CHINAHOY

1-June-2015

À la découverte de la médecine chinoise

 

 

ANAÏS CHAILLOLEAU et ANNE-SOPHIE BADY*

 

 

Deux filles occidentales + un médecin traditionnel chinois = deux mondes qui se confrontent pour une discussion captivante. Extrait.

 

 

«Petit, je voulais devenir policier. Policier ou Zorro, pour attraper les méchants et lutter contre le mal ! » confie Song Baishan. Aujourd’hui, ce sont plutôt les maux qu’il combat chaque jour. En effet, à l’instar de son père et de son grand-père, notre ami est devenu un professionnel en médecine traditionnelle chinoise (MTC). Il exerce aujourd’hui à l’Hôpital de Dongzhimen, l’un des cinq plus réputés de Beijing.

 

 

Une longue quête

 

Il nous raconte qu’après son gaokao (concours national d’accès à l’éducation supérieure), il a suivi un cursus intégrant MTC et MO (médecine occidentale) à l’Institut de MTC du Shandong. Son diplôme en poche, il a commencé à soigner ses premiers patients. Privilégiant au début la MTC, il en a vu les limites et s’est donc tourné vers la MO. Mais bien vite, il s’est rendu compte que la MO n’était pas plus efficace, car elle traitait les symptômes de la même façon chez tout le monde, écartant la possibilité de procéder au cas par cas.

 

« Il est très difficile d’exceller en MO ; mais devenir un maître en MTC l’est encore plus, car c’est toute une philosophie qu’il convient d’assimiler », explique une collègue de Song Baishan. De plus, la MTC, qui remonterait à 3 000 ans environ avant J.-C., a développé ses propres termes et concepts, complexes tant à expliquer qu’à traduire. Dans la théorie, la MTC recherche l’équilibre du qi (parfois traduit comme « énergie vitale »), qui circule entre nos « cinq organes » (wuzang) et nos « six entrailles » (liufu), reliés entre eux par des canaux appelés « méridiens ». Une synthèse déjà difficile à intégrer lorsque l’on a toujours été confronté aux sciences occidentales plus cartésiennes.

 

Mais loin d’abandonner face à l’effort, Song Baishan s’est consacré encore plus intensément à l’étude de la MTC, notamment à travers la lecture de classiques recommandés par son père : le Classique interne de l’empereur Jaune, qui portent sur les théories médicales et l’acupuncture ; et le Shanghanlun : Traité des coups de froid, qui s’intéressent davantage à la pharmacopée chinoise.

 

Aujourd’hui, après 23 ans de carrière, Song Baishan est devenu un maître de MTC et recourt de plus en plus rarement à la MO. « C’est un très bon médecin ! » nous assure sa collègue. Lui nous raconte l’une de ses réussites : « Un nourrisson d’une quarantaine de jours séjournait à l’hôpital avec une fièvre atteignant 40°C. Les médecins ne parvenaient pas à le soigner et proposaient aux parents de faire transférer leur enfant dans un meilleur établissement. Mais sur les conseils d’un membre du personnel soignant, ils sont venus me consulter. Je lui ai prescrit des médicaments à base de plantes, et dès le lendemain, sa température était revenue à la normale. Les parents n’en revenaient pas ; ils s’attendaient à une recrudescence de la fièvre. Mais non : leur petit était définitivement guéri ! Après cela, ils étaient tellement heureux qu’ils m’ont couvert de cadeaux. »

 

 

Tous les remèdes sont dans la nature

 

Pour Song Baishan, les êtres humains, nés de la nature et retournant à la nature, peuvent en toute logique se soigner par la nature. Il considère que toute affection, même grave, possède un remède quelque part dans notre environnement : il suffit simplement de le trouver ! Mais tout comme les éléments naturels qui nous entourent sauraient nous soigner, ils ont, selon lui, une influence continue sur nous. Il compare notre sang à la mer, qui contient des composés identiques, et nous demande pourquoi la lune, qui agit sur les marées, n’aurait-elle pas une influence sur notre corps et notre esprit ?

 

Cette conception du monde renvoie au principe même de la MTC, qui considère l’ensemble plutôt que le particulier. Ainsi, la MTC recherche les causes des maladies au-delà de leurs symptômes. Song Bai-shan explique : « Généralement, la MO s’applique à apaiser la douleur. Pourtant, la douleur est un phénomène naturel : c’est votre corps qui vous prévient que vous avez un problème. Il convient alors d’extirper les racines profondes de ce problème, pas simplement d’en atténuer les effets. »

 

Il affirme qu’en Chine, dans les hôpitaux de MO, les patients atteints d’un rhume sont systématiquement mis sous perfusion et « recouverts » de glaçons pour faire tomber la fièvre. Une grave erreur selon notre médecin chinois : « À l’inverse, la MTC recommande dans un tel cas une concoction aux plantes médicinales bien chaude, pour que le patient transpire pendant deux bonnes heures et expulsent ainsi la maladie par les pores. La fièvre n’est pas mauvaise en soi : elle est la preuve que vos anticorps œuvrent à combattre la maladie. Il faut les soutenir, pas les empêcher de faire leur travail. La toux est également un symptôme des plus utiles : elle permet l’expectoration des microbes. »

 

Une thérapeutique moins risquée

 

Song Baishan ne dénigre pas la MO pour autant. Il est conscient qu’il est parfois préférable de réagir vite, par une opération par exemple. Toutefois, les risques de récidive sont plus importants. Il prend l’exemple des calculs biliaires : « Si vous ne savez pas pourquoi ils se forment, alors il est probable qu’ils reviendront. Et vous passerez donc plusieurs fois sur le billard, une solution agressive qui peut laisser des séquelles sur votre organisme. »

 

Selon lui, la MTC est aussi moins risquée que la MO, car plus naturelle. La MO fait appel à des concentrés chimiques, souvent pourvus d’effets secondaires. À base de plantes, les médicaments traditionnels chinois sont plus doux. Même mal utilisés ou mal prescrits, ils ne sauraient faire autant de tort que les comprimés occidentaux. Les dangers peuvent s’avérer toutefois plus élevés avec l’acupuncture, dans le cas de l’utilisation d’une aiguille contaminée ou d’une erreur du médecin lors de l’insertion. Précisons que les aiguilles sont censées être à usage unique. « Malheureusement, il existe des charlatans partout, en Chine comme en Occident. Ils font du tort à la profession. » Il cite l’exemple de Zhang Wuben, médecin autoproclamé, à la source d’un scandale révélé au grand jour en 2010.

 

Il ajoute que la pharmacopée chinoise et la pratique de la MTC en général sont très réglementées, notamment par l’Autorité de surveillance et de contrôle de l’alimentation et des médicaments et le ministère chinois de la Santé. Dès qu’un produit entraîne des répercussions néfastes, il est retiré de la vente.

 

Passionné, Song Baishan pourrait ainsi défendre corps et âme, durant des heures, l’efficacité et l’innocuité de la MTC. Il aimerait d’ailleurs diffuser cette médecine, philosophie, art, à travers le monde. Certains étrangers viennent le consulter, mais ils sont généralement plus attirés par les traitements plus « exotiques » : acupuncture, moxibustion, massage tuina... Song Baishan souhaiterait qu’ils prennent conscience du pouvoir des plantes, « médicaments purs » que nous a légués la nature.

 

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