CHINAHOY

29-April-2014

Yantai PVI : travailler avec les Chinois pour fabriquer les véhicules du futur

 

Babak Tafazzoli, DG de Yantai PVI (à g.), et Song Xianli, PDG de Haide (à dr.), dans le complexe de Muping. (PHOTO : LAURENT CASSAR)

LAURENT CASSAR, membre de la rédaction

C'est avec fierté que Babak Tafazzoli, managing director de Yantai PVI (Power Vehicle Innovation), nous fait visiter son usine de Muping (préfecture de Yantai) dans la province du Shandong. Sur un sol immaculé sont alignés une cinquantaine de véhicules industriels électriques, principalement des balayeuses et des véhicules d'entretien de la voirie. « Le sol est entièrement nettoyé deux fois par jour », me dit-il lorsque je m'étonne de la propreté de l'usine. « On trouve ici un niveau de qualité et de propreté que l'on voit rarement dans les usines chinoises, et même européennes », ajoute-il. Nous sommes en fait sur un site de conception, de production et d'essais où coopèrent le fabricant chinois de véhicules industriels Haide, et le fabricant français de chaînes cinématiques (le système permettant à un véhicule de se mouvoir) électriques PVI.

La présence de PVI, entreprise de pointe du secteur des véhicules électriques, en Chine n'est pas un hasard, car tous les indicateurs désignent le pays comme le futur eldorado du secteur des véhicules à énergies propres. Lors de l'ouverture, le 5 mars dernier, de la session annuelle de l'Assemblée populaire nationale, le premier ministre chinois Li Keqiang a annoncé une « guerre contre la pollution ». L'industrie automobile est directement concernée et s'apprête à subir une profonde mutation en un laps de temps que le gouvernement (et la population) espère court. La Chine est aujourd'hui le premier marché automobile mondial avec près de 22 millions de véhicules vendus en 2013. Comme le faisait récemment remarquer Robert Peugeot, actionnaire de référence de PSA, « Certains mois en Chine, on immatricule plus de voitures qu'en une année en France ». De quoi faire tourner les têtes des constructeurs automobiles du monde entier mais aussi celles des citoyens des grandes villes chinoises qui souffrent des effets d'une pollution endémique. Le gouvernement a donc décidé de prendre les choses en main avec un cocktail de mesures incitatives et coercitives.

En 2009, le gouvernement a octroyé une somme colossale de 15 milliards de dollars sur trois ans aux divisions recherche et développement de constructeurs nationaux choisis pour développer des véhicules écologiques commercialisables à grande échelle. À titre de comparaison, la France n'a octroyé « que » 1 milliard d'euro sur cinq ans dans ce but. Le gouvernement chinois espère qu'en 2020, date pour laquelle on estime à 33 millions le nombre de nouveaux véhicules qui arriveront sur le marché national, 5 millions d'entre eux fonctionneront aux énergies propres (en grande partie à l'électricité), soit un peu plus de 15 % du marché. Les acheteurs de véhicules 100 % électriques et plug-in hybrides bénéficient de subventions gouvernementales conséquentes qui représentent en moyenne une économie de 8,5 % sur le prix d'achat. D'autres incitations financières locales – comme des réductions sur l'immatriculation du véhicule – existent localement comme à Beijing ou à Shanghai par exemple. Certaines municipalités ont aussi lancé des projets pilotes pour développer les véhicules propres, comme Wuhan (pour les transports en commun) et Hangzhou (pour les voitures particulières) avec des résultats encourageants.

D'un autre côté, pour juguler le nombre de nouvelles voitures « polluantes » dans les villes chinoises, la Chine a adopté des mesures drastiques de contrôle des nouvelles immatriculations. À Beijing, par exemple, qui comptait 5,3 millions de véhicules en 2013, la municipalité n'attribue plus – par un système mixte de tirage au sort et d'enchères – que 240 000 nouvelles plaques par an, et ce depuis 2011. Cinq autres villes ont pour l'instant mis en place des systèmes similaires : Shanghai, Guangzhou, Tianjin, Hangzhou et Guiyang. Des systèmes de circulation alternée existent aussi dans plusieurs villes afin de réduire les émissions de CO2. Malgré toutes ces mesures, la part des véhicules à énergies propres reste encore relativement faible sur les routes chinoises. Les trois « meilleurs élèves » dans le domaine étant, en 2012, Shanghai, Beijing et Tianjin dont la part des véhicules électriques vendus représentait respectivement 10 %, 8 % et 7 %.

