CHINAHOY

30-July-2014

Virage écolo à Wuhan

 

Le système de récupération des eaux pluviales dans le quartier Baibuting.

 

DANG XIAOFEI, membre de la rédaction

Faire du savon avec de la graisse de cuisine, récupérer l'eau de pluie pour l'arrosage des plantes, transformer une usine de ciment très polluante en une unité de production verte, réduire la quantité de déchets et le volume d'énergie utilisé par les usines métallurgiques… Ces tendances ont le vent en poupe dans la ville de Wuhan, en Chine du Centre, où le gouvernement local, les entreprises et les simples citoyens combinent leurs efforts pour transformer la ville en une zone à faible émission de carbone.

Des quartiers verts

Yang Guangjie, responsable du comité des résidents du quartier de Baibuting, montre au reporter comment faire du savon maison en récoltant de la graisse dans la hotte aspirante de sa cuisine. Après avoir mis cette mixture dans un moule, il explique : « Ça se solidifie en trois jours puis il faut le faire sécher au soleil 15 jours. » Le savon ainsi obtenu est plus alcalin et a donc de plus grandes vertus nettoyantes. Tous les gens qui habitent ici aiment ces savons », dit Yang.

Yang a commencé à produire ce type de savon en 2009, inspiré par ses voisins qui se plaignaient que la masse de matière graisseuse marron qu'ils récoltaient en nettoyant leurs hottes aspirantes bouchait souvent leurs canalisations et polluait l'environnement. Il a lu un jour un post sur internet qui parlait de savon fabriqué à partir d'huile de cuisson et il s'est demandé si la graisse des hottes aspirantes conviendrait aussi. Après une vingtaine d'expérimentations, il a réussi.

« Depuis 2010, notre communauté a réussi à collecter 400 à 500 kilos de graisse de cuisson tous les ans. Chaque kilo peut produire 1,5 kilo de savon, c'est à dire une production annuelle de plus de 600 kilos. » Yang est fier du fait que pour les habitants du quartier la norme soit désormais de récupérer leur graisse de cuisson et de l'échanger plus tard contre des savons fabriqués par le comité des résidents. « Wuhan compte plus de 10 millions d'habitants – plus d'un million de foyers. On estime à 5 kilos la quantité de graisse de cuisson générée par chaque foyer. Si on pouvait récupérer tout ça et le recycler entièrement, cela pourrait grandement améliorer notre environnement », conclut-il.

Habitant dans le même quartier, Li Yuanyan, 60 ans, s'attache à utiliser au maximum l'eau de pluie dont Wuhan ne manque pas. Il a inventé il y a 7 ans un système de récupération des eaux de pluie qui peut se substituer à la consommation de 200 tonnes d'eau du robinet par an.

Li est le secrétaire général de l'association locale de la flore. Il vit dans un appartement situé au dernier étage d'un immeuble, sous une terrasse de 100 mètres carrés où il fait pousser presque 1 000 plantes en pots. « Depuis que j'ai installé le système de récupération des eaux de pluie, ma facture d'eau est passée à moins de 10 yuans par mois. Au début, l'entreprise de distribution d'eau pensait que je trafiquais mon compteur », s'amuse-t-il.

Après avoir subi quelques modifications, son invention s'est étendue au voisinage. à ce jour, 320 foyers du quartier ont installé ce système, recyclant 60 000 tonnes d'eau de pluie par an.

Le concept de mode de vie écologique est rentré dans les mœurs de la plupart des résidents de Baibuting. Li Fang, une autre habitante du quartier, trie consciencieusement les poubelles de sa famille avant de les jeter dans les containers de recyclage appropriés, en s'assurant que les piles usagées terminent dans le container spécial qui se trouve à l'entrée de la résidence. « Je fais attention à mon usage d'électricité et d'eau et réutilise les sacs plastiques le plus longtemps possible », dit-elle.

Wuhan a aujourd'hui adopté les théories et pratiques écologiques qui ont d'abord été utilisées pour planifier et construire les nouvelles zones résidentielles. « Nous utilisons en priorité les technologies vertes, celles qui nous permettent de réduire notre consommation d'énergie comme l'exploitation de sources géothermiques et de l'énergie solaire, la réutilisation des eaux de pluie et la création de zones humides artificielles », explique Fang Yu, qui est à la tête du bureau général du comité des résidents du quartier de Baibuting. Néanmoins, les coûts de construction de ces immeubles écologiques sont supérieurs de 200 à 300 yuans par mètre carré par rapport à un « immeuble normal ».

Aujourd'hui, environ 20 % des immeubles du quartier sont équipés de pompes à chaleur géothermiques qui régulent la température des appartements grâce à la circulation de l'eau et la différence de température entre l'eau pompée sous le sol et la température extérieure en hiver et en été. Selon Fang, ces pompes sont 20 % plus efficaces, en termes d'économie d'électricité, que les climatiseurs.

Révolution dans l'industrie du ciment

L'usine Huaxin Cement Co., Ltd de Wuhan est composée de jolies tonnelles parsemées de bâtiments gris, et ressemblerait presque à un parc. Cet environnement agréable dégage un fort contraste avec ce qu'il y avait ici un an auparavant : des petits bâtiments décrépis crachant des volutes de fumée noire dans le ciel. Le bruit et la suie rejetée par l'usine étaient si inconvenants que les résidents proches n'ouvraient que rarement leurs fenêtres dans l'année. « Aujourd'hui, il n'y a plus de fumée et très peu de bruit, pas plus que ce que l'on entendrait au bord d'une route », dit Shu Changxue, 73 ans, qui a vécu dans le quartier, à 100 mètres de l'usine, durant presque 50 ans.

