CHINAHOY

30-October-2015

La Conférence de Paris sur le climat : quel bon vent ?

 

1ère édition de l'Exposition des matériaux de construction, bâtiments et équipements écologiques pour les régions tempérées.

 

La Chine sera partie prenante des discussions de la COP 21. Analyse des enjeux environnementaux et énergétiques de la Chine avant la grande réunion sur le climat.

ZHU ZHU*

La 21e Conférence des Nations unies sur le climat (COP21) se tiendra du 30 novembre au 11 décembre 2015 à Paris. Elle devrait aboutir à un accord sur les enjeux climatiques « global et contraignant » applicable à tous les pays. La Chine se trouve aujourd'hui dans une phase d'industrialisation accélérée et de consommation d'énergie croissante. Comment doit-elle faire pour honorer ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre tout en réalisant un développement accéléré de son économie ? Voilà le défit qu'elle doit relever.

La responsabilité d'un grand pays derrière un engagement solennel

La France, pays hôte, a défini quatre objectifs pour la Conférence : les 196 nations participantes devront s'efforcer d'aboutir à un accord global contraignant pour limiter le réchauffement climatique à 2°C. Tous les pays seront invités à mettre sur la table leurs propositions de contribution nationale aux réductions d'émission de gaz à effet de serre. Les discussions se concentreront également sur les financements et les transferts de technologies. Les acteurs non-gouvernementaux présents à la Conférence seront invités à prodiguer des conseils sur les politiques climatiques.

La Chine assume une responsabilité à laquelle elle ne saurait se soustraire vis-à-vis du changement climatique, et a d'ailleurs pris des engagements devant la communauté internationale.

En juin dernier, le gouvernement chinois a remis officiellement à l'ONU le document Renforcer les actions de lutte contre le changement climatique – contribution nationale chinoise dans lequel il définit ses objectifs pour 2020 et 2030. Premier objectif pour 2020 : réduire les émissions de CO2 par unité de PIB de 40 à 45 % par rapport à leur niveau de 2005 et amener la part des énergies non fossiles à 15 %. Second objectif pour 2030 : atteindre le pic d'émissions de CO2, réduire les émissions de CO2 par unité de PIB de 60 à 65 % et amener la part d'énergies non fossiles à 20 %.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, a salué l'initiative chinoise en soulignant qu'elle a généré une dynamique positive et qu'elle revêt une grande importance pour l'avènement d'un nouvel accord à la Conférence de Paris.

L'ancien vice-président de la Commission nationale du développement et de la réforme Xie Zhenhua, a souligné que les succès obtenus par la Chine dans la lutte contre le changement climatique sont connus de tous : depuis 2005, l'accroissement de la production chinoise d'énergie d'origine hydo-électrique, éolienne et solaire représente 42 % de l'augmentation mondiale totale, en 2014, les émissions de CO2 par unité de PIB ont baissé de 33,8 % par rapport à leur niveau de 2005, soit une réduction de 3,459 milliards de tonnes de CO2, l'intensité carbone a baissé de 15,8 % de 2011 à 2014, l'objectif de 17 % prévu par le XIIe Plan quinquennal pourrait être ainsi atteint avant terme.

« Le document traduit bien les énormes efforts réalisés par la Chine dans la lutte contre le changement climatique, de même que la volonté d'assumer sa responsabilité par une participation à la gouvernance mondiale pour promouvoir le développement commun de l'humanité », a souligné le directeur du Centre de stratégie nationale sur le climat Li Junfeng. « Cependant, nous devons aussi comprendre que la Chine a encore beaucoup de problèmes à régler dans son développement. »

M. Li nous détaille les problèmes auxquels la Chine va avoir affaire : « Pour réduire les émissions de CO2, l'un des problèmes majeurs pour la Chine, est de limiter la consommation de charbon. À l'heure actuelle, l'industrie électrique chinoise représente 50 % des émissions totales de CO2 du pays. Ce pourcentage pourrait s'élever à 70 %, si l'on consommait davantage de charbon pour la production d'électricité. La capacité totale installée des centrales thermiques à charbon est de 960 GW. Si on ajoute 3 à 4 GW de capacités nouvelles, à l'horizon 2030, ces centrales auront en moyenne 15 ans d'âge, ce qui n'est pas vieux pour une centrale. Mais comme la Chine aura atteint son pic d'émissions de CO2 , il faudra choisir entre ces centrales et réduire les émissions. Tout le dilemme est là.

