CHINAHOY

1-June-2015

L’alimentaire « made in France » : bientôt en Chine ?

 

En France comme en Chine, la gastronomie est une « pièce de choix », que les peuples sont fiers de présenter aux autres pays. Il existe déjà des groupes, comme les Maisons Sud-Ouest France, qui promeuvent les produits du terroir français en Chine. Mais la demande est-elle au rendez-vous ?

 

 

ANAÏS CHAILLOLEAU, membre de la rédaction

 

En décembre 2013, après six années de négociations, le ministre délégué à l’Agroalimentaire Guillaume Garot avait annoncé avec enthousiasme : « Je viens de signer, avec les autorités chinoises de la quarantaine un protocole, qui est la dernière étape avant l’agrément des entreprises françaises de charcuterie ». En mars 2014, trois groupes de l’Hexagone avaient obtenu l’autorisation tant attendue : Delpeyrat pour le jambon de Bayonne, Brocéliande (groupe Cooperl) pour le jambon cuit et la PME Sacor (Bastides Salaisons) pour le saucisson sec. « Cette publication constitue une excellente nouvelle à un moment où le secteur agroalimentaire français mène une bataille à l’export et où le marché chinois constitue une opportunité pour de nombreuses entreprises », s’était alors félicité Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture.

 

La France exporte majoritairement vers la Chine des produits aéronautiques et nucléaires. Mais tandis que la Chine souhaite de plus en plus concevoir et fabriquer de manière autonome ses nouvelles technologies, tout en mettant l’accent sur la consommation intérieure, l’Hexagone cherche à exporter son « art de vivre », si loué à l’étranger. Après avoir déversé des litres de vin sur le marché chinois, elle compte y acheminer des marchandises alimentaires encore plus symboliques de sa culture, de ses valeurs, de ses terroirs.

 

C’est dans ce contexte qu’ont été créées les Maisons Sud-Ouest France (MSO).

 

 

Le développement des Maisons...

 

« Les MSO sont un moyen de proposer les produits sous une bannière commune et de les mettre en valeur dans un environnement dédié », résume Magali Bladier, coordinatrice des MSO, dont le siège est situé à Bordeaux. L’objectif est ainsi de rassembler les producteurs locaux autour d’une identité commune pour leur faciliter l’accès au marché chinois, relativement complexe. Essayer de distribuer ses produits seul sur un marché aussi éloigné, géographiquement et culturellement, serait une gageure pour un agriculteur ou un éleveur. « L’union fait la force » comme le dit le proverbe ! « Les MSO apportent aux producteurs un appui logistique, puisque les produits sont achetés sur place, et également un soutien dans leur démarche export (documentation nécessaire, conseils, etc.). Un de nos principaux avantages est que nous assurerons un paiement à la commande, ce qui est très rassurant pour les producteurs », ajoute-t-elle.

 

Cette bannière MSO, fondée en 2012 sur l’initiative des régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, est également une aubaine pour les consommateurs chinois ciblés, c’est-à-dire les « cols blancs urbains ayant un intérêt pour l’art de vivre à la française ». Dans un pays régulièrement touché par des scandales alimentaires et souffrant de la contrefaçon, les MSO leur assurent de vendre uniquement des produits bénéficiant d’un signe d’authentification de qualité et d’origine (AOC, AOP, IGP, Label Rouge, AB). Ainsi, la bannière MSO s’érige en marque de haute qualité, pour fidéliser cette clientèle chinoise.

 

Alors, plus concrètement, comment fonctionne le dispositif ? Un producteur du Sud-Ouest de la France qui souhaite exporter ses marchandises vers la Chine n’a qu’à s’inscrire sur le site des MSO et renseigner les informations sur ses produits certifiés. « Nous demandons une maigre cotisation annuelle de 100 euros par an, précise Magali Bladier. Nous sommes un organisme d’intérêt public : nous ne sommes pas là pour faire de l’argent ! » Le réseau MSO se charge alors de traduire en chinois les fiches produit. Voilà ! le produit est intégré au catalogue des MSO. Il suffit d’attendre qu’une grosse commande tombe pour qu’un lot de marchandises soit expédié vers la Chine.

