CHINAHOY

29-October-2014

Les empreintes chinoises de Montargis

 

Le 19 septembre 2014, la vice-premier ministre chinoise Liu Yandong dévoile la plaque de la place Deng Xiaoping de Montargis.

 

SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction

Le 19 septembre dernier, Montargis a accueilli une délégation conduite par la vice-premier ministre chinoise Liu Yandong pour inaugurer la première place Deng Xiaoping de France. Retour avec Wang Peiwen, directrice de l'association de l'Amitié Chine-Montargis sur cette visite et les projets menés à Montargis.

Mme Wang, c'est une boule d'énergie ! À 59 ans, elle en paraît au moins dix de moins, peut-être parce qu'avant d'être professeur de chinois en France elle était médecin et sait entretenir sa santé. Et il en faut de l'énergie pour faire tout ce qu'elle fait !

En plus d'être professeur de chinois au Lycée en Forêt de Montargis, elle dirige plusieurs associations dont l'Association française des professeurs de chinois (AFPC), l'Association de l'Amitié Chine-Montargis et est représentante de la province chinoise du Hunan pour la Région Centre.

Nous l'avons contactée car elle a accueilli une personnalité chinoise importante à Montargis récemment : la vice-premier ministre chinoise Liu Yandong, unique femme membre du bureau politique, en charge de la technologie et de l'éducation. Lors de sa visite en France en septembre dernier, Liu Yandong a demandé à visiter Montargis en compagnie des autres ministres de la délégation.

La place Deng Xiaoping

Pour accueillir cette visite très officielle, la ville de Montargis a mis les petits plats dans les grands. À la demande de la mairie, Wang Peiwen a proposé au conseil municipal de nommer la place de la gare, anonyme jusqu'alors, d'après le nom de l'ancien dirigeant chinois, initiateur de la réforme et de l'ouverture de la Chine et ancien habitant de Montargis : Deng Xiaoping. C'est ainsi que la première place de France nommée d'après une personnalité chinoise a vu le jour le 19 septembre dernier.

Lorsqu'on lui demande s'il y a eu des réticences pour cette proposition, Wang Peiwen répond que « c'est passé à l'unanimité au conseil municipal. Les gens de Montargis connaissent et reconnaissent cette histoire, certains descendants de familles montargeoises m'amènent même régulièrement d'anciens documents avec des caractères chinois pour savoir ce qui est écrit dessus. Je pense que pour eux c'est une façon d'ancrer le patrimoine historique dans la ville. »

Le choix de Montargis

Comme les anciens dirigeants chinois Deng Xiaoping et Zhou Enlai y avaient passé quelques années de leur jeunesse, ce n'est donc pas par hasard que cette demande a été émise. D'ailleurs d'après Wang Peiwen, il semble que le président Xi Jinping avait prévu de se rendre à Montargis lors de son voyage en mars dernier, mais c'est finalement Lyon qui a été plébiscité. « Lyon et Montargis, depuis longtemps, sont un peu des lieux de "pèlerinage" pour les Chinois. Montargis a vu passé d'illustres chinois progressistes tels que Deng Xiaoping, Zhou Enlai ou encore le maréchal Chen Yi et des pionnières chinoises des droits des femmes comme Cai Chang ou Xiang Jingyu », nous fait-elle découvrir. Ces Chinois, qui étaient arrivés à Montargis dans les années 20, venaient pour participer au mouvement Travail-Études. La plupart de ces jeunes Chinois étaient issus de milieux populaires ou de la petite bourgeoisie et souhaitaient apprendre de l'Occident des idées progressistes pour rentrer ensuite au pays et « sauver la Chine » alors dans un état assez déplorable de guerre civile et de colonisation.

« Durant les années suivant la Grande Guerre, la ville de Montargis a accueilli plus de 2 000 travailleurs chinois venant de toutes les provinces de la Chine et en majorité du Hunan. Mao Zedong était lui-même parti à Beijing pour récolter de l'argent pour partir en France, mais n'a finalement pas pu y aller », continue Wang Peiwen.

Tourisme de luxe et patrimoine

Beaucoup des touristes chinois qui passent en France viennent pour visiter Paris, la Provence ou encore Bordeaux. Leurs achats sont aussi très ciblés : les articles de luxe. Pour Wang Peiwen, la visite de Liu Yandong à Montargis va peut-être permettre de faire connaître cette ville qui possède un patrimoine en commun avec la Chine et qui est à seulement 100 kilomètres de Paris et juste à côté des Châteaux de la Loire.

