CHINAHOY

1-February-2016

Une nouvelle façon de passer le Nouvel An chinois

 

Les courses pour les décorations du Nouvel An.

 

REN YINAN*

Le 8 février, c'était la fête traditionnelle chinoise la plus importante de l'année : le Nouvel An chinois. Les réunions de famille et les repas entre amis sont de la partie. Avec l'évolution de la société et les progrès techniques, l'Internet s'invite à la table et transforme les traditions, apportant nouveauté et changements.

Les étrennes électroniques

En Chine, au Nouvel An, distribuer les étrennes et donner de l'argent de poche aux enfants est une tradition. Le Nouvel An est resté le Nouvel An, mais les étrennes ont changé de forme.

La magie du net a transformé les traditionnels hongbao (étrennes) en hongbao électroniques : étrennes WeChat, étrennes Weibo, étrennes Alipay, étrennes QQ. On peut les « attraper », les « demander » ou encore les envoyer directement par l'intermédiaire de son portable. D'autres sont juste des « attrape-nigauds » envoyés à ses amis pour rigoler. Ceux-ci en envoient pour faire plaisir, les commerçants en envoient pour attirer les clients. Les étrennes électroniques sont devenues une mode, à tel point que lorsque les gens se croisent, ils demandent « combien de hongbao tu as réussi à attraper ? »

Luo Xue, une jeune étudiante explique ce phénomène en rigolant : « Je ne me rappelle même plus combien j'en ai attrapé. Mais avant le Nouvel An, j'ai trouvé un mode d'emploi pour comment attraper les hongbao qui explique quand les envoyer, combien donner, et comment les attraper. Je ne sais pas jusqu'à combien on peut en attraper, mais je sais que parmi mes amis, je suis celle qui a réussi à amasser le plus de hongbao. »

« Attraper les hongbao » est devenu un véritable concours voire une fièvre pour certains et pendant le Nouvel An, c'est véritablement devenu une occupation à plein temps. « Beaucoup de mes amis passent leur temps les yeux rivés sur leur portable, où qu'ils aillent, et pour peu que celui-ci vibre, ils se mettent frénétiquement à "attraper les hongbao" », explique Luo Xue.

Pour la famille de celle-ci, perpétuer les traditions est important. Il y a quelques années encore les jeunes de la famille se prosternaient devant leurs aînés quand ils recevaient leurs étrennes. Mais l'année dernière, les oncles et tantes ont décidé d'envoyer les hongbao sur WeChat. Plus besoin de se prosterner devant eux. Ils se sont juste prosternés devant leurs grands-parents.

« On a décidé d'envoyer les hongbao par WeChat parce qu'à chaque fois qu'on allait chez nos parents et amis pour donner l'argent de poche aux enfants, souvent, les gens refusent ou font des manières. Maintenant, il n'y a plus cette gêne, ça rend les choses plus faciles », nous explique Luo Xue.

Cette nouvelle forme d'étrennes électroniques évite effectivement de se poser la question de savoir combien mettre dedans et s'il faut ou non les prendre. Le côté amusant de la chose a totalement fait disparaître le côte gênant de donner et recevoir de l'argent et a donc permis de perpétuer cette tradition chinoise.

En Chine, on ne donne d'étrennes qu'aux enfants. Yu Jian, travaille depuis trois ans. D'après la tradition, passé 18 ans, on ne peut plus demander ni recevoir d'étrennes. Mais ce plaisir de recevoir des hongbao n'a pas disparu puisqu'il peut en « attraper » sur WeChat sur son portable.

