CHINAHOY

27-February-2015

Progrès dans la réforme du système de retraite

 

Au bureau de la protection sociale de Haikou, les citadins remplissent des formulaires pour leur retraite.

 

En Chine aussi, la question des retraites est une préoccupation majeure à l'heure où sa société vieillit. Mais réformer le système en place ne peut se faire que progressivement...

PENG SHUYI*

Selon la Décision relative à la réforme du système de retraite pour les employés des organismes gouvernementaux et établissements d'intérêt public édictée le 14 janvier 2015 par le Conseil des affaires d'État, les organismes gouvernementaux et les établissements d'intérêt public sont tenus d'appliquer le même système d'assurance vieillesse de base que les entreprises privées à compter du 1er octobre 2014. Ceux travaillant dans ces institutions devront désormais verser 8 % de leur salaire mensuel en cotisation de retraite. Ainsi, les différences qui persistaient entre les divers régimes seront gommées.

Autrefois, les 37 millions de salariés dans les organismes gouvernementaux et les établissements d'intérêt public, qui n'avaient pas besoin de payer de cotisation, pouvaient toucher au moment de leur retraite une pension équivalant à 90 % de leur précédent salaire. Les travailleurs dans les entreprises, en revanche, étaient dans l'obligation de cotiser chaque mois, bien que leur retraite ne représentât après coup que 40 % de leur rémunération.

En Chine, la structure démographique et familiale subit de profonds changements : vieillissement accéléré de la population, morcellement des familles, aggravation du syndrome des « nids vides »... Par ailleurs, le système de retraite était loin d'être parfait. Ainsi, la Chine fait désormais face à des défis inouïs en la matière.

Vers l'uniformisation

Le système de retraite chinois remonte aux années 1950. À cette époque-là, a été établi un système couvrant tous les travailleurs urbains des organismes gouvernementaux, établissements d'intérêt public et entreprises. Le pays pratiquait alors l'économie planifiée, de sorte que toutes les entreprises étaient publiques. L'intégralité des pensions de retraite étaient prises en charge par l'État. Dès le milieu des années 1990, lors de la transition d'une économie planifiée vers une économie de marché, un certain nombre de firmes ont peu à peu été privatisées, et en conséquence, le mécanisme de retraite associé a été réformé. Employés et employeurs se sont mis à verser une cotisation respective. Toutefois, rien n'avait changé dans les organismes gouvernementaux et les établissements d'intérêt public, d'où la différence entre les deux régimes.

Ce contraste a creusé un large fossé entre les travailleurs de la fonction publique et ceux du privé en termes de revenus, une situation vivement dénoncée depuis bien longtemps. Jusque-là, aucune réforme pertinente n'avait néanmoins été avancée pour changer la donne. En outre, le projet d'uniformiser les deux régimes de retraite était nécessairement rejeté par les groupes privilégiés. C'est pourquoi cette réforme, bien que discutée depuis de nombreuses années, a tant tardé à être lancée.

En France, le système de retraite est encore plus complexe. Fonctionnaires civils et militaires, agents publics, indépendants, salariés agricoles, employés du secteur privé... : à chaque corps de métier son propre régime. Des différences s'observaient tant au niveau du taux de cotisation que des prestations, surtout entre les employés du public et ceux du privé. Les salariés de la fonction publique cotisaient sur une période plus courte, mais bénéficiaient d'une pension plus élevée, ce qui suscitait le mécontentement de l'opinion. Le gouvernement français a tenté dès le début des années 1990 de refondre les différents systèmes de retraite en espérant imposer un même nombre d'années de cotisation dans les secteurs public et privé. Mais chaque fois, la réforme se heurtait à l'opposition farouche des mieux lotis. Des révoltes avaient même conduit le gouvernement à démissionner une fois. Finalement, 15 années ont été nécessaires pour atteindre le gros des objectifs visés.

La Chine est actuellement confrontée à une même situation. Le gouvernement chinois souhaite parachever cette fusion des régimes de retraite en trois ans. Les détails de la réforme restent encore flous, mais déjà, un premier pas décisif a été fait.

