CHINAHOY

1-April-2014

L'innovation, ou comment Leyard conquiert le marché haut de gamme mondial

 

Une peinture traditionnelle reproduite par l'écran DEL Leyard, lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de 2008, à Beijing.

 

GONG HAN, membre de la rédaction

Malgré le marasme du marché des actions A, entre le 26 juillet et le 3 août 2013, le cours du titre chez la société Leyard Opto-Electronics, spécialisée dans la R&D et la vente de produits DEL (diode électroluminescente), a connu cinq hausses maximums, un exploit qui a retenu l'attention des experts.

Chacune de ces augmentations faisait suite à la sortie, la veille, d'un nouveau produit DEL par Leyard, dont le plus grand téléviseur DEL haute définition au monde (format 4K HD, 288 pouces) ou encore l'écran DEL le plus détaillé au monde – 1 pixel mesure 1,2 mm –, ce dernier représentant une innovation technologique majeure sur la planète. Par rapport aux téléviseurs à écran LCD ou à projection arrière, les écrans DEL haute résolution possèdent de nombreux avantages : ils sont de grande taille, étanches, anti-reflets, sans soudure apparente et à faible consommation d'énergie. Des atouts annonciateurs de perspectives réjouissantes.

Pendant longtemps, les nuages du retard technologique et de la surcapacité assombrissaient l'industrie des DEL. Mais le téléviseur DEL haute résolution fabriqué par Leyard a attiré l'œil des investisseurs.

En fait, Leyard n'était pas une société méconnue de tous. C'est elle qui avait fourni les cinq anneaux lumineux utilisés lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de 2008, ainsi que deux panneaux d'affichage DEL géants installés sur la place Tian'anmen à l'occasion du 60e anniversaire de la République populaire de Chine.

Leyard a également fait son petit bonhomme de chemin dans les conquêtes des marchés internationaux. La société compte déjà, parmi ses clients étrangers, l'Exposition universelle de 2012 en Corée du Sud, l'American Broadcasting Company (ABC), le Toyota Center (la salle omnisports où joue notamment l'équipe de NBA des Rockets de Houston), le siège du constructeur automobile allemand BMW, le marché boursier américain Nasdaq et le siège social de Citibank à Hong Kong.

« Nous captons 90 % des parts du marché mondial dans le domaine des téléviseurs DEL haute résolution, a déclaré Li Jun, président du conseil d'administration de Leyard. Mais ce qu'il faut retenir surtout, c'est que Leyard est une marque chinoise détentrice de tous les brevets sur les technologies clés du secteur. Chaque année, nous investissons 7 % de notre chiffre d'affaires dans la R&D, soit 3 ou 4 points de plus que la moyenne enregistrée dans cette industrie. »

Non à la production OEM, non à la guerre des prix !

Dans les années 1980, Li Jun était maître de conférence en économie à l'Université centrale des finances et de l'économie de Chine. En 1988, alors qu'il participait à une exposition, il a flairé une opportunité commerciale dans une entreprise et a décidé de quitter son poste d'universitaire. Il est d'abord devenu représentant pour les produits de ladite société, puis a ouvert sa propre usine en 1990, et enfin, a créé la marque Leyard en 1995.

« À l'époque, sur la partie continentale de Chine, l'industrie des DEL n'était même pas balbutiante, mais bien inexistante », se rappelle Li Jun, qui a été l'un des rares premiers à miser sur ce secteur et qui continue de le faire encore aujourd'hui.

C'est en commençant par fabriquer des afficheurs pour les parquets de la bourse que Leyard s'est hissé dès 1998 en pôle position des entreprises opérant sur le marché national des DEL.

De 2003 à 2006, Leyard et la société belge Barco ont établi une coentreprise dénommée, Barco-Leyard. « Durant ces trois années de collaboration avec Barco, moi-même en tant que président, j'ai beaucoup appris en termes de gestion, de marketing et de contrôle qualité. Je lui en suis encore et toujours reconnaissant », a confié Li Jun.

En 2008, Li Jun s'est retiré de Barco-Leyard pour se concentrer davantage sur sa propre entreprise Leyard. Dès le début, son idée était très claire : ne pas s'engager dans une guerre des prix, ni se contenter d'être un fabricant d'équipement d'origine (OEM selon le sigle anglais).

« Le pays héberge un total d'environ 2 000 fabricants de produits DEL, d'où la capacité de production gravement excédentaire dans cette industrie. Casser les prix ne ferait que réduire progressivement la marge bénéficiaire brute, une conséquence dont nos concurrents, comme nous, seraient victimes. » Li Jun, qui a étudié l'économie, a bien conscience de l'importance de l'image de marque. « Pour une rentabilité élevée, il nous fallait avoir notre propre marque. »

Selon Li Jun, l'innovation et la R&D indépendantes sont la seule voie possible pour Leyard. Fort de nombreuses années d'expérience sur le marché, Li Jun a décidé d'investir dans la R&D de téléviseurs DEL haute résolution. Ce choix n'était pas sans risques, car certains prétendaient à ce moment-là que les OLED (diodes électroluminescentes organiques) allaient bientôt remplacer les DEL ».

