CHINAHOY

6-November-2012

Éducation convenable pour tous les enfants

 

LIU QIONG, correspondant spécial

 

Zhang Xiaojuan
 
 

Je suis directrice de l’école primaire Pingnan depuis 1999, qui était alors un bâtiment délabré situé dans un quartier de la ville de Shanghai. On y comptait plus de 200 élèves, dont 60 % étaient des enfants de travailleurs migrants.

Centre économique de la Chine, Shanghai compte une imposante population flottante qui forme peu à peu une population permanente. Le nombre d’enfants issus de cette population atteint maintenant 400 000, et ceux-ci constituent plus de 35 % du total des élèves de l’enseignement obligatoire. De plus, 80 % d’entre eux sont des enfants de travailleurs migrants. Ce nombre croissant exerce une pression supplémentaire sur la qualité de l’enseignement du système d’éducation public.

Faute d’être inscrits au registre local d’état civil, beaucoup d’enfants de travailleurs migrants de Shanghai affrontent de gros obstacles pour avoir accès à l’éducation. S’ils devaient aller à l’école dans leur village natal alors que leurs parents en sont absents, cela serait préjudiciable à leur personnalité et à leur formation.

Dès 2004, Shanghai a augmenté progressivement le taux d’acceptation des enfants de travailleurs migrants dans les écoles publiques et encouragé les écoles publiques à élever la proportion des enfants des travailleurs migrants qui y étudient. En 2008, l’éducation des enfants des travailleurs migrants a été entièrement intégrée dans la planification globale du développement de l’éducation, et en 2010, tous les enfants des travailleurs migrants à Shanghai pouvaient fréquenter gratuitement l’école dans le cadre de l’enseignement obligatoire.

En qualité de directrice d’école primaire, je peux bien sentir ce changement. Auparavant, 60 % des élèves de l’école primaire étaient des enfants de travailleurs migrants ; or, à présent, ils ne représentent que 30 % des effectifs

Cela signifie, d’une part, une augmentation globale du nombre d’inscriptions à l’école, et d’autre part, que de plus de plus d’écoles publiques augmentent désormais le taux de recrutement des enfants des travailleurs migrants et se partagent une part de cette augmentation.

À mon avis, la manière d’intégrer ces enfants à l’éducation en milieu urbain et de réaliser un développement globalde l’enfant après son entrée à l’école sont deux éléments très importants qui doivent être pris en compte par les enseignants. Par exemple, je trouve que les enfants des travailleurs migrants n’ont pas de bons loisirs, à cause de leur statut social et de la situation économique de leur famille.

Certains enfants souffrent d’un complexe d’infériorité, parce que la façon dont leurs parents sont vêtus leur fait honte. Consciente de cette situation, j’ai demandé à plusieurs étudiants en journalisme de filmer les parents de quelques élèves d’une classe. Quelques jours plus tard, nous avons tenu une réunion de classe que nous avons appelée « la source du bonheur ». Lorsqu’ils ont pris conscience que leurs parents travaillent du matin au soir pour leur assurer une vie meilleure, les enfants ont commencé à mieux comprendre et à être reconnaissants. « Papa, j’ai tort; tu es le meilleur père du monde, je t’aime... », a déclaré un enfant qui, auparavant, était mécontent de son père, vendeur de poissons.

En plus de leur apprendre à être reconnaissants, j’ai trouvé beaucoup d’autres méthodes pour aider ces enfants à s’intégrer à la vie urbaine.

Par exemple, j’aide les enfants qui n’ont pas de bonnes habitudes d’étude à avoir confiance en eux, je fais l’éloge de leurs petits mérites, et pour les enfants exemplaires de travailleurs migrants, je note leur réalisation dans les manuels d’éducation civique pour les encourager.

Les enfants des travailleurs migrants sont légèrement différents des enfants de la ville même de Shanghai. Malgré cela, j’espère leur donner une bonne éducation et tenter de compenser au maximum leur manque de loisirs.

