CHINAHOY

13-November-2014

Le supercalculateur chinois Shuguang

ZHAO ZHANHUI La sonde lunaire Chang’e 3 dont le vol, le trajet et l’alunissage étaient mesurés et contrôlés par le supercalculateur Shuguang (Aurore) fut un succès. Lors de l’ouverture des Jeux Olympiques de 2008, à Beijing, la fresque apparaissant au cours de la danse sur un rouleau composé d’écrans LED dépendait également d’un Shuaguang 5000. Dans la lutte contre le SRAS en 2003, le Shuguang 4000 a beaucoup contribué à la mise au point du vaccin. Ce n’est pas encore tout. Les supercalculateurs Shuguang sont aussi utilisés dans plusieurs autres secteurs : recherche scientifique, exploitation des champs pétroliers, conception en architecture, construction d’automobiles, d’avions et de bateaux, voire même fabrication de de smartphones et réalisation de films en haute définition. Selon les dernières données, les livraisons des supercalculateurs Shuguang se sont élevées au 6e rang mondial et au premier rang asiatique. Sur le marché chinois, la société Shuguang s’est classée le plus gros vendeur de supercalculateurs pendant cinq ans de suite. Naissance du premier supercalculateur chinois

« Les supercalculateurs sont caractérisés par la vitesse de calcul, des processeurs grande puissance et une capacité de traitement des données performante », explique Li Guojie, membre de l’Académie de l’ingénierie de Chine. Sans le soutien d’un supercalculateur, toute percée scientifique serait difficile. Il y a 20 ans, avec le soutien du programme de recherche 863, le Shuguang 1, premier supercalculateur chinois dont la recherche-mise au point avait été menée par Li Guojie a été mis au jour.

La mise au point du Shuguang 1 a coûté seulement un an, avec un budget de 2 millions de yuans, ce qui était extraordinaire pour l’époque. Li Guojie a commencé à partir de zéro en dirigeant une équipe qui n’avait aucune expérience dans ce type de conception. A l’époque, faute de conditions nécessaires pour la production des ordinateurs en Chine, leur travail était souvent interrompu à cause du manque de certaines pièces. Li Guojie a alors conduit son équipe pour s’installer aux Etats-Unis. « Nous y avons loué un endroit pour travailler et réalisé des recherches en profitant de de l’industrie informatique du pays. » Avant leur recherche, la Chine avait acheté des processeurs étrangers à prix élevé. Mais elle avait été humiliée par le système de « la pièce en verre » : les machines étaient mises dans une pièce en verre, dont la clé était dans la main d’un ingénieur américain, les Chinois ne pouvaient pas y accéder. Toute opération des Chinois et toutes les données étaient contrôlés par les ingénieurs américains à l’extérieur de la pièce. Trois jours après la naissance du Shuguang-1, le COCOM (Comité de coordination pour le contrôle multilatéral des exportations) organisé par des pays occidentaux développés notamment les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Japon a déclaré une levée de l’embargo sur la vente d’ordinateurs de 1 milliard d’opérations par seconde à la Chine.

La fondation de la Société Shuguang était un peu particulière aux yeux de Li Jun, actuel PDG de la société : « Nous avons d’abord eu les produits, puis après la société. » Il a par la suite expliqué l’origine du nom de Shuguang, car cela représentait l’espoir des dirigeants de la Commission nationale des sciences et technologies en la mise au point des supercalculateurs chinois. C’est pour cela que la société établie plus tard fut aussi appelée Shuguang, reflétant un espoir dans l’industrialisation des supercalculateurs.

L’établissement de la société a donné le ton du futur développement de la mise au point des supercalculateurs : s’orienter vers l’application et le marché. Mais au début, « On a vendu que trois machines Shuguang 1 malgré le remboursement d’une moitié du prix par l’Etat et les efforts des employés. »

« Le système fermé de conception est le premier obstacle de la diffusion », explique Li Jun. Comme le Shuguang 1 a été totalement développé sur les propres forces chinoises, son système de conception ne correspondait pas à la norme internationale et n’était donc pas compatible avec les principaux systèmes d’opération et logiciels d’application internationaux. Donc la diffusion était extrêmement difficile. » Après avoir pris connaissance du feed-back marketing, la Société Shuguang a réajusté son orientation. « Nous avons essayé de nous adapter aux normes internationales et de concevoir l’interface et la programmation des logiciels de nos ordinateurs selon ces normes. » Grâce à l’aide de l’Etat et aux efforts des équipes de recherche, la Société Shuguang a finalement outrepassé cette première phase difficile. « Si nous dépendons du soutien d’Etat pour toujours, nous ne sommes pas une entreprise », a déclaré Li Jun. Développement à une vitesse d’ultra-Moore.

Par rapport au Shuguang 1, le supercalculateur de 1 milliard d’opérations par seconde, le Shuguang 6000 atteint aujourd’hui 1 million de milliards d’opérations par seconde, soit une capacité de traitement augmentée de plus de 4 millions de fois. En 2010, le super-ordinateur Xingyun, un produit de la série de Shuguang, a occupé la 2e place des Top 500 des supercalculateurs du monde, sa vitesse de calcul par seconde équivaut à la totalité de 200 000 ordinateurs ordinaires. « La vitesse de développement est incroyable », a raconté Nie Hua, vice-PDG de la Société Shuguang au journaliste. Selon la célèbre loi de Moore dans le domaine informatique, la performance d’ordinateur d’une valeur d’un dollar est doublée chaque 18 mois, ce qui permet de montrer la vitesse du progrès informatique. Dans le domaine des supercalculateurs, la croissance de la performance est de 5 à 10 fois chaque 18 mois. D’où cette façon de dire : Shuguang se développe à une vitesse d’ultra-Moore.

