CHINAHOY

4-August-2015

Zheng Hang : sur la vague de l’e-cinéma

 

Zheng Hang discute du scénario avec un des acteurs.

 

Rencontre avec un jeune réalisateur, qui produit des films fidèles à sa génération et adaptés aux nouveaux modes de visionnage qu’utilise celle-ci.

MA HUIYUAN, membre de la rédaction

«Un film remarquable, même sans vedette jouant dedans. L’intrigue est touchante, poignante même. J’aurais vraiment aimé avoir des amis comme ça ! » « Malgré son modeste budget, ce film est réellement bien tourné. Il m’a beaucoup ému ! » « Ce que raconte ce film, c’est la vie. Au début, on est à la fois ignorant, stupide et optimiste. Au fil des années, on n’a d’autre choix que de s’adapter. Ce film est très bien fait ! L’histoire réveillait mes propres souvenirs. J’en ai même pleuré. » Voilà une collection de commentaires laissés par des internautes après que ceux-ci ont visionné sur Internet Salut au bel âge, mes frères.

Le rêve de monter sa boîte

Cette œuvre décrit la vie de quatre lycéens dans une petite ville chinoise. Depuis sa mise en ligne fin 2014, elle a généré déjà 3 millions de clics sur les différents sites d’hébergement de vidéos. Le réalisateur, Zheng Hang, âgé de 29 ans seulement, est aujourd’hui à la tête de Beijing Chuanyan Ltd, une société dédiée à la culture cinématographique et aux nouveaux médias. Lors de notre interview, Zheng Hang nous a raconté ce qui l’a amené à s’engager dans ce parcours.

En 2009, Zheng Hang a fini ses études universitaires d’animateur et présentateur. Conformément à la volonté de ses parents, il est rentré à Mudanjiang, sa ville natale dans la province du Heilongjiang, où il est devenu présentateur télé pour la chaîne locale. « Nous n’avons qu’une seule jeunesse. Il n’y a pas d’option “rediffusion” » commente-t-il. Accomplir les mêmes tâches jour après jour ne lui convenait pas. Il désirait explorer le monde et fonder sa propre affaire. Malgré l’opposition de ses aînés, Zheng Hang s’est conforté dans son choix : « Je vais créer mon entreprise à Beijing. »

« Pour un jeune entrepreneur, rien n’est plus important que de gagner sa vie. À mon arrivée dans la capitale, j’ai fait un peu tout et n’importe quoi comme travail : postproduction de programmes télévisés, évènementiel, doublage de films... » se rappelle Zheng Hang avec le sourire, en dépit des difficultés. « Mais j’envisageais toujours de tourner un film. » C’était son rêve depuis l’enfance. Et dès l’université, il a fait enregistrer son entreprise et s’est mis à constituer petit à petit son équipe, préparant les conditions pour la concrétisation de son projet.

Pendant trois années, Zheng Hang a accumulé des expériences et des ressources au prix de ses efforts. En 2013, la popularité des nouveaux médias s’accroissant en Chine, il a voulu tenter sa chance. Mais pour ses amis s’activant à gagner leur croûte chaque jour, tourner un film relevait du fantasme, une belle histoire qui n’arrive que dans les romans. Les membres de l’équipe qu’il avait formée l’ont quitté l’un après l’autre ; seules restaient trois personnes. Malgré la pression, Zheng Hang n’a pas baissé les bras. Il a mis en jeu presque toutes ses économies pour produire son film.

En 2014, il a commencé à écrire le scénario de Salut au bel âge, mes frères. Puis, le tournage a démarré sous sa direction à Yanqing, dans la banlieue de Beijing. « Nous avons travaillé dix jours à Yanqing, de 4 h du matin jusqu’à 2 h le lendemain. L’ensemble de l’équipe, acteurs et autres, logeait et mangeait chez les villageois du coin. Pour prendre une douche, nous devions faire la queue dans l’avant-cour. Les conditions de travail étaient rudes, mais ces jours restent inoubliables et source de joie. » Le 18 novembre 2014, le long-métrage de 83 minutes Salut au bel âge, mes frères a été posté sur Internet. En dépit de son petit budget de 410 000 yuans, cette production a fait vibrer une corde sensible chez beaucoup de jeunes nés après 1980. « Nous voulions vraiment porter cette histoire à l’écran, quitte à perdre de l’argent. Nous n’imaginions pas que ce film serait aussi bien accueilli par les internautes. Nous avons déjà rentabilisé notre investissement et nous entrons désormais dans la phase où nous pourrons parler de profit. » Fort de son succès, Zheng Hang s’est lancé dans la réalisation d’un deuxième film, Au galop ! Ma jeunesse, qui est sorti sur Internet début 2015.

