CHINAHOY

28-April-2015

Joies et soucis du taxi en Chine

 

Les applications de réservation de taxis, comme Kuaidadi par exemple, remportent un franc succès dans les métropoles chinoises.

 

En Chine, les touristes s'empressent souvent d'essayer le pousse-pousse comme moyen de transport. Pourtant, c'est bien le taxi qui remporte tous les suffrages auprès de la population chinoise. Décryptage du phénomène.

ANAÏS CHAILLOLEAU, membre de la rédaction

En Chine, les moyens de locomotion pour les affaires courantes ne manquent pas : métro, bus, voitures, scooters, vélos, pousse-pousse, trottinettes et même fauteuils roulants électriques... Mais surtout, n'oublions pas le taxi dans cette liste !

L'invasion des taxis

Il s'agit certainement du moyen de transport le plus luxueux, puisqu'il demande comme seul effort d'étendre le bras pour arrêter une voiture, avant de se laisser tomber confortablement dans un siège. Néanmoins, le prix de la course reste très accessible en Chine. Dans la capitale, en journée, il vous en coûtera 13 yuans (près de 2 euros) pour les 3 premiers kilomètres, auxquels s'ajoutent 2,3 yuans (près de 0,30 euros) pour chaque kilomètre supplémentaire parcouru. Un tarif bien inférieure à celui appliqué dans les capitales occidentales. À Paris par exemple, la somme affichée à l'enclenchement du compteur s'élève à 2 euros, puis augmente d'environ 1 euro tous les kilomètres. Sans compter les frais en sus pour les valises, non facturés en Chine.

Cette différence s'explique, d'une, par l'écart de niveau de vie ; de deux, par l'affluence des taxis en Chine. La France compte 50 000 taxis sur son territoire (1/3 de taxis parisiens et 2/3 de taxis de province). Dans certaines grandes villes, l'État impose un quota fixé à un taxi pour 2 000 habitants. En Chine, le nombre de taxis est évalué à près d'un million, avec 70 000 taxis dans la capitale, soit un taxi pour 300 personnes. D'ailleurs, dans la ville, il n'est jamais bien difficile de trouver un taxi dans lequel monter, à moins d'être au beau milieu de nulle part ou à l'inverse, d'être dans un lieu très couru à l'heure de pointe...

Les taxis automobiles que nous connaissons sont nés dès la fin du XIXe siècle en Europe et aux États-Unis. Ils ont fait leur apparition en Chine au milieu du siècle suivant, mais étaient alors réservés aux hauts dignitaires étrangers. Dans les années 60-70, les taxis faisaient office de « bus rapides » : ils venaient chercher les passagers à une station précise pour les conduire à destination. Puis, au fil de l'amélioration des conditions de vie des Chinois, la demande en taxi s'est accrue et les services y afférents ont progressé après 1980, avec la création de sociétés de taxi puis l'obligation de doter les véhicules d'un compteur. Ces nouveautés, introduites à Guangzhou, ont rapidement été généralisées à travers le pays.

De nos jours, prendre le taxi en Chine est une banalité. D'ailleurs, c'est souvent la première épreuve qui attend les étrangers à leur arrivée dans le pays : héler un taxi à l'aéroport pour rejoindre son hôtel réservé préalablement. Avant mon premier voyage en Chine, on m'avait indiqué de rester méfiante à l'égard des conducteurs arnaqueurs, qui éteignent leur taximètre ou vous font tourner en rond à votre insu. D'après mon expérience, il suffit d'éviter les taxis illégaux (ou « taxis au noir »), qui cherchent à happer les clients aux endroits stratégiques, pour ne pas être confronté à ce genre de problèmes. Dans le pire des cas, vous pourriez tomber sur un chauffeur un peu bourru, avec un fort accent pékinois, qui ne connaît pas votre destination. Mais à vrai dire, vous avez davantage de chance de tomber sur un pilote d'un certain âge, avec des années d'expérience, qui connaît la ville comme sa poche.

 

Le 5 janvier 2015, les premiers taxis 100 % électriques ont fait leur apparition à Beijing.

 

Dur dur d'être chauffeur...

