CHINAHOY

26-November-2014

Hong Huang : transmettre la culture traditionnelle à travers la mode

 

Hong Huang dans le film Color Me Love.

 

Entrevue avec l'« Oprah Winfrey chinoise », une touche-à-tout qui aide les créateurs chinois à gagner en reconnaissance, pour que soient diffusées dans le monde les valeurs propres à la société chinoise.

LI YUAN, membre de la rédaction

Au Forum sur le développement de la culture nationale le long de la Route de la Soie lancé par le Centre d'échanges culturels Taiyuan Qianhuang de Beijing, nous avons rencontré Hong Huang, une personnalité qui s'efforce de développer l'artisanat traditionnel de son pays.

Sensible et directe, c'est la première impression que Hong Huang donne d'elle publiquement. À l'origine de plusieurs sites Internet et périodiques, celle-ci encourage les créations chinoises dans le milieu du design. Aujourd'hui à la tête de l'agence Gehua, elle aide les stylistes chinois à pousser les portes du marché le plus rapidement possible.

Œuvrer pour la culture chinoise

Hong Huang est née en 1961 au sein d'une famille de renom : son grand-père, Zhang Shizhao, était un illustre lettré ; sa mère, Zhang Hanzhi, était une professeure d'anglais de Mao Zedong.

En 1974, la Chine envoyant un certain nombre d'écoliers aux États-Unis, Hong Huang, alors âgée de 12 ans, a commencé sa vie à l'étranger. Après avoir obtenu un diplôme en politique au Vassar College, elle a débuté sa carrière au cabinet de conseil Kamsky Associates. Puis, elle est devenue la représentante en chef de l'entreprise allemande Metallgesellschaft en Chine. En 1996, elle a démissionné de cette place pourtant bien rémunérée, ambitionnant d'investir avec des amis proches dans une maison d'édition. Ainsi, elle est devenue éditrice de trois périodiques originaux : iLOOK, Seventeen et Time Out. À noter que tous les investisseurs de cette maison d'édition sont des Chinois revenus de l'étranger, qui souhaitent unanimement apporter leur contribution à la culture chinoise.

« Bien sûr, il est nécessaire de gagner de l'argent pour survivre. Mais quand je serai vieille, je préfèrerai pouvoir dire à mes petits-enfants que je suis fière de ce que j'ai accompli, plutôt que de leur raconter que j'ai simplement cherché à devenir millionnaire. Je ne dis pas que l'argent est mauvais, mais je m'intéresse davantage aux moyens employés pour le gagner », précise Hong Huang.

Malgré son milieu familial, Hong Huang a fait le choix de ne pas reprendre le flambeau de ses ancêtres. « À un moment donné, je me mettais beaucoup trop la pression. Ensuite, j'ai compris quelque chose : même si je n'obtiens pas autant de succès que les membres de ma famille, cela ne voudra pas dire que je mène une vie lamentable, ni que j'ai gâché ma vie. Par conséquent, depuis, j'agis selon ma propre personnalité pour vivre mon existence comme je l'entends. »

Créer une plate-forme pour les créateurs chinois

Difficile à l'heure actuelle de définir en un mot le statut de Hong Huang : célébrité, écrivaine, femme d'affaires, journaliste, leader d'opinion dans le cercle de la mode... Le Wall Street Journal l'a surnommée l'« Oprah Winfrey chinoise ».

iLOOK, fondé par Hong Huang, est l'unique périodique chinois qui se concentre sur les stylistes chinois uniquement. Depuis sa version révisée en 2006, cette revue a présenté à ses lecteurs près de cent créateurs chinois. Outre les articles sur la mode, iLOOK s'intéresse aux façons de vivre de la Chine contemporaine et aux valeurs culturelles chinoises. « iLOOK est à l'affût de modes de vie nouveaux et meilleurs, capables de nous rendre plus confiants et de renforcer notre sens du devoir national », commente Hong Huang.

Dans son travail pour ces revues, Hong Huang a fait la rencontre d'un grand nombre de créateurs chinois. C'est ainsi qu'elle a constaté que ceux-ci manquaient d'une expérience avec le marché et d'une plate-forme pour les aider à ce compte-là. Alors, elle a investi dans un magasin baptisé BNC (Brand New China) destiné à promouvoir la mode chinoise.

