CHINAHOY

29-September-2014

Tous ensemble pour la recherche spatiale !

 

Maurizio Falanga.

 

À la découverte de l'International Space Science Institute de Beijing, un institut qui unit les scientifiques de tous pays, au nom de la recherche spatiale.

ANAÏS CHAILLOLEAU, membre de la rédaction

Ces deux dernières décennies, la Chine a la tête dans les étoiles ! En 1992, elle a commencé à mettre sur pied un solide programme spatial, qui s'est traduit par le développement de vaisseaux Shenzhou et de lanceurs Longue Marche, le premier vol d'un taïkonaute en 2003, ainsi que la mise en orbite de la station spatiale embryonnaire Tiangong-1 en 2011. Entre-temps, la Chine a envoyé divers satellites, dont les sondes lunaires Chang'e, afin d'explorer toujours plus intensément notre système solaire. Et de prochaines missions sont déjà planifiées : la nation chinoise poursuit son « rêve spatial » !

Mais est-elle seule dans ce dessein, ou est-ce que la Chine s'ouvre aux autres pays possédant une longue expérience en matière de recherche et de technologies spatiales ? Pour le savoir, nous nous sommes adressés à Maurizio Falanga, directeur exécutif de l'International Space Science Institute de Beijing (ISSI-BJ).

Une plate-forme d'échanges

« ISSI-BJ est un institut international, neutre et non lucratif, au service de la communauté scientifique spatiale », présente d'emblée son directeur. Son principal objectif est d'approfondir la compréhension scientifique et technologique des futures missions spatiales chinoises et d'examiner les résultats des missions passées, par le biais de recherches multidisciplinaires. Pour ce faire, l'institut organise notamment des forums, des ateliers, des rencontres destinées aux jeunes chercheurs...

« Cette année, nous avons organisé huit forums, chacun portant sur une mission spatiale future. Un forum se résume à deux jours de brainstorming : quel est l'intérêt scientifique de la mission ? quels sont les points à améliorer, dans quels aspects de la mission une collaboration serait-elle possible ?..., décrit M. Falanga. Nous invitons des experts de tous pays qui offrent leurs recommandations à la communauté scientifique et au chef de la mission. Nous ne prenons pas de décisions : simplement nous réunissons des éminents experts pour qu'ensemble ils discutent de science. »

ISSI-BJ sait également se rendre utile hors de ses murs, pour toucher le grand public intéressé par la science. Trois fois par an, un séminaire est tenu au Bridge Coffee à Wudaokou (nord-ouest de Beijing) : « Pour la première édition, nous avions invité Roger-Maurice Bonnet. Il s'était exprimé dans un café peuplé exclusivement de jeunes étudiants, en train de manger et de boire. Il avait adoré cet échange. Une expérience exceptionnelle. » En outre, l'institut a mis en place des écoles d'été, au cours desquelles des jeunes de tous pays doivent ensemble formuler un projet de mission spatiale. Ce travail est axé sur l'interdisciplinarité entre les chercheurs et les ingénieurs ainsi que sur des échanges intellectuels avec des experts internationaux. M. Falanga essaie de coller à l'étiquette « internationale » de l'institut, en travaillant en étroite collaboration avec ses collègues chinois. Par ailleurs, il aime bien avoir l'opinion des gens d'ISSI-BJ. « Je pense que le personnel fait la force de l'institut lorsque celui-ci propose des idées et prend des initiatives. Ce comportement doit être encore développé et ainsi devenir un de nos atouts majeurs... »

Une aide à la Chine

ISSI-BJ est né d'une collaboration internationale entre l'ISSI de Berne et le National Space Science Center (NSSC). M. Falanga raconte : « Roger-Maurice Bonnet, directeur exécutif de l'ISSI entre 2003 et 2012, et directeur du programme scientifique de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) entre 1983 et 2001, en accord avec le directeur général du NSSC, Wu Ji, a pensé créer une nouvelle institution en Chine, car ce pays est actuellement en train de développer son programme spatial et de bâtir une communauté scientifique. » Ainsi, ISSI-BJ se propose d'être une plate-forme de collaboration internationale en Chine.

Et pour en prendre les rênes, qui de mieux que Maurizio Falanga, qui travaillait déjà depuis plusieurs années à l'ISSI de Berne et connaissait bien les détails de son fonctionnement ? « Aujourd'hui, je passe la majorité de mon temps à Berne, où vit ma famille ; et plusieurs mois par an à Beijing », précise-t-il.

D'après lui, cette coopération internationale est importante pour la Chine, afin de lui permettre de devenir un acteur équivalent aux autres puissances spatiales internationales. « Les Chinois sont ouverts à cette collaboration internationale pour progresser plus rapidement dans leur programme spatial, sans répéter ce que d'autres ont déjà accompli. À l'heure actuelle, personne ne peut seul financer une mission. C'est extrêmement cher, donc il est préférable d'avoir des partenaires. »

En effet, une mission spatiale requiert des sommes astronomiques, qui souvent n'engendrent aucune recette. Il est donc souvent difficile de justifier ce lourd investissement, malgré le développement de l'industrie concernée. Toutefois, réussir une mission chinoise permet au pays de montrer son haut niveau technologique. C'est une source de fierté nationale ! « Je dois dire que les missions chinoises sont innovantes, ambitieuses, tout en restant réalistes, estime M. Falanga. Les Chinois sont en train de contribuer, au niveau international, à la recherche spatiale. Les résultats de leurs missions profiteront à tout le monde. »

Quand nous demandons à M. Falanga si la Chine ne cultive pas une stratégie qui vise à collaborer avec l'Europe pour mieux rivaliser avec les États-Unis, il nous répond : « Notre institut n'est pas impliqué dans les sphères industrielle, économique ou politique. Mais je peux vous dire qu'au niveau scientifique, il n'y a pas ce genre de stratagème. La science, c'est un peu comme le football, compare-t-il. Peu importe la nationalité des joueurs, tous ciblent le même objectif : mettre le ballon dans les buts. En tant que scientifiques, nous parlons tous une même langue, régie notamment par les mathématiques et la physique, avec pour projet commun de comprendre notre monde. »

La France, partenaire historique

Maurizio Falanga précise que dans chacune des activités que l'institut organise, on compte quelques Français. « Je pense que la France a toujours eu un lien fort avec la Chine, ajoute-t-il. D'ailleurs, dans le cadre du cinquantenaire des relations diplomatiques sino-françaises, nous sommes en train d'organiser un atelier, prévu pour avril 2015 sur la thématique des sursauts gamma cosmiques. Il résulte d'une demande française, mais sera ouvert aux autres pays. Nous y discuterons aussi de la mission sino-française SVOM, en présence notamment des experts Bertrand Cordier et Diego Götz du CEA Saclay. » Preuve qu'avec certains pays, dont la France, la coopération spatiale ne s'est pas limitée à la recherche scientifique, mais s'est étendue dans une certaine mesure aux domaines industriel et technologique.

En ce qui concerne cette mission SVOM, elle a été initiée par la China National Space Administration (CNSA), l'Académie des sciences de Chine (CAS) et le Centre national d'études spatiales (CNES). Elle consiste principalement en l'étude des sursauts gamma, les événements les plus lumineux de l'univers après le Big Bang. Ces phénomènes peuvent nous en dire plus dans les domaines de l'astrophysique des hautes énergies et de la cosmologie. Cette mission, qui utilisera aussi bien des technologies chinoises que françaises, est prévue pour 2021.

 

La Chine au présent

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