Au même moment, la Chine entrera dans la deuxième phase de son industrialisation. Celle-ci sera caractérisée par la réduction de la consommation d'énergie, tandis que celle consommée par des produits énergivores atteindra son pic. D'autre part, l'accélération de l'urbanisation, la consommation d'énergie par les secteurs du bâtiment et des transports ainsi que la consommation énergétique des ménages maintiendront un taux de croissance élevé.

M. Xie fait remarquer : « Lors de la dernière phase d'industrialisation, l'urbanisation deviendra le principal émetteur de pollution et consommateur de ressources énergétiques. Concernant l'idée directrice de l'urbanisation, la Chine devra adopter le concept du développement bas-carbone, et renforcer une conception intégrale de l'écologie, soutenir l'innovation technique et scientifique, les réformes institutionnelles et consolider ses mesures politiques, afin d'éviter un « effet de blocage à cause du carbone » au cours de l'urbanisation.

 

Mise en service du premier projet de recyclage du CO2 de la Sinapec le 8 octobre 2015, à Puyang au Henan.

 

Une manne favorable aux énergies renouvelables

Lorsque l'on parle de lutte contre le changement climatique, on pense tout de suite aux économies d'énergie et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En effet, l'utilisation des ressources fossiles est limitée par les émissions de CO2. Transformer un modèle énergétique majoritairement basé sur le charbon est un challenge que la Chine doit relever pour être à même de réduire ses émissions de CO2.

Selon le directeur général adjoint du Département des énergies nouvelles et renouvelables de l'Administration nationale de l'énergie Liang Zhipeng, « la consommation annuelle moyenne d'énergie par habitant en Chine devrait atteindre 5 tonnes équivalent charbon (TEC) vers 2050. La demande totale en ressources énergétiques sera de 7 milliards de TEC. Si la transition énergétique n'est pas faite, la consommation annuelle de charbon atteindra alors 6,5 milliards de tonnes, soit le double de la quantité consommée actuellement. Par conséquent, le recours au charbon comme énergie est un mode de développement non durable et écologiquement inacceptable. »

« Nous devons abaisser le niveau de consommation de charbon et augmenter en proportion la part des énergies renouvelables. Il s'agit là d'une considération stratégique pour assurer la sécurité énergétique du pays », nous explique M. Liang.

En 2014, la Chine s'est classée première pour la production d'électricité d'origine renouvelable. La capacité totale des générateurs s'élève à 440 GW, soit 32 % de la puissance installée totale du pays. La production électrique totale est de 1 300 milliards de kWh, soit 23 % du volume total de l'électricité produite en Chine. Les énergies renouvelables représentent 10 % du total de la consommation énergétique.

Dans le document cité plus haut, la Chine a annoncé qu'en 2020 et 2030, la part des ressources non fossiles dans la consommation des énergies primaires s'éléverait respectivement à 15 et 20 %. Une période faste pour les énergies renouvelables.

Selon les prévisions de Li Junfeng, à l'horizon 2030, la demande chinoise en ressources énergétiques atteindra 6 milliards de TEC tandis que la part des énergies renouvelables représentera 20 %, c'est-à-dire 1,2 milliard de TEC. Dans le mix énergétique : le nucléaire représentera 5 %, soit 1 300 milliards de kWh alors qu'aujourd'hui, la Chine ne produit que 120 milliards de kWh. Cela signifie que d'ici là la production d'électricité nucléaire devra décupler. Parallèlement, le solaire et l'éolien atteindront 1 milliard à 1,2 milliard de kWh, alors qu'ils s'élèvent aujourd'hui seulement à 100 millions de kWh. Il devraient donc décupler.