Dans un espace de 540 km², BNC vend des œuvres de plus de 150 designers chinois encore peu connus : vêtements, accessoires, articles pour la maison, etc...

« Il est probable que certains n'apprécient pas le style des produits ce que l'on vend ici, mais j'essaie de ne pas le prendre mal. Le plus important est d'adopter une attitude responsable face aux consommateurs. Ainsi, l'unique critère au sein de mon magasin, c'est la qualité ! »

La distance entre l'art et la réalité s'avère un problème commun chez les créateurs. D'après Hong Huang, les designers chinois adoptent un style plus pragmatique à l'heure actuelle. « Chaque semaine, nous dressons un rapport d'analyse des ventes pour chacun des créateurs, qui eux nous appellent souvent à la boutique pour savoir ce qu'il en est. En fait, ils sont très préoccupés par leurs performances sur le marché. »

Avec BNC, Hong Huang ne cherche pas à s'enrichir, mais souhaite avant tout présenter au monde un éventail de produits originaux, ainsi que perpétuer une dynamique de développement dans le domaine du design. « La clé maintenant, c'est de survivre. Peu m'importent les bénéfices générés au mètre carré à vrai dire. Ce que j'espère, c'est que notre magasin puisse se développer dans d'autres villes chinoises, et même à l'étranger. » Hong Huang rêve notamment de découvrir des marques chinoises à New York, Paris, Milan et partout ailleurs dans le monde.

Diffuser la culture chinoise via la mode

« Je ne suis pas une brillante femme d'affaires, parce que l'objectif de mon travail ne réside pas dans la récolte du profit, mais dans l'accomplissement de tâches qui font sens. J'espère que l'on partage ma passion pour la création chinoise. Ambassadrice de culture ou femme d'affaires ? Il est difficile de me mettre dans une case. Je me place entre les deux, dans un espace plus libre que j'affectionne. » Hong Huang préfère se décrire comme la femme « la plus culturelle dans le monde de la mode et la plus à la mode dans le monde culturel ».

D'après elle, la mode est en lien étroit avec la culture, qui rassemble les valeurs d'une société. Ces deux dernières décennies, la mode en Chine a été complètement assujettie aux valeurs occidentales, de sorte que les créateurs chinois ont traversé une période âpre. Il était difficile de résister à l'appât des gains importants que peut générer la transformation de matières fournies par l'étranger.

Cependant, en raison de la morosité du marché occidental due à la crise financière de 2008, la Chine est devenue un marché porteur pour la mode. Les acteurs du milieu ont commencé à se tourner vers les créateurs chinois indépendants. L'année dernière, le rédacteur en chef de Vogue s'est déplacé jusqu'en Chine pour sélectionner le premier « Vogue Talent » chinois, le styliste Wang Zhi. Autre fait notable : la marque chinoise Exception de Mixmind dispose désormais de plus de 90 boutiques de détail, qui affichent un chiffre d'affaires total de 100 millions de yuans par an. D'autres marques de créateurs indépendants commencent également à faire leur entrée sur le marché grand public.

Hong Huang affirme : « Les meilleures idées proviennent des gens ordinaires. On a pris l'habitude de rechercher les tendances chez les vedettes, mais c'est une grave erreur. » Ainsi, elle approuve la lutte qu'a menée sans relâche Exception de Mixmind : « Le succès de cette marque n'est pas accidentel. Alors que la société chinoise accordait de plus en plus d'importance au matériel, Exception de Mixmind est allée à l'encontre du courant social ; alors que les vêtements de luxe occidentaux s'imposaient en Chine, elle a mis l'accent sur la finesse des textiles chinois ; alors que le marché préférait les tissus étrangers de haute qualité, elle a cherché à faire meilleur usage du coton traditionnel chinois. »

Selon Hong Huang, le patrimoine culturel se définit comme un concentré de valeurs à transmettre, tandis que l'innovation consiste à créer de nouvelles formes d'expression basées sur ces valeurs. Sans innovation, il n'y a pas possibilité de transmettre l'héritage culturel ; et sans cet héritage, l'innovation perd ses racines.

 

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