CHINAHOY

2-March-2016

Deng Shen : le tour du monde au plus bas prix

 

8 000 km en deux mois : en décembre 2011, Deng Shen arrivait en Afrique du Sud après avoir traversé 5 pays en stop.

 

GONG HAN, membre de la rédacrtion

Deng Shen, jeune femme originaire de Chengdu, la capitale du Sichuan, n'a pas vu la mer avant l'âge de 18 ans. Cette expérience a suscité chez elle une véritable passion pour les voyages. Depuis 9 ans, elle a obtenu une licence sino-allemande en environnement et une maîtrise faite au Pérou en science environnementale. En tout, elle a visité plus de 90 pays et territoires des 6 continents avec l'argent qu'elle a gagné par le biais de son travail parallèlement à ses études. Et elle connaît aujourd'hui 5 langues.

Cette année, grâce au Star Alliance Round The World, cette jeune Chinoise de 27 ans va pouvoir réaliser un tour du monde partant du Pérou qui la fera passer par une trentaine de pays en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Elle y interviewera des gens, enquêtera sur les différents modes de vie et les différentes conceptions du monde, fera un album photos de sensibilisation à la protection environnementale, un rapport sur son enquête et travaillera comme bénévole en Afrique et ainsi réalisera enfin son rêve d'avoir voyagé dans 100 pays du monde.

Regarder le monde

Voyager, surtout à l'étranger, était un luxe pour Deng Shen. Une de ses camarades de collège avait visité 8 pays européens à l'âge de 12 ans lorsque son père travaillait dans une entreprise allemande. En l'écoutant parler de ses expériences à l'étranger, Deng Shen rêvait secrètement d'avoir les mêmes.

À 20 ans, Deng Shen est partie en Allemagne grâce à un programme d'échange d'étudiants pour poursuivre ses études en environnement. Les universités allemandes sont gratuites et permettent aux étudiants de travailler pendant leurs études (90 journées ou 180 demi-journées), ce qui lui a permis de subvenir à ses besoins. Deng Shen a par exemple travaillé dans un restaurant chinois qui lui offrait le gîte et le couvert. Mais elle devait travailler de 10 heures à 23 heures avec une heure de pause à midi.

Grâce à son visa Schengen, elle a pu visiter une trentaine de pays européens et obtenir les visas pour aller au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie.

Pour faire un voyage en Jordanie, elle a obtenu un travail comme stagiaire dans une ONG de protection de l'environnement. Là-bas, elle louait un sous-sol à bas prix avec deux lucarnes. Elle était tous les jours réveillée par l'appel à la prière de la mosquée voisine. Dans ce pays musulman, elle s'habillait avec des vêtements longs malgré des températures très élevées.

Lors d'un bain au-dessus des chutes Victoria en Afrique, elle a manqué d'être hapée au fond par le courant. Elle a pris les trains bondés d'Inde. « Il semble que l'air frais est une jouissance de la vie là-bas, nous dit Deng Shen en souriant, ce qui est marrant aussi, ce sont les Indiens qui gardent une certaine attitude fixe en voyant un appareil photo, ils ne bougent pas avant que l'on appuie sur le déclencheur. Sur cette photo, la vieille dame dans son sari jaune se tient immobile parce qu'elle n'a vu personne bouger, c'est une très belle photo. »

Grâce à ces voyages, Deng Shen est sûre de pouvoir survivre toute seule. À 24 ans, elle a déménagé à Lima, au bord du Pacifique, pour faire une maîtrise au Pérou. Elle y a appris l'espagnol et visité une trentaine de pays d'Amérique du Sud et des Caraïbes. Elle a visité les 7 nouvelles Merveilles du monde, dont le Machu Picchu au Pérou est la plus impressionnante d'après elle. Et elle adore les alpagas.

Lorsqu'elles et ses amies ont vu pour la première fois le ciel étoilé dans un désert après un long et pénible voyage, elles étaient émues. « La joie ne s'achète pas, c'est ce que m'ont appris mes voyages », nous confie Deng Shen.

