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Sha Zukang : ambassadeur chinois du développement durable
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Sha Zukang répond aux questions de notre journaliste. (LI GUOQIANG) |
SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction
Sha Zukang est un diplomate chinois qui a de la bouteille. Après avoir participé aux discussions sur les traités de désarmement dans les années 70-80, il a occupé le poste de vice-secrétaire aux affaires économiques et sociales de l'ONU et est aujourd'hui secrétaire du RIO+20. Son nouveau champ de bataille : l'environnement et le développement durable.
Lors de la rencontre organisée au cours du Forum international du désert de Kubuqi en Mongolie intérieure, Sha Zukang nous a expliqué sa vision du développement durable, en mettant l'accent sur « durable » car selon lui, c'est une notion trop facilement utilisée sans être réellement comprise. Il l'explique en anglais : « Sustainable : il y a ''possible'' dedans, c'est ça la notion importante ! Cette notion est venue suite à des discussions et accords. Ce qui est ressorti de ces discussions est que la question du développement durable n'est pas uniquement une question environnementale. C'est un système composé de 3 facteurs qui doivent s'autoharmoniser et s'influencer réciproquement. Dans ce système, l'économie, c'est la base. S'il n'y pas de développement économique, il n'y a pas de développement. Le deuxième : le développement social, l'équité, la santé, l'éducation, la répartition des richesses... Tout cela est lié à l'économie. Le troisième c'est la protection de l'environnement. »
Toujours avec sa gouaille qui lui a valu les foudres de certains, mais aussi l'estime d'autres, il continue : « Trop de développement ou dépasser les capacités de la Terre, c'est de la destruction. Donc quand on parle de développement, ce n'est pas uniquement le volet économique, c'est le développement des trois domaines cités plus haut. Il ajoute en riant : Imaginez ! Si on ne faisait que de la protection de l'environnement : bon bah, on retournerait à la préhistoire... À cette époque là, il y avait du ciel bleu et des nuages blancs, des forêts, c'était bien non ? Pas de développement économique ni social ! Je pense que ce serait une régression. Mais l'inverse avec n'importe quel autre facteur donne le même résultat : ce n'est pas du développement durable. Pour le développement durable, il faut des capitaux, une société et vice-versa. Il faut harmoniser les trois », insiste-t-il.
Une vision globale des questions de développement durable
M. Sha nous raconte son intervention auprès des entrepreneurs à Kubuqi pour leur faire comprendre les enjeux de ce thème et le rôle qu'ils peuvent prendre dans la résolution des problèmes environnementaux : « Je leur ai dit que j'ai eu l'honneur d'organiser le RIO+20 qui est le plus important et le plus haut sommet qui existe pour les questions de développement durable. J'ai réalisé que le développement durable, le développement vert, le développement bas-carbone sont la tendance internationale actuelle et le souhait de tous. »
Pour lui, les entrepreneurs chinois sont les « metteurs en pratique » de la protection de l'environnement. Ce ne sont pas des hommes politiques, mais ils savent la teneur des politiques et des tendances actuelles. Le développement durable est un thème favori de la politique internationale moderne.
C'est donc en donnant une place particulière aux entrepreneurs qu'il envisage le développement durable. « RIO+20 regroupe 193 pays, des milliers d'organisations non-gouvernementales et de spécialistes de l'environnement. C'est une tâche globale. Les entrepreneurs doivent aussi être sur le front. L'harmonie avec la nature : c'est préserver sa globalité, sa stabilité et aider à son développement sain. Les entrepreneurs chinois ont d'ors et déjà accompli des efforts, réalisé des projets de protection de l'environnement, résolu des problèmes liés à l'eau, à l'air et à la terre, et poussé notre pays sur la voie de la protection de l'environnement », ajoute-t-il en ouvrant les mains pour montrer que cela paraît évident.
La Chine et l'environnement
Lorsque l'on lui demande quels sont les problèmes environnementaux majeurs de la Chine, celui-ci répond : « Je pense que les problèmes que rencontre la Chine sont les mêmes que ceux rencontré par les pays développés dans l'histoire de leur développement, la Chine n'a pas le monopole des problèmes environnementaux ! », assène Sha Zukang, souvent assez direct dans son style.