 

À Qionghai (Hainan), quelques personnes âgées jouent au diabolo.

 

Le report de l'âge de la retraite : encore à l'étude

Selon la norme internationale, un pays est considéré comme vieillissant si sa population totale compte 10 % de personnes âgées de 60 ans et plus, ou 7 % de personnes âgées de 65 ans et plus. Ainsi, la Chine est entrée dans une phase de vieillissement démographique dès l'an 2000. En 2013, les personnes âgées de 60 ans et plus représentaient 15 % de la population totale du pays. Et ce pourcentage ne cesse de s'élever ! Selon des estimations, dans les 40 ans à venir, la Chine sera le pays à la société vieillissant le plus vite. La Chine fera alors face au même problème que les États-providence de longue date : les recettes de l'État ne suffisent plus à financer les dépenses liées aux retraites. La réforme s'annonce donc urgente.

L'incapacité de payer les retraites, qui découle du vieillissement de la population, constitue un défi pour chacune des nations dans le monde. Les États-providence, tels que la France, ont pris des mesures de réforme très tôt, rationalisant les ressources et les dépenses. Par exemple, réduire les pensions de retraite, élever les taux de cotisation et reporter l'âge de départ à la retraite. Cependant, la Chine a mis en place dès le début un système caractérisé par « une pension modeste mais une large couverture ». De facto, il n'est pas possible d'abaisser la pension. En janvier 2015, la Chine a annoncé une nouvelle revalorisation des retraites : la pension moyenne du pays va atteindre 2 000 yuans environ ; celle pour les habitants de Beijing, la plus élevée du pays, dépassera les 3 000 yuans. Par ailleurs, en Chine, le niveau de cotisation est très élevé : 28 % du salaire (20 % à la charge des employeurs et 8 % à la charge des employés), un pourcentage qui figure parmi les plus hauts dans le monde entier. Ce prélèvement représente déjà un fardeau pour les entreprises chinoises, ce qui raie toute possibilité d'augmenter le taux de cotisation.

Dans ce contexte, il ne reste qu'une seule solution, laquelle a déjà fait ses preuves à l'international : le report de l'âge de la retraite. Actuellement en Chine, l'âge légal de départ à la retraite est fixé à 60 ans pour les hommes, à 50 ans pour les femmes ouvrières et à 55 ans pour les femmes cadres. Ceux abattant un travail très physique peuvent partir en retraite anticipée. Dans la plupart des pays européens, l'âge légal de la retraite a été repoussé à 65 ans, voire 68 ans dans quelques États d'Europe du Nord. Mais ces mesures, pourtant raisonnables, ne sont pas bien accueillies par la population. Lorsque la Chine a laissé entendre qu'elle devrait suivre cette voie, comme en France, l'opinion publique s'en est offusquée. Fin 2014, lorsque le vice-premier ministre du Conseil des affaires d'État Ma Kai avait présenté son rapport auprès du Comité permanent de l'Assemblée populaire nationale, il avait indiqué, au sujet du report progressif de l'âge de la retraite, que la troisième session plénière du XVIIIe Comité central du PCC avait déjà pris des décisions précises mais que les divergences persistaient au sein de la communauté. « L'âge de la retraite sera-t-il porté à 63 ou 65 ans ? Nous devons encore convenir de l'heure à laquelle sera annoncée cette réforme, ainsi que du rythme de sa mise en vigueur, des mesures d'accompagnement ou encore des méthodes de surveillance de sa bonne application. »

Pour réduire la résistance de la part des salariés, certains spécialistes proposent d'assouplir les règles concernant l'âge de la retraite, laissant aux personnes la possibilité de prendre leur retraite un peu plus tôt et de toucher moins de pension, ou à l'inverse, de travailler plus longtemps pour gagner davantage après. De plus, des experts appellent à s'inspirer des expériences françaises, en prenant compte de la pénibilité des professions. Le gouvernement doit autoriser ceux usés par un travail laborieux au quotidien à partir à la retraite plus tôt que prévu.