« Pendant le Nouvel An, je regarde régulièrement mon portable pour essayer d'attraper des hongbao sur WeChat dans les groupes dont je fais partie. C'est vraiment marrant » Apparemment, Yu Jian aime bien cette atmosphère joyeuse et excitante de ces jeux sur WeChat : « surtout dans les groupes d'anciens camarades de classe, c'est vraiment la folie ! En temps normal, tout le monde est occupé à travailler, mais dès que quelqu'un envoie un hongbao dans le groupe, on dirait que tout le monde devient fou. En fait, envoyer des hongbao est aussi un prétexte pour discuter. On peut aussi en envoyer individuellement aux amis proches. Même si le montant n'est pas très élevé, ça fait toujours plaisir. »

D'après une étude d'iiMedia Research sur la participation des utilisateurs chinois de smartphones aux étrennes électroniques du Nouvel An, le but principal de ces hongbao envoyés entre collègues et amis est surtout de maintenir les liens pour 36,8 % des gens, ensuite seulement vient l'envie de « gagner de l'argent » avec 21,5 %. En moins de 2 ans, cette nouvelle forme de lien social s'est installée parmi les Chinois souvent assez réservés dans leurs relations sociales.

 

L'e-shopping explose avant les vacances du Nouvel An.

 

L'e-shopping du Nouvel An

Deux cagettes de fraises bio, une boîte de petits gâteaux de chez Daoxiangcun, des nouveaux habits pour Papa Maman, des fruits secs… En 2 minutes, Sun Binbin a réglé ses courses sur Internet qui vont partir directement vers sa laojia (région natale) au Heilongjiang. Comme ça, avant qu'elle ne rentre chez elle pour les fêtes, toutes ses emplettes seront déjà arrivées là-bas.

« Quand j'étais petite, ce que je préférais, c'était aller faire les courses pour le Nouvel An avec ma mère », raconte Su Binbin. Mais aujourd'hui, beaucoup de jeunes vivent et travaillent loin de chez leurs parents et souvent ne rentrent dans leur laojia que le soir du réveillon et n'ont donc pas le temps d'aller faire les courses pour le Nouvel An. Rentrer chez ses parents chargé comme une mule n'est pas non plus une solution. Alors autant acheter sur Internet et faire livrer là où on va passer le réveillon.

La plupart des e-commerçants proposent des promotions sur les articles du Nouvel An ou des formules pour faciliter la vie des consommateurs. « C'est vrai que ça prend moins de temps et que c'est plus pratique, mais ça n'a pas le même sens que quand j'étais petit, ce n'est pas différent quand j'achète des choses sur Internet en temps normal », nuance quand même Sun Binbin.

Les produits frais tels que les crustacées ou les fruits exotiques sont aussi de plus en plus appréciés pour le Nouvel An. « J'habite à Beijing, j'ai accès à toutes ces choses, mais mes parents habitent dans une région plus reculée et sont assez économes, ils n'achètent en général pas ce genre de produits. En plus, on ne les trouve pas dans leur ville. Alors quand on veut manger des crevettes australiennes pour le Nouvel An, c'est en rêve. Mais sur Internet, j'ai commandé des cerises, des mangues et des homards », nous explique Sun Yichao, cadre travaillant à Beijing. Une semaine avant le réveillon, elle avait déjà fait toutes ses courses sur Internet.

De plus en plus de e-commerçants se sont mis à vendre des produits frais, et ce, dans une proportion non négligeable. « Cette année, le marché des produits frais atteindrait 8 000 milliards de yuans, alors que le marché de l'e-commerce en produits frais était de 40 milliards de yuans en 2015. Bien que cela ne représente que 5 % du marché, il y a encore de la marge », nous décrit Gu Dongjun, le directeur de Wecook.

Les e-commerçants en produits frais ont encore des défis à relever : les stocks et la garantie qualité, la chaîne frigorifique, le prix des produits et les fluctuations assez importantes de l'offre et de la demande. Cui Xiaodong, le directeur de la compagnie de coursiers SFbest, résume ainsi la situation : « L'e-commerce des produits frais, c'est compliqué. Il faut qu'il y ait une connexion sans faille du producteur en amont en passant par le transporteur et le client en aval. Il faut réduire les pertes, améliorer le système de distribution et contrôler les prix de transport. » Visiblement, garantir aux Chinois qu'ils mangeront frais et seront satisfaits pour leur repas du Nouvel An n'est pas une mince affaire. Les e-commerçants ont encore beaucoup à faire.

Le nouveau gala du Nouvel An

Depuis 33 ans qu'il existe, le grand gala du Nouvel An de la CCTV fait partie intégrante de la soirée du réveillon pour des millions de Chinois. Depuis quelques années pourtant, le grand gala télévisé n'est plus « obligatoire » pendant le réveillon et parmi certains jeunes, ne pas regarder le grand gala de la CCTV est même devenu une mode.