Désertification, pénurie d'eau potable, inondations, pollution atmosphérique, métaux lourds, pollution des sols sont des problèmes environnementaux en Chine mais pas uniquement chinois, souvent pointés du doigt par les pays étrangers. Certains médias en font leur beurre pour décrire la Chine comme un enfer environnemental où l'air est irrespirable et l'eau imbuvable. Soyons un peu nuancés : « La Chine participe aux sommets ou réunions sur l'environnement ou le développement durable depuis 1972. La première réunion importante à laquelle la Chine ait participé était d'ailleurs la Conférence de Stockholm, où est apparu le concept d'éco-développement. À l'époque, la Chine n'avait pas commencé la réforme et l'ouverture et ne connaissait pas le développement qui s'en est suivi. La connaissance des enjeux environnementaux n'était pas suffisante. » Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Sha Zukang répond qu' « après le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992, la situation a bien changé. La Chine a participé au sommet de 92. Les pays en déve- loppement suivent depuis le principe de la Déclaration de Rio qui reconnaît la souveraineté des États dans la gestion de leurs ressources et leur développement. » Principe souvent vu comme non-contraignant, mais qui trouve sa raison dans l'histoire : « Ce principe est passé à l'unanimité. Pourquoi ? Parce que le problème de l'environnement ne vient pas des pays en développement ! Alors pourquoi les stigmatiser ? C'est surtout la responsabilité des pays développés. La capacité de la Terre à emmagasiner le carbone a été sensiblement diminuée à cause de leur développement depuis plus d'une centaine d'années. La marge d'émissions émettables est aujourd'hui minuscule. C'est dans cette situation que les BRICS et les pays émergents ou en développement ont commencé à se développer. Pour cela ils ont besoin d'énergies, s'ils n'ont pas d'énergie, ils n'ont pas de moteur ! Sans moteur, pas de développement. Donc ils sont devenus aussi émetteurs de CO2, après les pays développés et souvent avec l'aide de ceux-ci qui délocalisent dans les pays en développement. Là sont la difficulté et la contradiction », pointe Sha Zukang avec une justesse qui fait presque mal là où c'est sensible.
Les responsabilités de la Chine
Pourtant, selon Sha Zukang, ce n'est pas une raison des pays en développement pour se défaire de leurs responsabilités : « La Chine est consciente de ce problème et de ses responsabilités. Comment résoudre ce problème ? Là est la question. Depuis 1992, la Chine essaie de construire une voie de développement différente des pays développés ». Qu'entend-il par ces voies ? Selon lui, les pays développés ont suivi la suivante : « on développe et on nettoie après. Après le développement économique, développement social puis seulement après : préservation de l'environnement ». La Chine essaie de trouver une autre voie, mais elle a du mal, reconnaît-il. « Nous avons aussi emprunté la voie du ''on développe d'abord, on nettoie ensuite''. Notre premier ministre Li Keqiang l'a reconnu lui-même. »
Sha Zukang reconnaît que « sur les problèmes environnementaux chinois, la communauté internationale a beaucoup d'opinions négatives et n'est pas très au courant de ce qui se fait en Chine pour diverses raisons ». Le développement de la Chine est trop rapide. Sa masse économique est énorme, les émissions de carbone, la pollution y sont proportionnelles. « Les problèmes écologiques en Chine sont graves, avoue Sha Zukang. Mais dans le processus de développement, la Chine a besoin d'énergies et de ressources. »
Pourtant, la Chine possède bien un ministère de la Protection de l'environnement, des organisations écologistes et fait des efforts pour remédier aux problèmes environnementaux en s'engageant dans de nombreuses coopérations internationales sur ce sujet. « Grâce aux coopérations internationales, la Chine trouve des solutions. J'ai visité 150 pays, je peux dire sans flagornerie que la Chine par le biais de politiques globales fait des efforts monumentaux pour améliorer l'environnement. Je suis très confiant dans la pratique chinoise en ce qui concerne la protection de l'environnement. Mais il faut des politiques environnementales claires et sévères que tout le monde suive et des politiques de développement durable, pour qu'économie, société et environnement y trouvent leur compte », résume-t-il.
Des défis qui restent à relever
« En Chine, nous avons des problèmes d'alimentation en eau. Plus d'un milliard de personnes en souffrent. 85 % de l'eau est utilisée par les villes », complète-t-il. Concernant cette crise de l'eau, Sha Zukang nous fait part de ses vues : « Lorsque j'étais à l'ONU, j'ai utilisé le mot ''la crise muette'' pour décrire cette crise mondiale. Notre tâche aujourd'hui c'est d'améliorer le rationnement de l'eau, le traitement des eaux, diminuer la pollution de l'eau. »
« L'urbanisation est en pleine marche en Chine, c'est un enjeu du développement durable. Bien sûr cela représente des avantages : développement économique, amélioration des conditions de vie de la campagne. Mais les désavantages doivent être amoindris, la pollution réduite, la qualité de vie améliorée », nuance-t-il.
Affectant les villes à cause des tempêtes de sable et des changements climatiques, la désertification du plateau mongol est également un problème environnemental à résoudre. « Nous savons tous l'importance du problème de la désertification en Chine et la nécessité de ''stopper le sable''. Dans toutes les réunions en rapport avec le développement durable et l'environnement auxquelles j'ai participé, il n'y avait presque jamais de Chinois ou de représentants de la Chine. Mais j'ai récemment eu la chance de rencontrer Wang Wenbiao en Corée du Sud. C'était la première fois qu'un Chinois non officiel, présentait les efforts de la Chine en matière de développement durable lors d'une réunion internationale. Je suis heureux que des Chinois comme Wang Wenbiao puissent faire parler des efforts de la Chine pour le règlement des problèmes liés à l'environnement sur la scène internationale. Depuis 10 ans, je pense que le développement durable est important, c'est une question cruciale de notre siècle », conclut celui que l'on appelle d'ors et déjà « l'ambassadeur chinois du développement durable » et qui, à 70 ans, n'a toujours pas décidé de prendre sa retraite et attend toujours une nouvelle mission.
La Chine au présent