Autre exemple : on a donné un harmonica à chaque enfant de l’école Pingnan. Lors d’une visite chez les parents d’élèves, j’ai vu un frère et une sœur, dont les parents travaillent tous deux à Shanghai, jouer ensemble de l'harmonica dans leur appartement loué. De plus, pour développer l’intelligence des élèves, j’ai mis sur pied des cours de jeu de go, de mise en forme, de tennis, de gymnastique et d’étiquette.

On a également placé un lavabo dans un coin de la classe pour que les élèves puissent se laver les mains et la figure, à leur gré, lors de la pause. De plus, pour que les élèves puissent demander du secours aux professeurs en cas d’urgence, on a installé une sonnerie électrique à la porte de la classe. Je pense qu’il est nécessaire d’offrir aux élèves des soins humains qui leur permettent d’adopter de bonnes habitudes de vie et de s’intégrer peu à peu à la vie urbaine.

« Bien éduquer tous les enfants! » est la première recommandation que je fais aux enseignants. Je leur demande aussi de prêter attention à chaque enfant. Tous les enseignants doivent s’interroger sur les différences individuelles des élèves de la classe et guider ces derniers selon leur caractère.

L’objet de l’école, ce sont les élèves. Pour que les élèves sentent la chaleur de l’école, il faut d’abord leur faire aimer leur campus, leur classe et leurs professeurs. Voilà nos buts.

En 2010, l’Expo universelle s’est tenue à Shanghai, et parce que c’était un peu cher, certains enfants n’ont pas pu y aller, surtout ceux des travailleurs migrants. L’école n’a pas non plus été en mesure de les y amener; je cherche donc à compenser leurs regrets après coup.

Ainsi, en 2011, lors de la Fête des enfants j’ai fait un réarrangement des classes avec mes élèves: la classe no 2 de 3e année a été transformée en un musée de Grande-Bretagne où il avait des villes typiquement britanniques en miniature ; la classe no 3 de 2e année a été transformée en un musée de France, et on pouvait y voir une toute petite Tour Eiffel ; la classe no 4 de 2e année était devenue un musée d’Afrique où des élèves dansaient comme des Africains. Lors de la visite de ces « musées », chaque élève avait un passeport, comme à l’Expo, et pouvait découvrir les conditions de vie et les mœurs locales de ces pays ; d’ailleurs, dans chaque musée, l’élève pouvait obtenir une estampille, comme lors d’une vraie visite à l’Expo.

Je pense que les écoles doivent disposer d’un système d’éducation de qualité et équitable. De plus, il faut créer toutes les conditions possibles pour développer la personnalité des élèves, pour qu’ils puissent être heureux d’étudier et grandir sainement. Il ne doit pas y avoir de failles dans les services d’éducation offerts aux élèves.

En 1999, j’ai participé à un forum sur la gestion des 500 entreprises les pluspuissantes du monde, et à cette occasion, un participant a parlé de la théorie de la gestion sans faille des entreprises. Je pense qu’on peut appliquer cette gestion à l’éducation scolaire, parce que, dans une certaine mesure, l’école est aussi un prestataire de services.

Par la suite, j’ai lancé le concept du service d’éducation sans faille : attitude de service sincère, dévouement des maillons du service, efforts dans le processus de service et satisfaction des résultats du service. Cette théorie nous demande de traiter les élèves et les parents avec sincérité et de construire une chaîne de qualité pour atteindre une situation gagnant-gagnant pour l’école, la famille et la société.

Grâce à nos efforts, l’école primaire Pingnan est très influente dans l’arrondissement Minhang. Beaucoup d’enfants de cet arrondissement qui avaient choisi de fréquenter une école dans un autre arrondissement sont revenus dans cette école, et même des enfants appartenant à d’autres arrondissements sont attirés par la réputation de l’école. Le nombre d’élèves a maintenant atteint 900, et le nombre d’enfants de travailleurs migrants est passé à 270.

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