 

Affiche du film Salut au bel âge, mes frères.

 

Le filon des nouveaux médias

Fondamentalement, ce que l’on appelle « film de nouveaux médias » est une production disponible uniquement sur Internet, en d’autres termes, qui ne sera pas projetée au cinéma. Le visionnage se fait de manière plus souple : sur votre portable ou votre ordinateur, en tous temps et en tout lieu. Il faut savoir que les films traditionnels doivent obtenir une autorisation de l’Administration nationale de la radiodiffusion, du cinéma et de la télévision avant de pouvoir être diffusés dans les salles obscures. Les « films de nouveaux médias », en revanche, ont seulement besoin de décrocher une licence de production et d’avoir un contenu certifié conforme par les sites hébergeurs. Par ailleurs, les longs-métrages traditionnels durent obligatoirement plus de 90 minutes, tandis que les « films de nouveaux médias » sont de tout formats, depuis les microfilms de quelques minutes jusqu’aux longs-métrages de deux heures. Permettant de traiter des sujets originaux à un coût abordable, les « films de nouveaux médias » sont un nouveau filon pour les jeunes cinéastes qui, à l’image de Zheng Hang, souhaitent faire l’étalage de leur talent.

Avant 2013, la plupart de ces films lancés en exclusivité sur Internet étaient des micro-métrages. Certains consistaient en de longues publicités financées par des entreprises, auxquelles participaient des célébrités et des réalisateurs réputés. D’autres prenaient la forme de mini-séries. Mais après 2013, les longs-métrages sont devenus de plus en plus courants sur la Toile.

Pour ce qui est des bénéfices, la majorité des « films de nouveaux médias » dépendent du nombre de vues qu’ils ont enregistrées sur les sites d’hébergement de vidéos. Par exemple, sur le site iQIYI, il est possible de regarder gratuitement les six premières minutes de Salut au bel âge, mes frères. Si le début du film vous plaît, vous pouvez payer pour voir la suite. Habituellement, le coût varie entre 2 et 5 yuans. Zheng Hang affirme : « Aujourd’hui en Chine, de plus en plus de gens sont prêts à débourser quelques yuans pour visionner des films sur Internet. Par exemple, dans le cas d’iQIYI, l’un des principaux portails web en Chine, son service de paiement en ligne affiche une croissance annuelle de 700 à 800 %. Les spectateurs de ces “films de nouveaux médias” sont à 65 % des jeunes Chinois vivant dans des villes de deuxième ou troisième rang. » L’autre moyen pour rentabiliser son film, c’est de trouver un ou plusieurs investisseurs avant le tournage. Mais plus facile à dire qu’à faire, surtout pour une petite production jouée par des acteurs inconnus du grand public.

Un chemin encore long

Au moment de notre interview, Zheng Hang venait tout juste de finir le tournage de son troisième long-métrage, intitulé Sept frères. Ce film d’animation ravivera de nombreux souvenirs d’enfance chez les Chinois nés après 1980. Beaucoup de contenus reflètent également les problèmes réels de notre temps, tels que la corruption. Prochainement, Zheng Hang envisage de produire un thriller. Il indique : « À l’avenir, nous nous efforcerons d’avoir la fibre commerciale. Nous allons chercher des investisseurs pour nous développer de manière plus saine et plus durable », explique-t-il.

De plus, l’équipe de Zheng Hang est en train de négocier une coopération avec une application destinée aux homosexuels. En effet, elle projette de tourner un film traitant de l’homosexualité en Chine. « Notre partenaire espère que l’on pourra réaliser une production sur les gays. C’est un vrai défi pour moi. Rares sont les films chinois qui abordent ce sujet controversé. Néanmoins, il s’agit d’un phénomène de plus en plus courant, qui mérite notre attention. »

Quant à l’avenir des « films de nouveaux médias », Zheng Hang est confiant : « Le marché est immense ; il reste à explorer. Et les Chinois visionnent de plus en plus de films sur Internet. » Aujourd’hui, la Chine compte des centaines d’équipes produisant des « films de nouveaux médias ». Plus de 500 films de ce genre sont mis en ligne chaque année.

De son côté, Zheng Hang poursuit son rêve de « produire des films toujours plus proches de la vie ». Mais il forme également un autre vœu : que ses films soient un jour diffusés sur le grand écran. 

 

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