CHINAHOY

27-April-2015

Efficacité énergétique dans la construction : peut mieux faire

 

Le CFF-CME, installé dans l'Université d'ingénierie civile et d'architecture de Beijing.

 

L'efficacité énergétique dans les bâtiments est un pendant de la réduction des émissions de CO2. Où en est la Chine dans ce domaine ? Constat avec l'aide de François Cuvillier, directeur français du CFF-CME.

ANAÏS CHAILLOLEAU, membre de la rédaction

La pollution est une préoccupation majeure de la population en Chine, à l'heure où les grandes villes du pays sont régulièrement enveloppées par le smog. De nombreuses mesures sont prises pour juguler le fléau : modernisation et déplacement des industries polluantes hors des centres urbains, limitation du nombre de véhicules sur les routes, fermeture des usines lors des alertes...

Par ailleurs, l'industrie énergétique étant encore largement tributaire du charbon en Chine, des efforts sont déployés pour réduire autant que possible la consommation d'énergie. Selon des statistiques de l'Agence internationale de l'énergie, la consommation énergétique en Chine a surclassé celle des États-Unis en 2009, bien que rapporté à l'habitant, le chiffre chinois reste inférieur à celui américain. Un défi de taille dans un pays en plein développement abritant 1,3 milliard d'habitants. Dans ses 11e et 12e Plans quinquennaux (2006-2010, 2011-2015), le gouvernement chinois s'est engagé à réduire de 20 % puis de 16 % l'intensité énergétique du pays (consommation d'énergie par unité de PIB).

Pour ce faire, la Chine, en perpétuelle construction, mise beaucoup sur l'amélioration des nouveaux bâtiments édifiés, qu'il s'agisse de bureaux ou de résidences, pour que ceux-ci répondent à des normes plus strictes en matière de chauffage, de ventilation et de climatisation (domaines rassemblés sous l'acronyme anglais HVAC). À ce titre, nous avons rencontré François Cuvillier, directeur français du Centre de formation franco-chinois aux métiers de l'énergie (CFF-CME), qui avec son équipe partage le savoir-faire français dans l'éco-construction avec les techniciens chinois.

Des besoins en formation

« Le centre a été décidé en 1999 et inauguré en 2001. Il fait partie des plus anciennes coopérations éducatives sino-françaises », nous présente-t-il pour commencer. Le CFF-CME, né d'une collaboration entre le lycée technique Maximilien Perret à Alfortville et l'Université d'ingénierie civile et d'architecture de Beijing, délivre aujourd'hui des formations professionnelles et techniques dans les domaines de l'HVAC, pour une meilleure efficacité énergétique des bâtiments. En outre, le centre organise des séminaires au sein d'universités ou entreprises, propose ses services pour la traduction de documents techniques et met à disposition ses équipements pour les besoins de projets de recherche.

Apporter en Chine le savoir-faire français qui s'est développé au fil de plusieurs décennies s'avérait une évidence. Dans le secteur de la HVAC, la Chine représente le plus gros marché du monde. Et avec l'élévation du niveau de vie de la population, et l'accès au confort moderne, il est urgent de construire différemment. « Actuellement, on note une volonté extrêmement marquée du gouvernement chinois d'aller vers une amélioration. Le ministère chinois de la Construction a des velléités déclarées de développer le green building. Des centaines de projets d'éco-quartiers voient le jour depuis quelques années. Toutefois, la Chine a encore de nombreux progrès à faire en termes de qualité opérationnelle pour que ces efforts soient fructueux. »

Selon M. Cuvillier, il manque des cursus spécifiques permettant de former des techniciens de haut niveau. « Il y a d'un côté des ingénieurs issus d'universités, qui excellent dans la théorie et le calcul ; puis de l'autre, des ouvriers sortant de lycées professionnels, qui sont confrontés aux difficultés du terrain. L'idée de départ était donc de réduire l'écart de connaissances et de compétences entre ces deux catégories, en s'inspirant du modèle d'enseignement français ».