Pendant 20 ans, Shuguang a fait d’énormes progrès sur le marché : elle est passée de la vente de 3 ordinateurs au départ à une part de marché des supercalculateurs chinois de 35 %.

« Comment conquérir le marché ? Nous nous axons sur les techniques plus que sur le prix de revient », a dit Sun Ninghui, directeur de l’Institut d’informatique de l’Académie des Sciences de Chine, qui a participé à une partie de la recherche et du développement du Shuguang 1. La société prend la voie de technique-industrie-commerce. Sun Ninghui nous donne un exemple : Shuguang a réalisé la meilleure innovation du monde dans la zéro-copie pour ce qui est la transmission des informations d’utilisateurs et le traitement à grande vitesse des paquets de réseau. Dans le secteur pétrolier, la technique IO en parallèle de Shuguang s’est adjugé une part de marché de 70 % malgré la concurrence d’IBM. Actuellement, la Société Shuguang obtient chaque année une centaine de brevets d’invention. De 2009 à 2012, le nombre de nouveaux brevets d’invention de la société a dépassé le millier.

Grâce à un mécanisme de circulation des employés caractérisé par la multiplication des passerelles entre la société d’une part et les écoles supérieures et les organismes de recherche de l’autre, la Société Shuguang reste toujours dynamique. Elle maintient depuis longtemps une relation proche avec les instituts de recherche. Nie Hua avait lui-même été chercheur de l’Institut d’informatique de l’Académie des Sciences de Chine, tandis que les élèves de Sun Ninghui prenaient en charge le travail clé dans les départements de recherche-développement de la société.

Sun Ninghui a tiré une conclusion sur un autre élément important du développement de Shuguang, ce qu’il appelle la « ligne technique ouverte ». « L’industrialisation d’envergure demande la rupture avec l’ancien système fermé et le recours à l’actuelle structure ouverte. Par exemple, l’Android, grâce à une plateforme ouverte, a gagné une part de marché de 80 %. La revalorisation est basée sur l’ouverture et réalisée à travers l’innovation indépendante. » Comme Li Guojie l’a remarqué, mise à part ses machines de haute performance, Shuguang s’est servie du modèle chinois qui veut que les moyens pour réaliser l’industrialisation des acquis de la recherche scientifique soit fait dans le contexte de la réforme et de l’ouverture. D’un fabricant à un fournisseur des services Aux yeux des employés de Shuguang, le développement des supercalculateurs ressemble à l’épanouissement de leur propre enfant. Mais d’après Li Jun, cet enfant n’est pas encore à l’âge adulte.

« Le Shuguang 1 est un nouveau-né, le Shuguang 2000 conçu selon les normes internationales est un bébé, le Shuguang 4000 correspondant aux normes internationales majeures et qui a connu une transformation commercialisée est un enfant apprenant à marcher, tandis que le Shuguang 6000, d’une performance au 2e rang du monde est un enfant qui marche sûrement », a dit Li Jun. D’après lui, pour un supercalculateur, la vitesse de calcul n’est pas le seul objectif. Le classement montre uniquement notre capacité dans la conception et la fabrication, mais pas dans l’application. « Le rôle du supercalculateur réside dans la capacité de « solution de problèmes », c’est-à-dire, parvenir à solutionner des problèmes complexes que l’homme affronte dans la réalité par la modélisation. Par exemple, l’expérience de la stimulation de collisions par supercalculateur peut réduire le nombre d’expériences réelles et baisser les coûts. » Comme Li Jun l’a analysé, malgré le fait que Shuguang soit devenue le plus grand fabricant asiatique de supercalculateurs, la plupart de son chiffre d’affaires provient des applications de petite et moyenne envergures. Cela reflète le niveau d’application des supercalculateurs en Chine. « L’écart entre nous et les plus avancés du monde s’explique par le manque d’impulsion de demande de mise en pratique. » Mais Li Jun croit également que « pendant les vingt dernières années, j’ai été témoin de l’évolution de l’application des supercalculateurs à partir de zéro. Les 20 prochaines années seront un processus d’amélioration. La demande de mise en application sera plus précise et plus large. Nous simulerons probablement une ville, voire même un globe par un super-ordinateur. »

Aujourd’hui, Shuguang a commencé à mettre sur pied un système de «gestion des villes ». Par exemple, le Shuguang 6000 a été appliqué au Centre national de super calcul de Shenzhen, fournissant des services de calcul dématérialisé à Shenzhen et des régions dans le Sud. Dans des domaines comprenant la météorologie précise, ils ont été lancés dans des services aux plateformes dans les finances, l’e-gouvernement, les soins médicaux et l’éducation, ainsi que la gestion des affaires publiques telle que le contrôle de la canalisation urbaine de l’eau et la canalisation et le réseau de gaz et d’électricité. L’objectif prochain de Shuguang consiste à achever une transformation, de passer d’un rôle de fabricant à celui de fournisseur de services. « Dans l’avenir, les supercalculateurs seront plus petits et plus légers pour pouvoir être utilisés partout. Notre but n’est pas que chacun possède un ordinateur de ce genre mais c’est que chacun jouisse des services fournis par des supercalculateurs, un peu comme chacun a besoin d’électricité chez soi mais pas le besoin de posséder une centrale électrique chez soi. Nous espérons devenir leader et expert du secteur en étant plus proche des utilisateurs et capable de résoudre leurs problèmes, c’est notre future orientation », a dit Li Guojie. Texte chinois publié dans le Quotidien du Peuple, du 30 décembre 2013

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