que Le Rouge et le Noir, À la recherche du temps perdu et les travaux de Victor Hugo et de Guy de Maupassant.

Après son retour en Chine, Xu Yuanchong a enseigné l'anglais et le français dans des universités à Beijing et dans d'autres villes chinoises. À partir de 1983, il a commencé à dispenser des cours de culture internationale à l'université de Beijing. Son génie suscitait chez ses élèves respect et admiration. L'ancien ministre des Affaires étrangères, Li Zhaoxing, qui l'avait connu alors qu'il poursuivait son cursus à l'université de Beijing, a affirmé lors de la cérémonie de remise du prix : « Quand j'étudiais à l'université, je n'avais pas l'occasion de suivre le cours de M. Xu Yuanchong. Aujourd'hui, je suis sincèrement ravi de pouvoir le voir de si près. »

Il faut avoir confiance en soi

« Une soixantaine de livres vendus dans le monde, l'unique traducteur de poésies chinoises en anglais et français ». Telles sont les indications que l'on peut lire sur la carte de visite de Xu Yuanchong. Alors que certains le considèrent arrogant, lui rétorque : « Nous, Chinois, devons avoir confiance en nous et faire preuve d'audace. »

Soulignant l'importance qu'avait revêtue son séjour d'études en France, il a indiqué : « Si j'étais parti aux États-Unis, il n'y aurait peut-être pas eu au XXe siècle de Chinois capable de traduire des poèmes traditionnels chinois vers l'anglais et le français. »

Et d'ajouter : « Sur le plan culturel, les étrangers ne comprennent pas vraiment les Chinois, tout comme les Chinois ne saisissent pas bien les étrangers. À l'heure actuelle, il nous faut exposer les faits réels pour gommer cette double mésinterprétation. » Une tâche qu'un bon traducteur est justement à la hauteur d'accomplir !

Au cours de sa longue carrière, Xu Yuanchong a donné naissance à des traductions notoires. En 2004, lorsque Chen-Ning Yang a épousé Weng Fan, de 54 ans sa cadette – une annonce qui avait éveillé une grande controverse à travers tout le pays – Xu Yuanchong, ami très proche du couple, leur avait offert, en guise de bénédiction, sa traduction anglaise et française de deux poèmes de Zhang Xian et de Su Dongpo, auteurs sous la dynastie des Song du Nord. Rien de tel que la version française qui suit pour conclure en beauté :

Pour ma Maîtresse

J'ai quatre-vingts ans ; tu en as dix-huit.

J'ai les cheveux blancs et ta beauté luit.

Mais je serais aussi jeune que toi,

Si soixante ans ne nous séparaient pas.

Pour le Nouveau-Marié

Tu as quatre-vingts ans et elle en a dix-huit ;

Tes cheveux blancs font ressortir son beau visage.

Quand deux oiseaux s'accouplent au lit à la nuit,

Le poirier fleuri donne au pommier bel ombrage.

 

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