Huaxin, le porte-drapeau de l'industrie cimentière de la province du Hubei, a su changer l'image traditionnellement « sale » de ce type d'industrie en supprimant progressivement les équipements et technologies obsolètes, en fermant les vieux fours et en intégrant de nouvelles technologies.

« Nous avons fermé trois fours à voie humide dans la ville de Huangshi car la technique de ''wet-process'' est très énergivore », dit Han Qianwei, vice-directeur de la division production et management de l'entreprise.

Parallèlement à l'élimination de techniques obsolètes et de certains procédés, de nouvelles technologies ont été intégrées. « Nous produisons de l'électricité grâce à la chaleur rejetée par les fours à ciment ce qui a permis de réduire notre consommation d'énergie d'un tiers », ajoute Han. Huaxin a aussi rénové des moteurs électriques à haut et moyen voltages afin d'améliorer l'efficacité générale.

Une autre percée technologique a été le remplacement du charbon par les ordures domestiques comme source de combustible. À ce jour, sept des fours à ciment de Huaxin ont adopté cette technique. « Incinérer des déchets solides pour s'en servir comme combustible est un type propre d'élimination des déchets qui ne génère pas de pollution », explique Han, « C'est dans cette direction que la production cimentière ira dans le futur. Éliminer les déchets tout en faisant baisser ses émissions de carbone. » Selon M. Han, cette technique pourrait générer d'énormes avantages économiques et sociaux si elle est étendue à tout le pays. « Si toutes les cimenteries du pays appliquaient cette technique, disons pour un quart de leur production annuelle, 100 tonnes de déchets seraient éliminées chaque année en remplacement de l'usage de 13 millions de tonnes de charbon standard et 157 millions de tonnes de dioxyde de carbone en moins seraient rejetées dans l'air. »

Grâce à toute une série de mesures vertes, comme l'incinération des déchets, Huaxin a diminué sa consommation de charbon de 80 000 tonnes et ses émissions de dioxyde de carbone de 200 000 tonnes entre 2011 et 2013.

Il y a 65 lignes de production de ciment dans le Hubei, dont 27 appartiennent aux quatre premières enterprises de la province. À ce jour, 35 entreprises produisant du ciment ont été assujetties au système de quota d'émission de carbone. Depuis 2011, la province a progressivement fermé les infrastructures de production obsolètes, réduisant la production totale de 6,91 millions de tonnes.

« L'industrie du ciment est très énergivore. Réduire son empreinte carbone ne peut se faire que par des avancées technologiques et un meilleur management », note Tian Qi, responsable de la division de lutte contre le changement climatique de la Commission de développement et de réforme de la province du Hubei.

Renaissance de l'aciérie de Wuhan

Wuhan est la ville où est installé le Wuhan Iron and Steel Corporation, un des plus gros producteurs d'acier de Chine. Parallèlement à sa contribution aux caisses locales, l'entreprise était aussi le plus grand pollueur de la province. Durant de trop longues années, huit grandes cheminées crachant une fumée jaunâtre étouffante à longueur d'année ont dominé le paysage urbain de Wuhan. Chaque courant d'air apportait dans la ville une acre odeur de soufre. Les habitants de la ville disaient en rigolant que même les moineaux qui survolaient la ville se retrouvaient couverts d'un manteaux de crasse.

Les choses sont différentes aujourd'hui. Depuis 2010, Wuhan Iron and Steel a investi 1,5 milliard de yuans ou plus chaque année dans les domaines de l'économie d'énergie et de la réduction des émissions. La chaleur résiduelle est capturée pour générer de l'électricité et les eaux usées sont recyclées. Ainsi le volume d'énergie généré par la récupération des « déchets » dépasse le volume consommé dans le processus de production. Wang Xibin, sous-directeur de la bourse du marché du carbone du Hubei, ainsi que de la division de planification du développement de Wuhan Iron and Steel, voit les dépenses engagées dans les domaines de l'économie d'énergie et de la réduction des émissions comme un investissement qui sera récompensé par des économies de coûts.

Ces dernières années, l'entreprise a lancé une campagne de reboisement dans les alentours de ses usines, étendant de 3,73 km² le paysage vert. Des recherches ont montré que les forêts avaient un puissant effet refroidissant sur les zones urbaines, faisant perdre aux températures estivales jusqu'à 5,64°C.

Wuhan Iron and Steel a été enregistré à la bourse du marché du carbone du Hubei au mois d'août 2013 et a ensuite créé une section spéciale pour gérer ses « biens carbone ». « Nous travaillons aussi au développement du Chinese Certified Emission Reduction (CCER) », dit Wang.

Huit des 25 producteurs d'acier et de fer du Hubei ont adhéré au système de quota des émissions de carbone. Depuis 2011, la province a réduit de 3,61 millions de tonnes ses capacités de production d'acier obsolètes. « Le gouvernement provincial a créé un fonds de 20 millions de yuans dédié au développement écologique bas carbone afin de financer des projets expérimentaux dans ce domaine. Toutes les entreprises ayant des programmes d'économie d'énergie et de réduction des émissions polluantes sont qualifiées pour toucher des subventions de ce fonds », déclare Tian Qi.

 

La Chine au présent

Liens