L'uniformisation des régimes de retraite a frayé le chemin au report de l'âge légal de départ. Auparavant, la population pensait que le gouvernement envisageait de retarder l'âge de la retraite pour son propre compte : pour les personnes travaillant dans la fonction publique, leur pension étant calculée sur la base de la durée de leur cotisation et du montant de leur salaire, naturellement elles percevraient plus une fois retirée de la vie active. Mais la fin des systèmes de retraite différenciés a montré la détermination du gouvernement d'aller plus loin dans la réforme.

Les maisons de retraite : pas pour tout de suite...

Traditionnellement en Chine, les personnes du troisième âge sont prises en charge par leur famille. Un proverbe chinois énonce d'ailleurs : « Avoir un fils pour préparer sa vieillesse ». En dépit des progrès sociaux, la plupart des Chinois suivent encore ce précepte et voudraient que leurs enfants s'occupent d'eux le moment venu, notamment à cause du système de retraite imparfait dans le pays. Toutefois, la politique de l'enfant unique a bousculé la structure traditionnelle des foyers chinois : les familles nombreuses ont cédé la place aux familles de type « 4+2+1 » (quatre grands-parents, deux parents et un enfant). S'occuper de ses géniteurs est devenu une charge trop lourde pour un couple. En outre, la course à la concurrence et l'accélération de l'urbanisation ont accentué la mobilité des travailleurs, de sorte que de plus en plus de personnes âgées se retrouvent seules. Ce phénomène s'observe surtout dans les régions rurales que les jeunes quittent pour partir travailler dans les villes, laissant derrière eux personnes âgées et enfants. Il faut savoir que le système de retraite ne couvrait pas les campagnes à l'origine (le système rural d'assurance-vieillesse n'en est qu'à ses débuts, avec une pension encore très basse). Selon des études, la moitié des personnes âgées vivent seules en Chine, et le constat s'avère pire dans les régions rurales. Cette situation devrait obliger le gouvernement à explorer des solutions nouvelles, comme par exemple, la mise en place d'une aide à l'autonomie ou la construction de maisons de retraite.

De nombreuses tentatives ont été menées dans les différentes régions mais n'ont pas enregistré de résultats concluants. Les personnes âgées ne veulent surtout pas que leurs enfants les placent en maison de retraite ; elles considèrent même cet acte comme un abandon de leur part. Le devenir des grands-parents est aussi une préoccupation qui taraude les jeunes. Envoyer ses parents en maison de retraite sera vu comme un geste contraire à la piété filiale, pointé du doigt par les proches et les voisins. Dans la tradition chinoise, s'occuper de ses parents sénescents constitue la première obligation d'un fils digne. De plus, des facteurs économiques entrent en jeu. Les maisons de retraite bien équipées sont très coûteuses, hors de portée des classes moyennes. Et dans les maisons moins chères, les installations et services laissent à désirer, ce qui est loin d'être rassurant. Aujourd'hui, certains groupes industriels français, dotés de riches expériences dans ce domaine, voudraient se tailler une place sur le marché chinois. Néanmoins, ils visent une clientèle haut de gamme. Il demeure donc difficile, pour les habitants moyens, de dénicher une institution de qualité à un prix abordable.

Pour résoudre les problèmes liés aux retraites, des experts ont avancé l'idée d'un système plus « social » : les personnes âgées restent dans leur domicile, mais bénéficient de l'aide et du soutien de la communauté. Dans les quartiers résidentiels, des professionnels peuvent aller à la rencontre du troisième âge pour proposer leurs services. Cette méthode permet de faciliter la vie des personnes âgées, tout en leur donnant le sentiment d'une présence familiale.

Dans les grandes villes, d'autres modèles encore existent. Une personne âgée peut donner son appartement en gage à une banque ou à une autre institution financière, et percevoir chaque mois une pension en échange. Au décès de la personne, l'appartement en question revient à l'institution financière. Néanmoins, beaucoup de Chinois refusent d'hypothéquer leur maison. Étant très attachés aux valeurs familiales, ils lèguent traditionnellement leurs biens immobiliers à leurs enfants. Par conséquent, cette méthode ne sera pas généralisée de sitôt en Chine.

 

La Chine au présent

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