CHINAHOY

27-April-2015

Sangpo et sa carrière d'entrepreneur

 

Le yaourt fabriqué par la coopérative.

 

« Toujours suivre son rêve » : c'est certainement la leçon que l'on tire du récit de vie de ce jeune Tibétain.

LI GUOWEN, membre de la rédaction

À une heure de voiture de Lhassa, dans le bourg de Yangbajain du district de Damxung, est installée au bord de la route la coopérative de Yangbajain pour la transformation et la vente des produits d'élevage. Malgré une devanture modeste, le bâtiment comporte un étage et une arrière-cour. Au rez-de-chaussée se trouve le magasin, où une jeune vendeuse renseigne des clients ; au premier étage, une femme locale tisse un tapis, tandis qu'un homme coud de la peau de mouton.

C'est Karma Tsondre Sangpo, 26 ans, qui gère cette coopérative. Né de parents pasteurs dans le village de Latok (situé dans le même bourg), Sangpo est le premier jeune du village à avoir poursuivi des études supérieures. Ce personnage élégant, cheveux coupés courts et coiffés à la mode, nous raconte, avec entrain et multiples détails, son expérience entrepreuneuriale au Tibet.

Dire adieu au « bol de riz » assuré !

En 2011, Sangpo a obtenu son diplôme de licence à l'université des Ethnies du Nord-Ouest, puis a réussi avec brio l'examen de la fonction publique dans la préfecture de Qamdo. Mais il n'était pas heureux pour autant, car il constatait qu'autour de lui, nombre de ses compatriotes vivaient encore dans la pauvreté, que les spécialités tibétaines (comme les robes ou le yaourt) étaient vendues une bouchée de pain et que bien des ressources étaient bêtement gaspillées.

Face à cette situation, il a décidé de quitter son poste de fonctionnaire et de retourner dans son village natal pour monter sa propre affaire. « J'espérais promouvoir les produits tibétains authentiques, et par là même, aider mes pairs à s'enrichir. »

Étudiant, déjà, Sangpo cultivait l'idée de fonder son entreprise. L'établissement où il faisait ses études avait organisé une conférence sur l'emploi, au cours de laquelle Sangpo avait fait la connaissance du directeur d'un centre d'orientation professionnelle. Par la suite, Sangpo était devenu son assistant à temps partiel en charge notamment des activités extrascolaires. Pour organiser ces activités, Sangpo se devait de contacter régulièrement toutes sortes de sociétés, ce qui lui avait permis d'emmagasiner un tas de compétences. Après nous avoir fait ce récit, Sangpo a résumé : « Tout ce travail m'a sans doute poussé à bâtir mon propre commerce. »

Dans la zone pastorale lointaine où vit Sangpo, fonctionnaire est généralement vu comme une profession enviable. Sangpo narre que son choix de renoncer à cette voie de carrière a souvent été incompris, parfois même raillé. Lui-même se sentait tiraillé avant de prendre cette décision radicale. Toutefois, il a vite compris que ce métier, bien qu'il lui garantît un salaire fixe chaque mois, l'éloignait de son initiative entrepreneuriale.

Finalement, Sangpo a décidé de poursuivre son rêve, coûte que coûte. Le 15 janvier 2012, il a présenté sa démission et s'en est retourné au district de Damxung. Puis, il a ouvert une coopérative.

 

La coopérative de Yangbajing.

 

Paver la voie vers l'enrichissement

Au début, Sangpo s'est heurté à bien des défis. Il se fiait à ses idées, mais manquait cruellement d'expérience. Par chance, il a eu l'occasion de participer à un séminaire de formation pour les jeunes pousses comme lui, tenu au Centre de l'emploi du Sichuan. En étudiant et en écoutant les conseils des professionnels, il s'est peu à peu fait une idée plus claire du développement que devait suivre sa coopérative.

Situé dans une région de pâturage, Yangbajain recèle de produits d'élevage typiquement tibétains, dont des produits laitiers frais. Ces éléments font partie intégrante des richesses culturelles laissées par les ancêtres nomades.

