CHINAHOY

6-November-2012

À la recherche de nouvelles techniques spatiales pour le rendez-vous et l’amarrage

 

JIAO FENG, membre de la rédaction

 

Dans les années 1980, après avoir obtenu un diplôme universitaire, j’ai été envoyé en France par le gouvernement chinois pour y étudier la communication électronique, et après avoir terminé mon doctorat, je suis revenu au pays en 1992. En 2000, je suis entré à l’établissement n° 25 de l’Institut n° 2 de la China Aerospace Science and Industry Corp (CASIC). Ce centre de recherche œuvre principalement dans la mise au point et la production de matériel de précision pour le guidage et le mesurage.

En 1999, le premier astronef expérimental sans équipage de la Chine, Shenzhou I, a décollé à Jiuquan, province du Gansu (Nord-Ouest), et a atterri avec succès 21 heures plus tard. Ce vol a établi de solides bases pour le lancement de véhicules spatiaux habités.

C’est à cette époque que la Chine a officiellement commencé son programme de vol spatial habité. Ainsi, depuis 1999, pour contribuer au travail du programme de vol spatial habité, notre centre de recherche a tiré profit de ses avantages et a préparé le volet de rendez-vous et d’amarrage par guidage radar. Avec mes connaissances techniques, j’espérais donc y participer le plus tôt possible.

Au début, pour le rendez-vous, notre Centre a mis au point un système radar de mesure en ondes millimétriques. Sur le plan national et mondial, cette technologie était arrivée à maturité, mais elle présentait de sérieux inconvénients. D'abord, ses pièces devaient être importées, car la technologie nationale n’était pas parfaitement au point. Deuxièmement, cette technologie avait besoin d’une servocommande, c’est-à-dire d’un dispositif entraînant la rotation de l’antenne ; or, un tel dispositif augmentait le volume global, la consommation d'énergie et le poids du radar. Un autre inconvénient était que, dans l’espace sans air, le lubrifiant n’était pas très efficace, si bien qu’après un long moment, le point de rotation de l’antenne neréagissait plus bien. Étant donné que ces inconvénients étaient difficiles à surmonter dans les applications spatiales, il fallait trouver une meilleure solution.

Nous avions envisagé d'utiliser le système de positionnement et de navigation par satellite. Deux pays développés ayant maîtrisé le rendez-vous et l’amarrage utilisent ce type de technique : le GPS, pour les États-Unis, et le GLONASS, pour la Russie ; Beidou, le système chinois de positionnement et de navigation par satellite, ne couvre que la région Asie-Pacifique. Si l'on avait utilisé le GPS ou le GLONASS, on aurait été confronté à des risques inacceptables, car il faut comprendre que l'initiative est alors entre les mains des pays propriétaires de ces technologies.

Sun Wu (1er à dr.) et les membres de son équipe reçoivent des données du

radar au Centre de contrôle aérospatial de Beijing.

 

Dans ce contexte, en 2002, j'ai proposé de faire de la recherche sur un programme radar pour le rendez-vous et l'amarrage, en s’aidant du principe d’ondes continues en pseudo-code. Parce qu’il employait un nouveau système de mesure, ce programme représentait une innovation, tant en Chine qu’à l’étranger.

Développé pour ce programme, le radar à micro-ondes possède des avantages manifestes. Premier avantage : petite taille, poids léger et faible consommation d’énergie. Ces trois éléments ont une grande influence sur un aéronef, et maximiser cet avantage est toujours un objectif pour les produits aérospatiaux. Deuxième avantage : vaste étendue de recherche, longue distance de fonctionnement et grande précision de mesure. Le radar à micro-ondes peut rechercher des cibles dans un rayon de ± 60 degrés et fonctionner sur une distance pouvant aller de 20 m à 100 km. Troisième avantage : grande capacité d’antiparasitage, aucune influence de la luminosité et mesure en tout temps. Quatrième avantage : mesure indépendante sans besoin de recours aux informations externe, aucun mouvement mécanique et grande fiabilité.

Notre établissement a bien apprécié ce programme et a décidé de le financer. Alors, pendant les années qui ont suivi, j’ai consacré tout mon temps et mon énergie à la mise au point du radar à micro-ondes.