« Liu Yandong est venue, pour rendre hommage à Deng Xiaoping, le père de l'ouverture et de la réforme mais aussi pour montrer aux Chinois l'importance de la sensibilisation à l'histoire, au patrimoine. Pour le tourisme chinois, c'est une nouvelle veine. Ici, tout a plus ou moins été préservé ».

Ce qui permet aussi aux Chinois qui viennent en visite de voir comment vivait ces personnalités avant de devenir dirigeants de la Chine. « Ils peuvent voir l'évolution et la vie quotidienne de ces hommes politiques quand ils étaient jeunes. Les Chinois ont souvent l'impression que les hommes politiques sont différents des Chinois ordinaires, inatteignables, alors que non finalement. En arrivant en France, ils avaient des problèmes, des idées, des espérances, certains avaient leur idéal et l'ont poursuivi. »

Un patrimoine mis en valeur

Depuis sa création en 2001, l'association Amitié Chine-Montargis s'est efforcée de mieux faire connaître ce patrimoine, tout d'abord en organisant une exposition présentant l'histoire commune de Montargis et de la Chine en 2003 puis un parcours constitué de 15 panneaux explicatifs à travers la ville en 2004. Ce parcours présente les lieux historiques de Montargis en lien avec la Chine. L'inauguration a eu lieu en présence des descendants chinois et français de ces échanges, un petit musée collectant les documents et autres objets reliés à cette histoire a également été ouvert dans une ancienne résidence de travailleurs chinois de l'époque.

« Nous voulons mettre en valeur les expériences de ces jeunes Chinois alors qu'ils n'étaient pas encore des personnages historiques, mais juste des étudiants, pleins de rêves, d'espoir et d'idées. Je pense que ce genre d'exemple est intéressant, que ce soit pour les jeunes Français que pour les jeunes Chinois. »

Car à leur arrivée en France, ces jeunes Chinois n'étaient pas communistes. « Les Chinois qui étaient là étaient des jeunes progressistes. Ils cherchaient des idées. C'étaient des pionniers, ils étaient en quête d'une pensée pour réformer la Chine. Certains, comme Deng Xiaoping ou Zhou Enlai ont trouvé leur réponse dans le communisme, pourquoi pas ? C'est ce que je dis à mes élèves : il faut persévérer dans ses idées, quelles qu'elles soient. Deng Xiaoping avait 17 ans quand il est arrivé, il a passé ses 18 ans à Montargis. C'est là qu'il a décidé qu'il allait faire quelque chose pour réformer, aider son pays. Il était très persévérant et audacieux. Il a trouvé sa voie à ce moment là, en travaillant à Montargis et en rencontrant les autres Chinois présents qui comme lui s'inquiétaient pour leur pays. »

Plein de projets

Hormis tous ces évènements, les échanges scolaires déjà bien engagés entre Montargis et la Chine, les visites officielles chinoises et les expositions-visites des lieux historiques de Montargis, Wang Peiwen explique avoir encore d'autres projets dans les valises : « on est en train de solliciter des fonds pour acheter la maison du musée dont nous ne sommes actuellement que locataires. On pensait faire acheter à des Chinois. Mais ils veulent que ce soit rentable, ce qui est quand même difficile, parce que le public est restreint. On essaie un peu partout de chercher des mécènes, des fonds. Nous voudrions transformer ce musée en un centre de recherche et de rencontre pour les descendants, nous explique-t-elle. Nous souhaitons rendre ce petit musée plus moderne avec des nouvelles technologies et puis permettre des échanges sur les documents, archives, et créer une coopération avec le Musée national de Chine. Le gouvernement chinois est prêt à soutenir mais souhaite un projet complet. Ils nous demandent d'intégrer un mécanisme d'échange socio-culturel à ce musée. C'est pour cela notamment que Liu Yandong était venue. »

Plus d'un millier de Chinois vivaient à Montargis dans les années 20. Aujourd'hui, Wang Peiwen, arrivée il y a 20 ans par hasard à Montargis ( ville natale de son mari ) n'est plus la seule chinoise de la ville, bien qu'elle y soit connue comme le loup blanc. Le lycée où elle travaille compte 200 élèves sinisants et 3 professeurs de chinois, ce qui la rend très confiante en les relations entre la France et la Chine : « il y a 50 ans que les relations ont été créées, c'est déjà exceptionnel pour un pays occidental comme la France d'avoir des relations avec la Chine depuis si longtemps. Ce qui est fait aujourd'hui au niveau des visas, des échanges est encourageant et fait peu à peu disparaître les barrières. La langue chinoise qui prend bien sa place en France et le français qui est de plus en plus enseigné en Chine sont également deux vecteurs de culture qui rapprochent nos deux pays. »

 

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