CHINAHOY

1-July-2014

L'accord de libre-échange sino-suisse porte les relations bilatérales vers de nouveaux sommets

 

David Braun, responsable de la section économique, financière et commerciale de l'ambassade de Suisse en Chine. (PHOTO PAR YU JIE)

 

WANG SONG, membre de la rédaction

La Chine et la Suisse ont signé à Beijing, au mois de juillet 2013, un accord de libre-échange (ALE) qui est venu couronner plus de deux ans de négociations et de processus légaux. Ce premier accord de libre-échange entre la Chine et un pays d'Europe continentale est effectif depuis le 1er juillet 2014. La Chine au présent a obtenu une interview exclusive de David Braun, responsable de la section économique, financière et commerciale de l'ambassade de Suisse en Chine, afin d'obtenir plus de détails sur cet accord.

La Chine au présent : Quel sens donner à l'accord de libre-échange sino-suisse ?

David Braun : L'ALE qui est entré en vigueur le 1er juillet symbolise les excellentes relations qu'entretiennent la Chine et la Suisse, et ce depuis les années 1950, quand la Suisse fut l'un des premiers pays occidentaux à reconnaître la République populaire de Chine, préfigurant les négociations ayant abouties des décennies plus tard. La relation amicale entre les deux pays s'est intensifiée et approfondie avec le temps. La Suisse a aussi été l'un des premiers pays européens à reconnaître à la Chine le statut d'économie de marché en 2007, et c'est ce qui a initié les discussions sur l'ALE avec Beijing.

Les négociations sur l'accord ont été finalisées l'année dernière, lorsque le premier ministre chinois, Li Keqiang, nous a honorés en faisant de la Suisse la première étape de sa tournée européenne. On peut dire de cet ALE qu'il représente l'apogée de nos relations bilatérales. Cet accord a une importance économique, et encore plus politique, car il réduit non seulement les droits de douane, mais il renforce aussi la structure de nos relations bilatérales.

La Chine au présent : Quelles ont été les avancées des deux pays depuis la signature de l'ALE sino-suisse l'année dernière ?

David Braun : Du point de vue institutionnel, depuis la signature de l'accord en juillet dernier, les deux pays ont mené à bien les procédures de ratification internes nécessaires. Le 29 avril 2014, les deux pays ont échangé une note spécifiant que l'accord entrerait en vigueur le 1er juillet, ce qui a conclu ce processus de ratification interne mené par les deux pays.

Du point de vue économique, le commerce entre les deux pays s'est accru l'année dernière, avec un volume commercial de 20,2 milliards de francs suisses selon les statistiques suisses, une augmentation de plus de 11 % par rapport à l'année précédente. Les chiffres chinois concernant le volume du commerce avec la Suisse sont encore plus impressionnants. La Chine est un marché important pour la Suisse : le troisième au monde et le premier en Asie.

La Chine au présent : Quels seront les avantages pour les citoyens des deux nations ?

David Braun : Il y aura des baisses substantielles de taxes douanières. Cela veut dire que les Chinois pourront acheter les produits suisses moins cher. Idem pour les Suisses, qui ont déjà l'habitude d'acheter des produits chinois. Environ 99,7 % des exportations chinoises en Suisse et 84,2 % des exportations suisses en Chine seront exemptées de taxes. Il y aura aussi une réduction des taxes à hauteur de 99,99 % pour les produits suisses et à hauteur de 96,5 % pour les produits chinois. Les citoyens des deux nations bénéficieront d'avantages considérables.

La Chine au présent : Quelle est l'influence de cet accord de libre-échange sur la promotion des liens économiques entre la Chine et l'Europe ?

David Braun : Bien que la Suisse ne soit pas membre de l'Union européenne (UE), étant placée au cœur de l'Europe, le pays bénéficie d'une position géographique très favorable pour le commerce et les affaires. L'ALE sino-suisse constitue un premier pas pour la Chine vers les marchés des pays de l'UE, avec qui la Suisse a déjà signé un accord de libre-échange. Cela facilitera l'accès à ces marchés aux entreprises chinoises. Par conséquent, la Suisse est le choix idéal pour les entreprises chinoises qui désirent développer leurs affaires en Europe.

