CHINAHOY

1-July-2014

Faire affaire avec Confucius

 

Le ministre français des Affaires étrangères et la directrice du Hanban dévoilent la plaque du nouvel Institut Confucius Business de Rouen. (PHOTO FOURNIE PAR L'UNIVERSITÉ DE NANKAI)

 

SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction

Lors de notre visite à Tianjin, nous avons eu la chance de rencontrer Gao Haiyan, responsable du bureau de l'Institut Confucius à l'université de Nankai. Revenons avec lui sur l'ouverture du premier Institut Confucius Business de France, au terme de la visite du président chinois en France.

Inauguration en grande pompe

Le 28 mars dernier, le 7e Institut Confucius Business, le NEOMA Confucius Institute for Business-Rouen, a été inauguré. Fruit d'une collaboration avec l'université de Nankai, il a été lancé avec l'aide de la CREA (Communauté d'agglomération de Rouen-Elbeuf-Austreberthe). La cérémonie a eu lieu en grande pompe, en présence de Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, Xue Jinwen, secrétaire général de l'université de Nankai, Xu Lin, directrice générale du Hanban, Sylvie Bermann, ambassadeur de France en Chine et Yves Bénard, président de l'école de commerce.

Ce dernier a eu le privilège d'ouvrir la cérémonie, rappelant que cet Institut vise prioritairement à favoriser le développement des relations économiques entre la Chine et la France. C'est à l'ambassadeur de France en Chine, Sylvie Bermann, qu'est revenu l'honneur d'y donner le premier cours.

Synopsis des relations Tianjin-Rouen, rencontre au sommet

Un des protagonistes les plus importants de l'histoire est certainement Laurent Fabius, qui était alors président de la CREA. Celle-ci tisse depuis plus de trois ans des liens étroits avec la municipalité autonome de Tianjin, à 120 km de Beijing, où se situe l'université de Nankai.

D'après Gao Haiyan, il n'est pas anodin que l'école NEOMA ait été choisie pour l'implantation de ce premier Institut Confucius Business en France. « Il faut savoir que Laurent Fabius est professeur honorifique de notre université depuis 2009. Il vient enseigner une fois par an à l'Institut des relations internationales. Une aubaine pour l'ouverture du nouvel Institut Confucius Business à Rouen que celui-ci soit aujourd'hui ministre des Affaires étrangères », nous confie-t-il.

Monsieur Gao poursuit : « Lors de ses venues à Tianjin, Laurent Fabius est également devenu très ami avec le peintre chinois Fan Zeng, professeur dans notre université ». Ce dernier est connu en France notamment pour ses tableaux de personnages historiques français, et a reçu le titre de chevalier des Arts et des Lettres. Son portrait de De Gaulle à la peinture chinoise a d'ailleurs été offert en cadeau officiel au président Xi lors de sa visite en France. « Grand amateur d'art, Laurent Fabius a rencontré Fan Zeng lors d'une de ses venues à l'université, alors qu'il n'était pas encore ministre des Affaires étrangères. Nous lui avions fait visiter son atelier, et ils avaient beaucoup discuté », ajoute Gao Haiyan.

Par la suite, s'est engagé un dialogue culturel entre les deux personnalités, Laurent Fabius ayant écrit un livre sur l'art, Le Cabinet des douze, que l'université de Nankai a fait traduire et dont son ami Fan Zeng a écrit la préface. « La première fois qu'on lui a parlé de ce livre, Fan Zeng doutait fort des capacités d'un homme politique à apprécier l'art et à être capable d'en parler. Il en trouvait même l'idée vélléitaire, nous confie Gao Haiyan. Mais après la lecture de la traduction, impressionné, il a accepté d'écrire la préface et demandé s'il serait possible d'organiser un dialogue avec Laurent Fabius autour des thèmes du livre ainsi que de la peinture chinoise et occidentale. Ce que nous avons fait. Ce dialogue, qui s'est tenu au Musée d'histoire de Chine, a été retranscrit et publié sous le titre Dialogue culturel sino-français. »

Confucius donne des cours de business

La demande de la création de cet Institut Confucius business émanerait donc d'une demande directe du ministre des Affaires étrangères, auprès de Mme Xu, directrice du Hanban. Les Instituts Confucius labellisés « Business » diffèrent des Instituts Confucius lambda en cela qu'ils ont la mention éponyme, ce qui signifie qu'ils sont dédiés au développement des relations économiques entre la Chine et l'étranger. Avec ce dernier qui vient d'ouvrir à Rouen, ils sont au nombre de 7 aujourd'hui, implantés à travers le monde (France, Grèce, Danemark, Royaume-Uni, États-Unis et Brésil). Ces Instituts Confucius « Business » s'appuient sur des universités ou des écoles pour proposer, aux particuliers comme aux entreprises, des cours de langues, des activités culturelles ou des modules orientés vers les affaires.

