CHINAHOY

1-June-2015

Un acteur hollywoodien à Beijing

 

Marc Goodman est acteur en Chine et vit des films et séries-télé auxquels il participe. Il nous raconte comment il est devenu acteur et nous fait part de sa vision du cinéma et des séries-télé en Chine.

 

SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction

 

 

L’idée de faire du cinéma était évidemment venu tôt à Marc Goodman, il prenait d’ailleurs des cours d’acting à l’université de Californie à Los Angeles. Mais sa mère, consciente de la difficulté de se faire une place dans ce milieu, l’encourage plutôt à des études d’économie internationale. Au début, Marc étudie la zone euro, puis peu à peu, s’intéresse à la Chine et se met au chinois, par passion pour les arts martiaux et un intérêt grandissant pour la culture chinoise. Il part en Chine en 2004 à Shenyang et est aujourd’hui installé à Beijing où nous le rencontrons.

 

Une carrière déjà bien lancée

 

On pourrait croire que venir de West Hollywood, banlieue de Los Angeles où vivent beaucoup d’acteurs américains, a scellé le destin de Marc Goodman. Mais en réalité, c’est en Chine que celui-ci a eu pour la première fois l’occasion de tourner une série-télévisée. C’était en 2006. À l’époque, Marc était à Shenyang dans la province du Liaoning pour apprendre les arts martiaux chinois. Une production l’a recruté pour un tournage et il a rencontré par la même occasion un acteur américain installé en Chine qui lui a donné envie de continuer sur cette voie.

 

Après avoir décidé de se lancer dans le métier d’acteur, il est parti s’installer à Beijing, et a parfait son chinois à l’université Tsinghua. Il participe alors à des tournages de petites productions, documentaires ou encore spots publicitaires. Il tourne par la suite dans une dizaine de séries-télé chinoises, des films produits notamment par la grande société de production Huayi Brothers Media Group et obtient même un premier rôle dans un film ! En 2011, il tourne son premier film : Tai Chi I, une production de Huayi Brothers réalisée par Sammo Hung, grand ami de Jacky Chan. Il obtient également le premier rôle dans le film Sparkling Cocktail. Marc a récemment participé au tournage de la série-télé Une famille de Wenzhou réalisée par Kong Sheng, un des meilleurs réalisateurs de feuilleton chinois. Une partie de l’action se passait d’ailleurs à Marseille. La série a fait un carton en Chine.

 

Un style de vie…

 

Être acteur en Chine se résume à accepter un choix de vie différent culturellement et professionnellement. « Le salaire n’est pas stable et on n’est pas sûr d’avoir quelque chose à tourner dans le mois. Mais si on est assez connu, qu’on connaît du monde, c’est assez simple de trouver des rôles et d’être bien payé », décrit Marc. Bien gérer son temps est également très important, puisqu’il faut participer souvent à des activités de réseautage à la chinoise type karaoké KTV, repas ou encore soirées à jouer aux dés en buvant dans les bars pour rencontrer les gens, trouver des opportunités de travail.

 

« Cette culture de la relation est vraiment différente des États-Unis où c’est plutôt l’agent qui joue ce rôle. Ici, en Chine, c’est l’acteur lui-même qui doit faire sa pub et se faire connaître pendant les soirées. En même temps, le nombre d’acteurs étrangers professionnels qui ont un agent et sont sous contrat en Chine est autour d’une centaine, ça ne fait pas grand monde. Cela nous permet quand même d’avoir à peu près tous du travail », nous explique Marc.

 

Son expérience de la Chine et sa maîtrise du chinois lui donnent également une capacité d’adaptation que certains autres acteurs étrangers n’ont pas forcément : « Parler chinois est un réel avantage pour jouer avec les acteurs chinois et dialoguer avec le réalisateur. Si, comme certains acteurs étrangers professionnels en Chine, je leur parlais en anglais et qu’ils me répondaient en chinois, le résultat serait moins vrai et j’aurais certainement plus de difficultés à faire ce que me demande le réalisateur », nous explique-t-il.