La Chine au présent : Quel rôle jouera l'ALE dans les investissements bilatéraux ?

David Braun : Celui d'améliorer la sécurité des activités économiques des deux parties. Nous avons déjà un accord sur les investissements, auquel il est fait référence dans l'ALE, qui garantit une plus grande sécurité aux entreprises chinoises et suisses. Un autre chapitre important de cet accord est celui concernant la propriété intellectuelle, un sujet de plus en plus sensible pour les entreprises, autant suisses que chinoises, qui veulent investir à l'étranger.

La Chine au présent : Quel est le rôle de l'ALE dans la promotion des échanges de techniques et de services ?

David Braun : Parmi les chapitres de l'ALE, il y a ceux qui traitent des barrières techniques aux échanges, et aussi des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS). Bien que techniques, ces barrières sont néanmoins extrêmement importantes, car beaucoup d'entre elles ne sont pas constituées de taxes mais plutôt de règles. Notre ALE va nous permettre de rationaliser notre coopération et de faciliter le commerce grâce aux règles que la Suisse et la Chine ont définies sur leurs importations. Parallèlement à l'ALE, les deux pays ont signé quatre autres accords portant sur les équipements de télécommunication, les attestations/certifications, les normes SPS, et les équipements et appareils de mesure. La résolution des détails techniques rendra plus fluide le déroulement des échanges dans les secteurs concernés. Par conséquent, ces accords auxiliaires sont de grande importance pour les entreprises chinoises et suisses.

Pour le commerce des services, les dispositions de cet accord sont basées sur l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Les lois définies dans cet accord s'appliquent à toutes les mesures concernant le commerce des services prises au niveau du gouvernement central, régional ou local, ainsi qu'au niveau des entités non gouvernementales pouvant jouer ce rôle. La Chine et la Suisse utilisent cet accord multilatéral de l'OMC comme base, mais sont allées plus loin dans leur ALE, en prenant des engagements dans des domaines particuliers. La Chine a par exemple amélioré l'accès aux services environnementaux, financiers, de transport aérien, logistiques et en contrats à court terme. La Suisse, quant à elle, a un meilleur accès aux fournisseurs de services chinois dans le secteur des finances, de formation dans le secteur privé (en particulier en langue chinoise), de transport aérien, ainsi qu'aux fournisseurs de services hautement qualifiés en contrats à court terme.

La Chine au présent : En plus des marchandises et des services, l'ALE instaure de nouvelles règles concernant, par exemple, l'environnement, la coopération sur le marché du travail et l'emploi, et la propriété intellectuelle. Ce sont des sujets sensibles dans les négociations économiques et commerciales internationales actuelles. Grâce à une approche ouverte et inclusive, la Chine et la Suisse ont atteint certains consensus. Comment ces nouvelles règles promeuvent-elles la relation sino-suisse et le développement de l'économie et du commerce bilatéral ?

David Braun : Les deux pays sont d'accord avec le principe que développement socio-économique et protection de l'environnement sont des éléments complémentaires vitaux pour un développement durable. De tous les accords de libre-échange que la Chine a signés, c'est le premier qui inclut dans son contenu un chapitre sur les questions environnementales. Un événement marquant pour les deux pays. À travers ceci, nous réaffirmons notre engagement envers le développement économique et les échanges bilatéraux d'une manière contribuant au développement durable, en mettant en pratique les accords multilatéraux sur l'environnement que les deux pays ont signés. La Suisse et la Chine ont, de plus, de nombreux projets bilatéraux relatifs à la protection de l'environnement, concernant la lutte contre le réchauffement climatique, les lois en faveur de la qualité de l'air, les villes à faibles émissions de carbone, la création de normes de durabilité et un groupe de travail sur la coopération en matière de technologies environnementales. Du fait de notre relation de longue date sur ce sujet, nous avons beaucoup à apprendre l'une de l'autre.