Wang Xiao'ou de Shenyang nous décrit le réveillon chez lui : « Dans ma famille, personne ne regarde vraiment le grand gala, tout le monde est occupé à autre chose : à faire des raviolis, les gamins à jouer, d'autres jouent aux cartes… Mais dès que le grand gala commence, on allume la télé comme ça, ça fait un fond sonore, l'atmosphère est plus conviviale. On regarde vraiment que quand un numéro nous intéresse ou bien quand il y a une star qui passe. »

Pourtant, s'il arrivait qu'une fois il n'y ait pas de grand gala du Nouvel An, la plupart des Chinois auraient l'impression que ce n'est pas un vrai Nouvel An. Mais peu importe la teneur du programme de l'année, il y aura toujours des gens pour dire qu'ils aiment ci ou n'aiment pas ça. Pour remédier à ce problème, l'année dernière, le grand gala a fait appel à Internet. En plus des présentateurs vedettes présents, un mouton cartoon avait été créé pour la nouveauté.

La chanson Inoubliable Soirée, véritable institution du Nouvel An chinois, avait aussi été remise au goût du jour, un concours de chant organisé sur WeChat. Les meilleures prestations avaient été choisies pour être ensuite remixées et s'intégrer à la version interprétée par la chanteuse chinoise Li Guyi. Un spectacle du plus grand effet.

Devant leur télé, les Chinois aiment bien critiquer le programme. Pendant le direct diffusé sur Weibo, les commentaires des internautes apparaissent en direct. Certains critiquent les présentateurs, d'autres les numéros, d'autres les répliques des sketchs, d'autres encore commentent les costumes. Le regard des spectateurs est comme une loupe et décèle tous les petits détails. Yang Hongtao, professeur à l'institut de l'art audiovisuel de l'université de la communication de Chine analyse ce phénomène ainsi : « Que ce soit des critiques ou bien des louanges, le grand gala fonctionne comme une grande catharsis. Le grand gala est un peu comme un résumé de l'année, les gens laissent aller leurs sentiments, se projettent dans l'avenir ».

Évidemment, ce qui intéresse le plus les téléspectateurs aujourd'hui, ce sont les hongbao électroniques offerts lors du grand gala. Wang Xiao'ou nous confie que quand l'émission les distribue, toute sa famille se met à « attraper les hongbao ». Même son père de 80 ans s'y met. Et puis il y a des petites surprises. Par exemple la version électronique du programme, les vœux des stars, les petites vidéos des téléspectateurs chez eux en train de regarder l'émission. Le montant des hongbao n'est pas important, ce qui importe c'est de se divertir. »

Même si les hongbao électroniques ont un peu pris le pas sur le fait de regarder l'émission, l'intrusion d'Internet et de WeChat dans le grand gala a permis de ramener quelques téléspectateurs et de créer une véritable interaction, un sentiment de participation et de partage entre l'émission et l'audience.

D'après une annonce officielle de Tencent, pour le grand gala de 2016, ce ne sera pas WeChat qui permettra aux téléspectateurs « d'attraper les hongbao », mais Alipay. WeChat a pourtant déclaré que les recettes publicitaires des 5 jours pendant le Nouvel An serviront à envoyer des étrennes aux utilisateurs. Hormis les étrennes électroniques, les utilisateurs pourront également découvrir d'autres jeux. Le Nouvel An devient donc de plus en plus électronique.

Et pour finir, la façon de souhaiter ses vœux pour la nouvelle année a, elle aussi, changé. Aujourd'hui, les vœux du Nouvel An prennent toutes sortes de formes différentes : un coup de fil, un texto, un post sur Weibo, un message WeChat, des cartes de vœux électroniques. Depuis l'avènement de WeChat, le nombre de personnes souhaitant leurs vœux par téléphone ou messages textes a nettement diminué, la façon de passer le Nouvel An a également évolué.

 

*REN YINAN, stagiaire de La Chine au présent.

 

La Chine au présent

Liens