Li Jun a parié sur la technologie DEL pour ses atouts concernant la taille des écrans et leur coût : les OLED peuvent composer des écrans mesurant au maximum 110 pouces, tandis que les DEL peuvent permettre un affichage en plus grandes dimensions ; une combinaison de quatre écrans OLED de 54 pouces coûtera en outre 100 fois plus que l'assemblage de quatre écrans DEL de même résolution. Un investissement important, un long processus de R&D et un avenir incertain : les nerfs de Li Jun ont été mis à rude épreuve.

Afin de mobiliser l'enthousiasme du personnel de R&D, Li Jun a mis en place un mécanisme incitatif très attractif : il offre des actions et options aux chercheurs. Cette mesure a permis d'attirer et de retenir dans ce secteur les talents, qui insufflent un élan considérable à la R&D.

Grâce à leurs efforts, les produits d'affichage DEL haute résolution ont réussi, en quelques années d'entraînement seulement, l'épreuve du « triple saut » : la largeur des pixels est passée de 3 mm à 2,5 mm, 1,9 mm puis 1,6 mm ; récemment, Leyard a lancé l'écran de télévision le plus détaillé au monde, composé de pixels mesurant 1,2 mm.

Li Jun attribue ce succès à sa formule magique : « Un objectif clair + un millier de tests + six années de R&D + trois solides alliances puissantes » (lampes DEL de la compagnie taiwanaise Everlight, puce semi-conductrice de la société américaine Texas Instruments et la technologie Smart TV de la firme chinoise Xiaomi).

Li Jun accorde une extrême importance aux droits autonomes de propriété intellectuelle. Leyard a déjà déposé près de 200 brevets, desquels, de son point de vue, l'entreprise tire véritablement sa compétitivité.

L'innovation, première force motrice de l'économie chinoise

En 2008, c'est la société Leyard qui a été choisie par adjudication pour réaliser le projet d'éclairage DEL pour les JO de 2008, grâce à la qualité constante de ses produits et à leur bon ratio performance/prix.

À cette occasion, les produits fournis par Leyard ont été soumis à de rigoureux tests, tels qu'immersion dans l'eau pendant trois jours pour tester l'étanchéité.

Cette présence aux JO a marqué un jalon important dans l'histoire de Leyard. Suite à ce succès, la société a entrepris de lumineux projets pour l'Exposition universelle de Shanghai, la célébration du 60e anniversaire de la fondation de la Chine nouvelle, le gala du Nouvel An chinois retransmis par CCTV (Télévision centrale de Chine), les Jeux nationaux de Chine, le terminal 3 de l'aéroport international de la capitale ou encore les trois grandes gares de Beijing.

Déployant une stratégie globale, Leyard s'est déjà implanté en Inde, en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud.

À propos de l'avenir, Li Jun affirme que l'innovation est non seulement un débouché pour les entreprises chinoises de haute technologie, mais aussi pour l'économie de la Chine en général.

« La Chine se trouve à l'heure actuelle dans une période de transition douloureuse. D'une part, l'augmentation du coût du travail réduit l'avantage compétitif qu'avait la Chine sur l'Asie du Sud-Est, l'Inde et l'Afrique, de sorte que les industries à haute intensité de main-d'œuvre délocalisent progressivement leur production. D'autre part, sur le marché haut de gamme, la Chine est encore loin du niveau avancé atteint internationalement, à la fois en termes de technologie et de qualité, faute d'avoir prêté attention à l'innovation par le passé. »

Li Jun a poursuivi : « Après tant d'années de tâtonnements, nous avons constaté qu'en allant de l'avant dans l'innovation et la R&D, nous serions plus compétitifs dans de nombreux secteurs et même sur le marché haut de gamme mondial. Prenons l'industrie des DEL comme exemple. Il nous aura fallu des années de R&D, mais nous avons réussi à briser le monopole des produits étrangers de haute technologie dans ce domaine, au point qu'aujourd'hui, c'est notre entreprise qui propose les meilleurs produits. Nous sommes le seul fabricant au monde à produire des téléviseurs DEL dont la taille des pixels est inférieure à 2,0 mm. »

Il nous a raconté une anecdote. Un membre du conseil d'administration de BMW, lorsqu'il a vu l'écran 3D haute résolution de conception chinoise dans le centre de R&D du siège de BMW, est resté bouche bée devant la netteté de l'image. Très surpris, il a demandé : « Comment se peut-il que ce produit ait été fabriqué en Chine ? » L'ingénieur a alors répondu : « Après une année de recherche à travers le globe, nous avons établi que ces écrans chinois à tout petits pixels sont ceux qui présentent la meilleure qualité d'affichage et le meilleur rendu visuel ! »

« Nous pouvons ressentir que les dirigeants chinois reconnaissent maintenant l'importance stratégique de l'innovation et qu'ils commencent à soutenir le développement des industries de haute technologie par le biais de politiques avantageuses, d'une régulation des marchés adéquate et de subventions. L'innovation, c'est la plus grande force motrice de l'économie chinoise », a conclu Li Jun, optimiste quant à l'avenir.

 

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