En ce qui concerne les questions liées au marché du travail, en plus de l'ALE, les deux pays ont signé un Accord sur le marché du travail et l'emploi. Cela réaffirme la volonté des deux pays d'améliorer les conditions de travail, et de protéger et renforcer les droits fondamentaux en la matière. Les deux pays ont aussi réaffirmé les engagements pris en tant que signataires de la Convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) et ont déjà coopéré dans le cadre du projet SCORE (Sustaining Competitive and Responsible Enterprises – Soutenir les entreprises compétitives et responsables). La Chine et la Suisse mènent ce projet conjointement – soutenu par l'OIT et cofinancé par la Norvège – dont le but est d'aider les petites et moyennes entreprises chinoises à améliorer les conditions de travail de leurs employés, ainsi que l'efficacité et la rentabilité de leurs opérations.

En ce qui concerne la propriété intellectuelle, j'ai lu que la Chine avait déposé en 2013 un total de 825 000 demandes de brevets d'invention – le nombre le plus élevé au monde pour la troisième année consécutive. La propriété intellectuelle est devenue de plus en plus importante en Chine, depuis que son économie s'est recentrée sur la qualité au lieu de la quantité. Il y a aujourd'hui plus d'innovations, notamment dans le secteur des technologies de l'information, qui viennent de Chine. La situation est la même pour la Suisse. N'ayant que peu de ressources naturelles, notre plus grande force est l'intelligence humaine. C'est la raison pour laquelle la Suisse a longtemps mis l'accent sur la protection de la propriété intellectuelle, Albert Einstein ayant été l'un des plus illustres membres de l'Office fédéral suisse des brevets. Et comme les deux pays ont clairement intérêt à ce que la propriété intellectuelle soit protégée, cet accord améliorera la coopération dans ce domaine. Il est en outre favorisé par le dialogue annuel Chine-Suisse sur la propriété intellectuelle, créé il y a sept ans.

La Chine au présent : Quelles sont les attentes du gouvernement suisse concernant l'ALE et le commerce futur avec la Chine ?

David Braun : L'ALE crée un excellent cadre pour les relations économiques bilatérales. Il réduit non seulement les droits de douane, mais améliore aussi généralement la sécurité juridique pour tous les échanges économiques entre les deux pays. La Chine étant le plus grand marché asiatique pour la Suisse, le gouvernement suisse s'attend à une augmentation significative du commerce bilatéral. Les expériences passées nous montrent que le volume du commerce chez les pays signataires d'un ALE avec la Suisse augmentait de façon plus importante que chez les pays qui n'avaient pas conclu un tel accord.

La Chine au présent : Le 2 juillet, le lendemain du lancement de l'ALE, le Parc éco-industriel sino-suisse de Zhenjiang a officiellement ouvert. La secrétaire d'État aux affaires économiques, Marie-Gabrielle Ineichen-Fleisch a assisté à la cérémonie d'ouverture. Quelles sont vos attentes pour ce parc ? Quelles opportunités apportera-t-il aux deux pays ?

David Braun : Le Parc éco-industriel sino-suisse de Zhenjiang est un projet important et le témoin de nos excellentes relations bilatérales. Il est situé dans une zone économique importante, proche de villes majeures, comme Shanghai et Nanjing, et bénéficie d'un réseau de transport favorable. Comme son nom le laisse entendre, le Parc propose de nombreuses opportunités aux entreprises impliquées dans les technologies vertes, les énergies renouvelables et l'économie d'énergie, et nous espérons qu'elles seront nombreuses à s'installer ici. Un certain nombre de projets importants dans lesquels sont impliquées des entreprises suisses spécialisées dans les technologies propres sont déjà en cours dans le Parc, et six entreprises suisses ont établi des succursales à Zhenjiang. Maintenant que les deux pays ont créé ce cadre à travers un engagement politique, il est temps pour les entreprises d'agir et de saisir cette opportunité gagnant-gagnant pour faire de cet éco-parc un grand succès.

 

La Chine au présent

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