D'abord, la coopérative va acheter les produits d'élevage directement auprès des éleveurs, tout en s'entourant de locaux fabriquant des objets artisanaux. Ensuite, les marchandises créées sont vendues. Notons que ces dernières années, la demande en produits bio a explosé, tant sur le marché intérieur que sur le marché extérieur. Une tendance qui soutiendra certainement la construction de grandes fermes dans le nord du Tibet.

« Valoriser les produits du terroir et promouvoir le développement économique local » : tel est le principe fixé par Sangpo pour sa coopérative, qui regroupe des sections d'achat, de traitement et de vente. Déjà 103 agriculteurs et éleveurs ont adhéré à la coopérative, qui emploie en outre 8 personnes pour les opérations de gestion.

Au fur et à mesure, ceux qui ont pris part à l'aventure ont vu les avantages dont ils bénéficiaient. Pema Samdrup en est un exemple. Cet artisan de 42 ans, connu de tout le bourg, confectionne depuis une vingtaine d'années des robes tibétaines en peau de mouton. Auparavant, nous raconte-t-il, il allait coudre ces habits directement chez les bergers et gagnait 20-30 yuans par jour. Mais souvent, ses journées étaient désœuvrées. « Maintenant que je travaille pour la coopérative, confie-t-il, mon salaire est beaucoup plus élevé. J'amasse un revenu annuel supérieur à 40 000 yuans ».

Les affaires de la coopérative sont d'ailleurs de plus en plus prospères, les membres, de plus en plus nombreux, et les bénéfices, de plus en plus satisfaisants. Sangpo nous explique que depuis l'an dernier, la coopérative met en avant les industries aux couleurs locales et fait pleinement jouer les politiques favorables. D'ailleurs, elle a développé ses activités de transformation et de commercialisation des produits d'élevage, tout en perfectionnant son lot de services. De plus, elle a adopté un modèle de gestion unifiée et s'active encore à promouvoir l'industrialisation et la standardisation des fermes. Ce faisant, elle contribue à l'élargissement et à la prospérité du marché des produits d'élevage de Yangbajain. Par ailleurs, elle a déjà créé une vingtaine d'emplois et aidé les paysans du coin à gagner leur beurre.

Étendre ses activités

Allier culture nomade et tourisme : telle est l'une des orientations choisies par Sangpo pour sa coopérative. Le bourg de Yangbajain, réputé pour ses sources thermales et son lac Namco (l'un des trois lacs sacrés du Tibet), attire un grand nombre de visiteurs. La coopérative a décidé d'en tirer profit. Chaque année, la coopérative parvient à vendre une trentaine de robes tibétaines, dont la valeur unitaire dépasse généralement les 10 000 yuans. Autre produit qui jouit d'un certain succès auprès des touristes : le yaourt tibétain. En haute saison, la coopérative en vend chaque jour une dizaine de packs.

Sangpo a également entamé des activités de vente en ligne pour que ses produits soient livrés aux quatre coins du pays. Sangpo avait déjà décidé que l'e-commerce serait une voie à suivre pour se développer sur le long terme. En 2012, la coopérative a ouvert une boutique virtuelle sur Taobao.com et sur WeChat. « Un camarade, qui a étudié l'informatique, m'aide à gérer ces affaires en ligne. Lorsque je décide de lancer un nouveau produit, je prends des photos, puis je les lui envoie », précise Sangpo.

En 2012, Sangpo a passé un examen pour devenir guide et a obtenu le certificat délivré par l'Administration nationale du tourisme de Chine. Depuis, il organise des visites, conduisant les voyageurs dans le nord du Tibet. Il a ainsi tracé un itinéraire touristique autour de Namco, où rayonne encore la culture nomade. Cette année, l'assemblée générale des membres de la coopérative a aussi pris la résolution d'investir plus de 500 000 yuans dans la construction d'un complexe combinant hôtellerie, restauration et spectacles folkloriques, recherchant toujours de nouveaux moyens de créer des emplois et de faire fructifier les revenus des locaux. « Je voudrais présenter et faire valoir les produits du cru devant toujours plus de touristes », ambitionne Sangpo.

« Créer ma propre entreprise pour réaliser mon rêve de jeunesse : c'est l'objectif que j'ai accompli et que je compte bien poursuivre », conclut alors Sangpo.

 

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