C'est dans ce contexte favorable aux véhicules propres que l'entreprise française PVI – main dans la main avec les Chinois de Haide – a pour objectif de se tailler une part du marché chinois des véhicules industriels électriques. Car ce sont les collectivités locales qui se doivent d'être les locomotives de ce changement structurel et de donner l'exemple. L'entreprise PVI était anciennement rattachée au groupe Ponticelli, dont un des trois frères fondateurs n'était autre que Lazare Ponticelli, le dernier poilu de la guerre 14-18 qui est décédé en 2008. Ponticelli fabrique, entre autres, de la tuyauterie industrielle et des plates-formes offshores. PVI était la division matérielle de Ponticelli. L'entreprise s'est ensuite spécialisée dans la conception et la fabrication de machines industrielles spéciales fonctionnant à l'électricité ou au gaz. Les bennes à ordures électriques ou au gaz en service à Paris, ou les bus électriques sillonnant le quartier de Montmartre ont par exemple été fabriqués par PVI. Mais le marché français pour ce type de véhicule étant assez restreint, l'entreprise a choisi d'exporter ses technologies. « Si on veut se développer et valoriser les technologies et le travail de conception qu'on a faits, nous dit Pierre Midrouillet, directeur général de PVI, on est obligé d'exporter. En ce qui concerne les zones potentielles d'export de nos produits, il y a encore 5 ou 6 ans, j'aurai dit les États-Unis et la Chine. Avec le gaz de schiste aux États-Unis, tout a basculé sur le gaz, et l'électricité a très peu d'avenir proche, alors qu'en Chine il y a un marché important pour ce type de véhicules. On a donc décidé d'adapter notre stratégie. En France, nous fabriquons des véhicules complets, mais pour la Chine on ne fabrique que la chaîne cinématique. L'idée a été de trouver un partenaire ici, car fabriquer et monter sur des véhicules des chaînes cinématiques ne peut pas se faire sans partenaire local, parce que les normes sont différentes, parce qu'il est nécessaire d'avoir un service après-vente et un réseau de distribution, et qu'on ne peut pas faire ça depuis la France. »

À l'instar de Renault-Nissan qui s'est associé avec Dongfeng, ou de Peugeot-Citroen dont Dongfeng est devenu actionnaire majoritaire (au même titre que l'état français), PVI a cherché une entreprise chinoise avec qui développer des produits innovants et de qualité. « Il fallait que l'on trouve une entreprise chinoise avec une vraie vision d'avenir concernant ce que sera le véhicule électrique dans les années à venir. Et on a trouvé la société Haide qui a des dirigeants qui ont cette vision d'avenir et le dynamisme pour entraîner le développement de ce type de véhicules », dit Pierre Midrouillet. Les deux entreprises occupent les mêmes locaux, Haide construit les véhicules et PVI les chaînes cinématiques électriques qui sont ensuite montés sur les machines. « Le véhicule électrique est une technologie très particulière. C'est trivial de dire que si on met une batterie et un moteur, on peut faire rouler un véhicule. C'est en fait beaucoup plus compliqué que ça en a l'air. En ce moment, on aide nos équipes à acquérir ce savoir pour pouvoir porter ce développement. »

Les produits des entreprises chinoises dans le domaine des véhicules à énergies propres sont de plus en plus perfectionnés. Entre 2005 et 2012, la Chine a d'ailleurs été le 3e pays à déposer le plus de brevets dans ce secteur, après l'Allemagne et la Corée du Sud. L'entreprise chinoise BYD, déjà leader mondial du secteur des batteries de téléphones mobiles, a vendu plus de 500 000 véhicules électriques en Chine en 2013 et commence à exporter ses réalisations. La société de taxis Greentomatocars utilise depuis 2013 à Londres, 50 exemplaires de la BYD E6 électrique et les bus électriques BYD sont actuellement à l'essai dans des villes d'Amérique du Nord comme New York, Montréal, Edmonton ou Los Angeles. Sur le marché intérieur, la ville de Beijing compte à peu près 20 000 véhicules utilitaires électriques municipaux.

Néanmoins, malgré leurs rapides progrès, les entreprises chinoises ne peuvent pas encore égaler la technologie d'entreprises comme PVI qui travaillent depuis plus de 20 ans dans le domaine. « En Chine, il y a énormément d'entreprises qui essayent de faire des véhicules industriels électriques, et qui en font. Mais ce qu'on remarque, c'est qu'ils ont une technologie qui est soit d'une génération antérieure à la nôtre, soit ils rencontrent des problèmes de qualité, de technique et de sécurité. Ce que nous apportons, c'est une solution complète, plus sûre et plus fiable que nos concurrents », dit Babak Tafazzoli, le directeur de l'usine de Muping. Et les produits Haide-PVI seront très bientôt sur le marché chinois avec des objectifs de vente de plusieurs milliers de véhicules par an, voir avec un zéro en plus. « Nous sommes aujourd'hui dans une phase de développement et d'adaptation au marché, dit Pierre Midrouillet. On a d'abord fait des prototypes en France, sur deux lignes de produits, puis nous avons fait des préséries qui ont été réalisées chez Haide. En ce moment, nous sommes en phase de démarrage de série, en collaboration avec les équipes de Haide, pour monter en puissance et être capables de développer l'activité et les aider à porter cette activité ».

PVI s'est installé dans le complexe de Muping (où était déjà basé Haide) en 2011, sa nature ainsi que la coopération opérationnelle entre les deux entreprises s'effectuent dans un style « moderne » et efficace. « On a bâti une relation de confiance et un partenariat très fort avec Haide, essentiellement parce que nous communiquons ensemble, en anglais, au quotidien », dit Babak Tafazzoli. La société Haide est d'ailleurs rentrée, à titre minoritaire, dans le capital de PVI, preuve qu'elle croit fort au développement de la technologie électrique pour véhicules industriels et qu'elle veut tisser des liens solides avec PVI. Le complexe de Muping ne comprend pas seulement des bureaux et des chaînes de production. Il y a aussi des bâtiments annexes qui comprennent des cantines, des douches modernes, des salles de fitness et de musculation, et même un sauna pour les employés. Que ce soit au niveau du secteur d'activité, de l'usine, ou de la coopération entre entreprises françaises et chinoises, on est entré ici de plain-pied dans le XXe siècle. Un bel exemple de partenariat gagnant-gagnant, 50 ans après l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France.

 

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