 

Le CFF-CME est muni de 14 plates-formes techniques qu'il peut mettre à disposition de techniciens ou étudiants. Il dispose notamment d'un récupérateur de chaleur cogénération pour foyer individuel, un produit tout à fait innovant en Chine. (PHOTOS FOURNIES PAR L'AUTEUR)

 

Une industrie encore peu mature

Toutefois, la Chine ne tient pas à être dépendante du savoir-faire étranger. Elle a envie de faire ses expériences de façon autonome. Ainsi, M. Cuvillier reconnaît que le CFF-CME a rencontré des difficultés dans ses objectifs. « En Chine, nous devons faire un gros travail commercial, beaucoup plus important qu'en France, où la formation apparaît comme une évidence. Ici, il nous faut expliquer notre démarche, la justifier et gagner la confiance des entreprises. Certains investisseurs ne voient pas l'intérêt de financer des formations, alors qu'ils peuvent tout aussi bien, pour le même prix, faire travailler plus longtemps des ouvriers. Ce phénomène a trait à la gestion des entreprises : le coût du travail est encore relativement bas en Chine, et les marges de rentabilité y sont plutôt larges, ce qui permet d'amortir sans peine les éventuels déficits opérationnels. »

Des problèmes, directement liés au secteur, freinent alors les progrès. « Rien n'empêche les investisseurs immobiliers d'installer des chauffages mal réglés par exemple, car d'une part, il n'y a pas de risque vital, et d'autre part, le coût se répercutera sur les utilisateurs finaux. Et ceux-ci ne rechignent pas trop à en payer la facture, car l'électricité demeure encore très bon marché dans le pays », analyse M. Cuvillier.

Le financement d'un projet plus écologique, et donc plus coûteux, représente également une barrière. Pour ce qui est de l'éco-construction, dans le meilleur des cas, on peut commencer à avoir des amortissements à partir de 8-12 ans, ce qui est déjà trop long pour la plupart des banques chinoises, car la période basique n'est que de 5 ans. Donc ces dernières ne sont guère enclines à prêter, considérant que le projet est trop risqué. Tout évolue tellement vite en Chine ! Difficile d'imaginer le contexte économique passé une décennie. »

Normalisation et contrôle : un secteur émergent

Néanmoins, M. Cuvillier note une évolution. Tout d'abord, de plus en plus d'entreprises chinoises témoignent leur intérêt vis-à-vis des activités du CFF-CME ou encore les 14 plates-formes techniques (groupes froids, chaudières, etc...) dont celui-ci est muni. Ensuite, de plus en plus de bâtiments sont mis aux normes, à l'instar du centre lui-même. « Notre bâtiment a été réhabilité en 2008. Un projet d'une valeur de 220 000 euros pour 4 000 m², financé par l'Ademe, nous présente M. Cuvillier. Si vous regardez à l'extérieur, les murs sont doublés de 12 cm de polystyrène. Malgré quelques petits impairs au début, cette réhabilitation thermique a permis de gros gains énergétiques (environ 50 %). » Surtout dans la capitale chinoise, où le climat est particulièrement froid l'hiver et chaud l'été, deux saisons qui s'étalent sur de longs mois.

« L'évolution des lois en Chine est un élément essentiel pour l'évolution du marché. Le contrôle qualité représente à l'heure actuelle un secteur émergent, mais pas encore un secteur émergé, souligne M. Cuvillier. En Europe, nous avons mis des dizaines d'années à établir tout un cadre normatif et législatif à ce compte-là. On ne peut pas exporter nos normes en Chine pour tout changer du jour au lendemain. » Suivant sa logique, quand les sanctions en Chine coûteront plus cher, alors formation et mise aux normes deviendront un pari rentable et une évidence.

La Chine a établi en 2007 son propre système de normes, intitulé le Green Building Label (GBL), qui reste toutefois relativement souple par rapport à l'ISO européen (Organisation internationale pour la normalisation) ou le HQE français (Haute qualité énergétique). Ce système chinois attribue des étoiles après évaluation de divers éléments, dont l'aménagement des terrains, l'efficacité énergétique, l'utilisation de l'eau et des autres ressources, la qualité de l'environnement et la gestion opérationnelle. Aux autorités locales compétentes de délivrer les points.

Pour l'instant, il n'y a pas d'obligation de procéder à cette démarche de contrôle : l'objectif est simplement de donner une plus-value à un édifice. Par conséquent, peu de bâtiments décrochent ce certificat GBL. Toutefois, fleurissent déjà en Chine des projets d'éco-construction, parfois mirobolants ! Citons par exemple le complexe résidentiel Linked Hybrid à Beijing ou encore l'hôtel New Ark à Changsha (province du Hunan). Reste à savoir si ces projets découlent d'une volonté purement écologique ou s'ils visent simplement une plus-value en termes d'image, de luxe et de modernité.

 

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