 

Deng Shen avec des enfants mexicains pendant son séjour dans leur pays.

 

Sur les traces de Deng Shen

D'après Deng Shen, voyager au plus bas prix coûte entre 30 000 et 40 000 yuans tout compris par an.

À l'étranger, Deng Shen étudie, travaille et voyage. Avant chaque excursion, elle travaille pour gagner à peu près plusieurs milliers de dollars. Puis elle part, et se remet à travailler lorsqu'elle a dépensé toutes ses économies. Ainsi, elle a travaillé comme serveuse, guide, ouvrière d'une chaîne de fabrication, interprète, vendeuse de maca du Pérou, correspondante de presse, etc...

« Comme je ne suis pas née d'une famille aisée, l'ai le sens de l'économie. Je ne suis jamais à découvert et ne demande jamais d'argent à mes parents qui sont ouvriers. J'ai hérité de mes parents l'habitude d'économiser », nous explique Deng Shen. Elle a toujours des économies mais qui n'ont jamais dépassé les 10 000 dollars.

En Europe, en Moyen-Orient, au Tibet, en Amérique centrale et du Sud, elle a voyagé en auto-stop. Un de ses grands souvenirs est la rencontre avec cette jeune femme du Guangxi dont elle a fait connaissance au Moyen-Orient fin 2011-début 2012. Elle ont fait ensemble 8 000 km en auto-stop pendant leur voyage de 2 mois dans 5 pays africains. Elles sont parties du Kenya et sont passées par la Tanzanie, la Zambie et le Mozambique pour arriver au Cap en Afrique du Sud. En tout, elles ont pris 62 fois l'autostop : voiture, camion, bus et même le fourgon de police, au lieu de choisir les transports publics.

Durant le voyage, Deng a découvert l'Afrique réelle, qui n'est pas si en retard que l'on se l'imagine souvent. Dans les grandes villes, les fonctionnaires et les cols-blancs en costume-cravate prennent une voiture pour aller au travail. Les habitants locaux sont très sympathiques.

Pour sa sécurité, Deng Shen voyage souvent avec d'autres jeunes femmes. « L'autostop par exemple, explique-t-elle, il est plus sûr pour une femme de s'asseoir dans le siège passager avant. On peut plus ou moins avoir une idée du statut social de la personne qui nous prend en stop selon le modèle et l'entretien de sa voiture. Pour le couchsurfing, il vaut mieux choisir une famille bien évaluée. Les familles de 3 ou 4 personnes sont plus sûres. »

Voyager pour voir l'inconnu

Grâce au couchsurfing, Deng Shen a pu découvrir la vie quotidienne des habitants locaux avec un logement gratuit. Quand elle n'est pas en voyage, elle propose aussi aux gens de s'installer chez elle.

Elle a connu de nombreuses familles, des normales et des un peu plus « spéciales » : des naturistes, un monsieur créole ayant eu 10 enfants avec différentes femmes…. À Taichung, elle a rencontré un Occidental assez particulier. Celui-ci avait construit une maison avec des tôles en plastique : deux chambres : une pour lui et une pour les invités. Titulaire d'une maîtrise en informatique, il travaillait dans la programmation de logiciels, et aimait se travestir. Deng et son amie lui ont demandé de le faire et « elles » ont fait la cuisine ensemble avec des légumes sauvages du jardin dans la cuisine bricolée.

« Voyager, c'est être à l'écoute de ce que l'on n'a jamais entendu, découvrir ce que l'on n'a jamais vu, faire l'expérience de la vie de personnes différentes, nous explique Deng Shen. Cela rend plus tolérant. »

En 2011, pendant un voyage en Turquie, son propriétaire allemand lui téléphone pour lui dire que ses deux bagages mis à la consigne avaient été « emportés par la Croix-Rouge car personne ne s'était présenté pour les récupérer ». À l'exception des bagages simples qu'elle emmenait avec elle pendant ses voyages, toute sa vie était dans ces deux valises : des livres, des vêtements, des articles d'usage courant, sa carte d'identité et plein d'autres choses accumulées depuis des années.