 

Les commandes, ce sont des entreprises chinoises qui se chargent de les passer. Bien que le réseau MSO soit né d’une volonté française, il fonctionne en étroite collaboration avec des firmes chinoises. Magali Bladier explique : « Ce sont des entreprises chinoises qui financent les structures de vente en dur installées en Chine. Elles connaissent mieux le marché local. Elles sont donc plus à même de sélectionner les produits qu’elles souhaitent distribuer et de voir lesquels plaisent le plus. » La toute première Maison a ouvert ses portes en juillet 2013 à Wuhan (ville du Hunan jumelée avec Bordeaux), en partenariat avec une filiale de China Tobacco ; très vite, un comptoir (de surface plus petite) a suivi en septembre 2014. Puis, 3 Maisons et 2 Comptoirs ont été établis à Chengdu (province du Sichuan), en partenariat avec le groupe chinois Senyu.

 

Aujourd’hui, les MSO, en quelques chiffres, c’est : 4 maisons, 3 comptoirs et 1 site e-commerce (Beexi) ; 160 entreprises actives ; un catalogue de plus de 500 produits ; et des commandes s’élevant à 1,3 millions d’euros. « Les MSO continuent de se développer sur le marché, avec des ouvertures prévues à Chongqing et à Lijiang (province du Yunnan). Un développement à Beijing est également envisagé », nous fait savoir Magali Bladier.

 

...gêné par divers obstacles

 

D’apparence, les MSO semblent une belle initiative porteuse de plusieurs promesses : le renfort de la coopération sino-française, une nouvelle source de revenus pour le secteur agroalimentaire français, ainsi que la diffusion des traditions françaises vers le continent asiatique...

 

Mais il ne faut pas crier victoire trop vite... Des difficultés persistent, à commencer par les règles à l’export. Magali Bladier affirme que de nombreuses restrictions ont été mises en place par les autorités chinoises : « 90 % des produits du Sud-Ouest ne sont pas exportables à vrai dire, comme le piment d’Espelette par exemple. À notre niveau, nous ne pouvons pas négocier. L’ambassade fait un peu de lobbying pour débloquer la situation, mais tout se joue plus haut. » Les autorisations délivrées récemment aux trois entreprises françaises de charcuterie représentent déjà une percée, peut-être le signe aussi que la Chine est disposée à rééquilibrer sa balance commerciale avec la France, et plus largement l’Europe. Mais il est encore trop tôt pour dire si d’autres démarches en ce sens suivront.

 

Toutefois, soulignons que la consommation de viande en Chine est en augmentation constante, notamment celle de porc (elle a quadruplé selon le US Agriculture Department). Dans ce secteur, il existe une grande variété de produits français de haute qualité, et donc, des opportunités en attente. À noter tout de même que l’Italie et l’Espagne importent déjà depuis plusieurs années en Chine leurs respectifs jambon de Parme et saucisson, des voisins qui risquent de faire un peu d’ombre à l’Hexagone dans le domaine de la charcuterie.

 

Dans ce contexte, la grande majorité de l’offre des MSO concerne les vins, dont la région bordelaise recèle. Mais tout de même, il est dommage que les consommateurs chinois passent à côté de tout ce que le Sud-Ouest français a à lui offrir : foie gras, armagnac, jambon de Bayonne pruneaux d’Agen, noix du Périgord, volailles fermières des Landes, bœuf gascon, tomme des Pyrénées, roquefort, melon du Quercy, cassoulet, confit de canard et j’en passe…

 

Mais ces délices font-ils véritablement envie aux Chinois ? « Hormis les vins et le foie gras, ces produits du terroir sont très peu connus en Chine, puisqu’ils ne sont pas exportés », rappelle Magali Bladier. Bien que généralement curieux des « nouveautés » venant de l’étranger, il ne faut pas oublier que les Chinois n’ont pas reçu la même formation au goût que les Français. Ainsi, le fromage est-il difficile à digérer pour la plupart... « Lors de la Foire de l’Ouest à Chengdu en octobre dernier, nous avions un stand de promotion sur lequel nous proposions une dégustation de roquefort et du fromage de brebis Ossau-Iraty. Beaucoup de personnes ont fait un peu la grimace en goûtant, puis ont recraché les produits », avoue-t-elle. D’ailleurs, un article de l’AFP ironisait, constatant qu’il serait difficile de vendre du pâté et du fromage dans un pays où l’on mange très peu de pain...

 

En conclusion, les retombées économiques ne sont pas pour tout de suite... Certains prédisent un bel avenir à la filière porcine et à l’épicerie sucrée françaises en Chine, mais il faudra d’abord que les Chinois aient l’occasion de goûter les produits, de trouver avec quoi les marier et d’y habituer leur palais. Patience, donc...

 

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