« Bien sûr à ce stade, mis à part le nom, il n'a encore rien de "business" », reconnaît le responsable du bureau de l'Institut Confucius à l'université de Nankai. Les Instituts Confucius sont une plate-forme culturelle et d'enseignement du chinois. Les professeurs chinois qui y sont envoyés n'ont pas de qualifications pour enseigner l'économie, ni quoique ce soit en lien avec le business, et très peu d'entre eux ont une expérience en entreprise. C'est pour cela que nous sommes actuellement en train de créer un partenariat avec les instituts économiques et de management de notre université, pour envoyer régulièrement des professeurs à Rouen assurer ces cours. »

Confucius et le business est un rapprochement finalement assez dérangeant, car rien dans les Entretiens de Confucius ne laisse penser qu'il fait une seule fois allusion au commerce. Mais depuis quelques années, les anciennes philosophies remodelées à des fins commerciales sont légion dans les librairies chinoises. On trouve ainsi la Méthode de gestion par Lao Zi, Les trente-six stratégies en entreprise, Gérer son entreprise de façon morale. Alors un Institut Confucius Business, pourquoi pas ?

Pour quelle ambition ?

« Dans ce nouvel Institut, on pourra apprendre le chinois, maîtriser les codes locaux en matière de business, développer de nouveaux marchés commerciaux. On s'est rendu compte qu'il existe une demande très forte dans ce domaine », explique Gao Haiyan. Sur son site, on découvre que l'Institut Confucius Business de NEOMA Business School « ne s'adressera pas uniquement aux élèves souhaitant améliorer leur chinois, mais aussi aux entreprises locales désireuses de s'implanter sur le marché chinois dans les meilleures conditions possibles, en en connaissant et comprenant les règles ». Une sorte de mise en connexion avec la Chine.

Le but de l'Institut est ainsi présenté : « Nous mettrons donc à votre disposition une formule complète allant des cours de chinois des affaires, en passant par du conseil et de l'accompagnement de projet ». Hormis cela, c'est également un moyen de faire du networking : « Grâce à la constitution d'un Corporate Club composé d'entreprises françaises et chinoises, NEOMA Confucius for Business – Rouen souhaite se positionner comme centre d'expertise pour partager des expériences, mettre à disposition des informations et des dispositifs d'accompagnement personnalisé, mais surtout créer un réseau solide qui permettra de développer ou renforcer des synergies et des partenariats entre les acteurs économiques territoriaux et chinois. »

Évidemment, réjouissement pour Céline Davesne, directrice adjointe de l'Institut Confucius de Rouen, qui confie ainsi son ambition dans Le Figaro : « Nous voulons être la porte d'entrée des entreprises françaises vers la Chine. Nous sommes adaptés aux profils commerce souhaitant faire de la Chine leur destination de business en informant les jeunes des modalités d'insertion professionnelles là-bas, tout en aidant ceux formés dans une des spécialités relatives au marché asiatique. »

Un symbole des relations sino-françaises

Symbole des relations bilatérales, cet Institut incarne la volonté dans les deux pays de faire du business, d'améliorer les échanges économiques. C'est une preuve d'engagement côté français, qui est arrivée juste à point pour la venue du président chinois. On peut se réjouir de l'ouverture de cette école, bien que pour l'instant, par manque de professeurs chinois spécialisés dans les cours de business et de gestion, les premières activités ne se réduisent qu'à la découverte de la culture du thé et de la calligraphie. La différence avec un Institut Confucius basique n'est donc, pour le moment, pas flagrante. À moins que je ne sois trop peu clairvoyant pour me rendre compte qu'il est capital de savoir boire du thé avec ses partenaires chinois et se servir d'un pinceau lorsque l'on signe un contrat ?

Alors, pour ma part, sur le mode des Entretiens de Confucius, je vous propose quelques proverbes qui pourraient être enseignés à ces élèves impatients de faire du commerce avec la Chine et vendus sous le titre Les Affaires de Confucius : « Vendre ce que l'on a produit, n'est-ce pas une joie ! », « Quoi de plus plaisant qu'un contrat signé ! », « Le patron est le patron, l'employé l'employé ! », « Quand on fait du bénef, on fait du bénef ; quand on perd, on perd ! Ça, c'est le business ! ».

 

La Chine au présent

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