D'après Shi Jingli, chercheuse au Centre des ressources renouvelables de l'Institut de l'énergie relevant de la Commission nationale du développement et de la réforme, « La Chine a avancé l'objectif de 20 % pour les ressources non fossiles à l'horizon 2030. En adoptant des mécanismes et mesures politiques appropriés, on devrait pouvoir développer plus largement l'énergie éolienne et solaire. »

« Si nous voulons atteindre l'objectif fixé pour 2030 concernant les ressources non fossiles, il faut compter sur les énergies éolienne et solaire. La production photovoltaïque, par exemple, devra atteindre au moins 500 millions de kWh C'est une conclusion basée sur une argumentation solide fondée après enquêtes et recherches sur les ressources naturelles, les réseaux de distribution électrique et la capacité de consommation », souligne Mme Shi.

« Le potentiel de l'énergie renouvelable en Chine est considérable. Les ressources éoliennes sont de l'ordre de 7 milliards de kW, et 70 % des régions du pays possèdent des conditions favorables pour la production et l'utilisation de l'énergie photovoltaïque. Nous pouvons donc affirmer que du point de vue des ressources globales, nos ressources renouvelables sont largement suffisantes », indique Liang Zhipeng.

Les économies d'énergie : première « ressource énergétique » pour la Chine

Réduction des émissions polluantes rime avec économies d'énergie. Deux solutions pour surmonter les contraintes énergétiques : varier les sources énergétiques et économiser l'énergie.

« Pour promouvoir la transition énergétique en Chine, il faut veiller en premier lieu à cultiver le concept selon lequel les économies d'énergie sont la première ressource énergétique, qui signifie donc la multiplication des ressources. Nous devons toujours mettre en avant les économies d'énergie dans notre stratégie énergétique », nous explique Feng Liang, vice-conseiller du Département de l'environnement et des ressources naturelles de la Commission nationale du développement et de la réforme.

D'après Xie Zhenhua, « la Chine a obtenu des résultats notables dans le domaine de la réduction des émissions polluantes et des économies d'énergie grâce à l'adoption d'une série de mesures et la mise en place d'expériences pilotes : l'optimisation des structures industrielles et du mix énergétique, la mise en pratique d'une politique d'économie d'énergie dans l'industrie, le bâtiment, les transports la consommation des ménages, et enfin la protection et la régénération de l'environnement notamment par la plantation de forêts pour séquestrer le carbone.

Selon les statistiques de la Commission nationale du développement et de la réforme, l'objectif concernant les économies d'énergie défini par le XIe Plan quinquennal a été atteint. Par conséquent, la consommation d'énergie par unité de PIB a baissé de 13,4 % sur les 4 premières années du XIIe Plan quinquennal, soit une économie de 600 millions de TEC, tandis que le coefficient d'élasticité de la consommation d'énergie a baissé de 1,04 du Xe Plan quinquennal à 0,53 pendant les 4 premières années du XIIe Plan quinquennal.

Un certain nombre de problèmes concernant la consommation énergétique persistent en Chine : le concept d'économies d'énergie n'est pas encore enraciné dans tous les esprits, et l'idée des économies d'énergie dans la stratégie globale chinoise est loin d'être la priorité dans tous les secteurs d'activité du pays. L'efficacité en matière d'énergie reste faible, les secteurs énergivores hautement polluants occupent encore une part trop importante de l'économie. Les industries émergentes d'importance stratégique et à forte valeur ajoutée doivent se développer plus rapidement qu'auparavant. La reconversion écologique, indispensable pour les économies d'énergie et le contrôle automatique de la consommation d'énergie, doit être améliorée. Les modes de consommation énergétique restent extensifs. Enfin, les mécanismes d'encouragement et de contrainte restent peu efficaces pour pousser les entreprises et les consommateurs à économiser l'énergie de leur propre chef.

D'où la nécessité, selon Feng Liang, de mener une transition énergétique en profondeur au niveau des concepts, de l'efficacité des modes de consommation et du régime de gestion des économies d'énergie.

« Nous devons contrôler le volume global de la consommation énergétique. Pour cela, il faut réduire le gaspillage énergétique et appliquer le principe de la priorité aux économies d'énergie tout en incitant aux économies d'énergie dans tous les secteurs d'activité ainsi que dans tout le processus du développement socio-économique. Il est également capital de procéder au réajustement des structures industrielles. Bien sûr, accorder une haute attention aux économies d'énergie dans l'urbanisation pour accélérer l'avènement d'une société économe en ressources », conclut Feng Liang.

 

*Zhu Zhu est responsable de communication à China Merchants New Energy Group.

 

 

La Chine au présent

Liens