Étant donné que ce programme n’avait pas de bases d’application en Chine et que même les théories et concepts fondamentaux n’étaient pas encore maîtrisés par les membres de mon équipe et par les fabricants dans ce domaine, on peut facilement imaginer les difficultés qu’on a rencontrées dans le développement des produits et dans la recherche technologique. Pour aider àsurmonter ces difficultés, j'ai rédigé un « Recueil des thèses goniométriques sur le système radar avec ondes continues en pseudo-code sous brouillage pour le rendez-vous et l’amarrage », qui est utilisé pour la recherche théorique et la fabrication des produits.

En 2007, ce programme est finalement passé à l’étape de projet de vol spatial habité, ce qui voulait dire que sa théorie était reconnue. Mais pour l'application pratique, il fallait que cette théorie soit vérifiée par une grande quantité de données de tests. Pendant les deux années qui ont suivi, avec les jeunes de mon équipe, j’ai parcouru une dizaine de régions du pays pour trouver des terrains d’essai appropriés où nous avons effectué toutes sortes d’essais : laboratoires, chambres noires, tours élevées, voitures de sport, rails de glissement, hélicoptères, dirigeables, etc. Au début de 2010, le programme a été officiellement approuvé, et nous avons remplacé le prototype d'ingénierie par le prototype officiel pour les essais.

À cette époque, nous affrontions des difficultés techniques et étions sous grande pression parce que nous avions peu de temps. Je considérais que ce programme devait réussir, parce qu’il concernait le vol spatial et l’amarrage entre le module spatial Tiangong-I et le vaisseau Shenzhou VIII. Si un petit problème était apparu, les conséquences auraient été désastreuses. De plus, comme cette technologie était nouvelle, la seule façon de la vérifier était par des essais, car il n’y avait pas de précédents desquels s’inspirer. Les autres programmes du projet de vol spatial habité avaient été approuvés en 2002. J’étais exigeant envers les membres de l’équipe ; je ne tolérais aucune erreur. Ils m’ont bien compris. Finalement, le répondeur a été installé en novembre 2010 dans le module Tiangong-I.

Le 1er novembre 2011, le vaisseau spatial Shenzhou VIII, sur lequel était installé le radar à micro-ondes, a été lancé. Nous avions mis en place un plan d’urgence au Centre de contrôle aérospatial de Beijing. Le rendez-vous et l’amarrage dans l’espace constituaient une première pour la Chine. J’étais confiant dans ma technologie et je ne suisnormalement pas très nerveux, mais je n’ai pu fermer l’œil pendant les trois jours et deux nuits allant du lancement à l’amarrage réussi.

Le radar à micro-ondes a commencé à fonctionner à plus de 200 km de distance entre Shenzhou VIII et Tiangong-I. Contre toute attente, en moins de trente secondes, il a capté la cible, alors que le vaisseau était à 217 km de Tiangong-I, une distance au-delà des exigences de l'indice d'ingénierie. Quand l’amarrage entre Shenzhou VIII et Tiangong-I a été réalisé avec succès, le 3 novembre à 1 h 36, nous étions tous très excités et émus aux larmes. Nous sommes allés prendre un verre pour célébrer le succès de nos dix années d’efforts.

Ce radar à micro-ondes a aussi été utilisé pour l’amarrage entre Shenzhou IX et Tiangong-I, en juin dernier, et les résultats ont été encore meilleurs. À 224 km de Tiangong-I, la cible a été captée et a été suivie, et la précision de la mesure a été très élevée durant tout le trajet.

Encore maintenant, nous nous appliquons à apporter des améliorations techniques à ce radar. Pour l'avenir, il est prévu que cette technologie sera appliquée sur le vaisseau spatial Shenzhou X, sur Tiangong-II, ainsi que sur des vaisseaux cargo, voire pour l'exploration lunaire. Pour ce qui est des améliorations, le poids du répondeur sera réduit au quart de son poids original, et celui du radar, au tiers. Nous avons confiance que nous pouvons désormais compter sur nos propres forces pour réaliser des progrès scientifiques et technologiques pour notre pays.

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