 

… et de travail bien différents

 

 « Un tournage chinois c’est vraiment autre chose qu’un tournage américain. En Chine, on commence le matin super tôt et on finit le soir super tard. Parfois dix heures, voire plus, de travail en une journée et ce, sur plusieurs mois », fait remarquer Marc. Le rythme est donc harassant. « En général, quand j’ai fini un tournage, je suis tellement crevé que je passe deux semaines sans voir personne chez moi à lire ou à regarder des films, tellement j’ai besoin de repos et de solitude », nous confie celui-ci.

 

La vitesse à laquelle se déroule le tournage influence aussi beaucoup sur la façon de jouer et de travailler des acteurs et de l’équipe de tournage. « En général, les scènes ne sont tournées qu’une fois, ce qui veut dire que l’acteur doit être super-réactif comparé aux États-Unis où l’on répète beaucoup avant d’allumer la caméra. Ici, tout est sur le vif, dans le feu de l’action, c’est très éprouvant en même temps que c’est un vrai défi pour l’acteur », raconte Marc.

 

Le script des scènes arrive souvent au jour le jour, car il est modifié en permanence. Marc avoue : « C’est parfois infernal, parce que je dois vérifier le vocabulaire en chinois que je ne connais pas dans le dictionnaire, réfléchir au rôle, m’entraîner à jouer en chinois et quand on me change le script au dernier moment, tout ce travail est à refaire… »

 

Certains acteurs étrangers perdent patience sur les tournages chinois à cause de ce genre d’imprévus. Mais pour Marc, c’est monnaie courante : « Cela est lié au peu de temps que les producteurs ont pour préparer le tournage en amont et au fait qu’il faut que celui-ci aille vite pour économiser le maximum d’argent pour payer tout le monde. Donc oui, c’est embêtant, mais quand on en connaît les raisons, on s’adapte », ajoute-t-il simplement.

 

Vite fait ! Bien fait ?

 

« Ce rythme effréné des tournages est un défi pour les acteurs et les techniciens qui leur apprend la souplesse et la réactivité, mais cela influe aussi sur la qualité de la production. Souvent, les acteurs chinois se forcent pour jouer alors qu’ils n’ont pas trouvé le feeling et ça se voit à l’écran, surtout quand ils pleurent, ils font des grimaces. Alors quand on pleure vraiment, on n’a pas besoin de grimacer, ça coule tout seul. Mais ils n’y peuvent rien, ils n’ont pas le temps de se préparer pour bien rentrer dans le rôle. Leur façon de jouer est parfois un peu formatée à cause du fait qu’ils n’ont pas le temps ni l’occasion de s’entraîner, d’explorer de nouveaux sentiments » , nous explique Marc.

 

Un ami chinois de Marc a d’ailleurs créé un atelier d’acting à Beijing pour justement pallier à ce problème. Lui et ses amis acteurs s’entraînent en improvisant, en jouant des rôles qu’ils n’ont pas souvent l’occasion de jouer pour explorer de nouvelles dimensions de jeu. « Un acteur étranger en Chine ne peut pas jouer beaucoup de rôles différents. En général, on joue le soldat américain, le patron de multinationale, le touriste ou encore l’étudiant étranger en Chine. Donc pour diversifier les rôles, on joue dans des petites productions à Hollywood en plus de la Chine pour varier les rôles. À l’atelier, on s’autorise à jouer des rôles qu’on ne jouerait d’ordinaire jamais en Chine. »

 

Le niveau professionnel de l’équipe de tournage et des partenaires avec qui Marc doit jouer influe aussi beaucoup sur la façon de jouer et la qualité du film ou de la série-télé.  « Si l’équipe fait bien son travail, le réalisateur est sérieux et prend à cœur son travail, c’est très agréable et le rendu est bon. Sinon, ça donne l’impression d’être bâclé. Je sais que mes exigences sont souvent trop hautes pour les Chinois. Je demande souvent à rejouer une scène où j’ai l’impression d’avoir pas tout donné, mais le réalisateur n’accepte que très rarement. En fait, ce que les Chinois aiment regarder c’est surtout l’histoire, les péripéties, le jeu des acteurs n’est pas forcément ce qui intéresse le plus les spectateurs », conclut Marc avec philosophie.

 

 

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