Miraculeusement, ces bagages ont été retrouvés. Cela reste l'expérience la pire de toute sa vie : « J'étais dans le dénuement le plus complet. C'est là que j'ai enfin compris la valeur des choses mais aussi ce que signifie "accumuler" », nous raconte Deng Shen.

Après son retour en Allemagne, elle a retrouvé ses valises et les a vidées : elle n'en a gardé que l'essentiel. Le reste, ce qu'elle ne voulait pas abandonner ou ce qu'elle croyait utile un jour, a été donné à des amis ou à des personnes qui en avaient besoin.

Après cela, il ne lui restait plus qu'un bagage de 20 kilos qu'elle pouvait emporter n'importe où.

« Peut-être devrions-nous nous poser la question : si je perdais tous mes biens à cause d'une catastrophe, qu'est-ce que je voudrais retrouver ? Si je partais dans un pays éloigné, qu'est-ce que je garderais sur moi ? Les jolis vêtements et les choses frivoles ont-elles un vrai sens ? »

 

En décembre 2013, Deng Shen mène une enquête sur la pollution environnementale dans une zone minière des Andes. (PHOTOS FOURNIES PAR DENG SHEN)

 

Un tour du monde grâce au crowdfunding

Faire le tour du monde avec le Star Alliance Round The World était depuis longtemps le rêve de Deng Shen. En 2015, après avoir obtenu sa maîtrise, elle a de nouveau eu envie de réaliser ce rêve, mais devant le coût de 100 000 yuans, elle hésitait, ses amis lui ont recommandé le financement participatif.

Début juin, Deng Shen a rédigé un article intitulé Les 88 affaires obligatoires pour un tour du monde, prélude au financement participatif. Elle a fixé six sommes, de 8, 28, 88, 288, 888 et 2 888 yuans. Selon ces quotas, elle remercierait ses financeurs par des souvenirs, des petits cadeaux, des cartes postales, des cartes en photos qu'elle aurait prises dans les pays qu'elle traverserait, ainsi que des livres sur le tourisme qu'elle écrirait. Pour ceux qui donnaient 2 888 yuans, elle ferait des conseils et des guides de voyage sur commande, réaliserait quelque chose pendant le voyage (une étude de marché, des photos ou un film tourné dans différents pays).

Après la publication de l'article, elle a reçu une centaine de dons, équivalant à plus de 20 000 yuans, de beaucoup supérieur à ce qu'elle avait prévu. À la veille de son départ, elle a reçu à sa grande surprise deux dons de 20 000 yuans faits respectivement par une banque de prêts sur gages et un patron d'une société de meubles. La première lui demandait de faire une enquête sur les banques locales de prêts sur gages lors de son voyage et d'écrire des articles ; le deuxième lui a demandait d'enquêter sur le marché du meuble en Amérique latine et d'écrire un rapport après une analyse des données. Actuellement, son financement s'élève à presque 90 000 yuans, dont 40 000 yuans seront utilisés pour l'achat du Star Alliance Round The World.

« Je remercie beaucoup ceux qui m'ont aidé. Dans l'avenir, j'aiderai moi aussi les gens qui en ont besoin. Actuellement, je continue à chercher des femmes pour m'accompagner pour le voyage. »

Durant son voyage, Deng Shen pourra non seulement mettre à jour ses connaissances sur le monde, mais aussi découvrir son avenir. Pendant les quelques mois en Jordanie, elle a participé à la protection de la mer Morte et des zones humides en Asie occidentale, au Pérou, elle avait pris soin de phoques blessés ; sur le plateau des Andes, elle avait effectué plusieurs interviews d'indiens indigènes afin de les aider à mieux négocier avec les sociétés minières concernées et d'assurer leurs droits et intérêts sur leurs terres perdues à cause d'une exploitation minière. Dans le futur, elle souhaite travailler à l'UNESCO ou dans une organisation non gouvernementale.

« Certains considèrent le voyage comme moyen pour fuir la réalité, pour moi, voyager permet de me retrouver », conclut-elle.

 

 

La Chine au présent

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