Il faut dire que la profession de chauffeur de taxi est très réglementée, de sorte à éviter les abus. Tout d'abord, il ne suffit pas d'avoir le permis pour se lancer dans cette voie professionnelle. Il faut en être détenteur depuis au moins 3 ans, n'avoir jamais eu le moindre accident, puis prendre part à une formation et réussir un examen. Par ailleurs, les chauffeurs sont nécessairement affiliés à de grosses sociétés de taxis, généralement en situation de monopole ou duopole localement, auxquelles ils versent de lourds frais chaque mois en échange de la location du véhicule. Mais le plus strict des contrôles émane des passagers eux-mêmes, qui peuvent porter plainte contre les conducteurs irrévérencieux grâce au reçu de la course. En avril 2012, les autorités du transport ont édicté une règle selon laquelle un chauffeur refusant sans motif d'emmener un passager ou empruntant délibérément un itinéraire plus long pour faire gonfler le prix encourrait une amende.

En clair, les chauffeurs se doivent d'être agréables avec leurs clients. Certains restent silencieux pour mieux se concentrer sur la route ; d'autres aiment engager la conversation. Ils se montrent généralement curieux lorsqu'ils font monter des étrangers : « De quel pays viens-tu ? Qu'est-ce que tu fais en Chine ? Oh, tu parles bien chinois ! Depuis combien de temps es-tu là ?... » Sûrement même que parfois, ils aimeraient bien vous garder dans leur taxi un peu plus longtemps rien que pour papoter...

La vie d'un chauffeur de taxi, loin d'être un long fleuve tranquille, est plutôt une cascade d'automobiles klaxon au poing. En 2014, le site de recherche d'emploi CareerCast a placé chauffeur de taxi en 10e place des professions les plus stressantes. En ce qui concerne les chauffeurs chinois, ils ne comptent pas leurs heures à tailler la route (près de 14 h par jour selon des témoignages) et ne roulent pas sur l'or puisqu'ils ne gagnent qu'un salaire moyen. Beaucoup travaillent la nuit aussi, malgré la fatigue, puisque les tarifs fixés par la municipalité sont plus élevés à ce moment-là, et que métros et bus sont en pause.

En route vers la modernité

À partir de 2012, l'innovation a donné lieu à de nouvelles opportunités, mais aussi à de nouveaux défis. Désormais, des applications mobiles permettent aux clients de héler un taxi à distance. Le principe est simple : il faut annoncer ses points de départ et d'arrivée. Si un taxi vide est à proximité, il peut répondre et venir chercher le passager en question. L'avantage est mutuel : les usagers sont sûrs de dénicher un taxi et peuvent même l'attendre au chaud éventuellement ; les chauffeurs de taxi n'ont pas à parcourir des mille et des cents pour trouver leur clientèle. À la fin de la course, le passager n'a qu'à tapoter sur son smartphone pour payer via un système de paiement intégré. En plus, l'usager pouvait autrefois bénéficier de ristournes en récompense de sa fidélité.

Le succès de ce genre d'applications a explosé ! Près de 1/5 des courses en Chine seraient réservées à partir d'un smartphone, selon la revue Le Vent de la Chine. Deux applications se partageaient le marché : Kuaidadi (soutenu par Alibaba) avec 56,5 % des parts et Didi Taxi (soutenu par Tencent) 43,3 %, d'après les statistiques du cabinet Analysys International. Mais après s'être livré une concurrence acharnée, les deux leaders de la réservation de taxi en ligne ont annoncé, le 14 février dernier – jour de la Saint-Valentin oblige – « une fusion stratégique » valorisée à 6 milliards de dollars.

Pour les chauffeurs de taxis, il s'agit d'une belle invention, qui doit néanmoins être contrôlée autant que l'est leur profession. Au début de l'année, une vague de manifestations a secoué le pays, les conducteurs de taxi protestant contre leurs frais trop élevés et la concurrence illégale que faisaient naître les nouvelles technologies. En réponse à ces protestations, le ministère chinois des Transports a pris des mesures pour interdire les voitures privées dépourvues de licence de proposer leurs services de taxi via ces applications, pour des raisons de sécurité. D'autres réglementations sont à l'étude, comme des restrictions horaires ou l'interdiction pour les conducteurs d'utiliser le dispositif lorsqu'un client est déjà à bord.

Quoi qu'il en soit, les nouvelles possibilités offertes par l'essor technologique, bien qu'elles viennent quelque peu bouleverser le quotidien des chauffeurs, mettent en lumière les difficultés de leur profession, pourtant peu révérée. Espérons que les ajustements qui s'ensuivront leur assureront un meilleur sort...

 

La Chine au présent

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