CHINAHOY

4-August-2015

Construction de transports ferroriaires en Afrique

 

Les travaux du chemin de fer en Éthiopie ont été achevés le 18 mai 2015.

 

LU RUCAI, membre de la rédaction

La ligne de chemin de fer reliant Addis-Abeba à Mieso et construite par la CREGC (China Railway Erju Group Corporation) a été inaugurée le 18 mai. Un tronçon long de 329 km prévu pour permettre une vitesse de 120 km/h, conçu et mis en chantier selon les normes chinoises. Lors de la cérémonie de mise en service, le premier ministre éthiopien Haile Mariam a affirmé que ce premier chemin de fer moderne du pays devait être considéré comme la colonne vertébrale de son système de transports.

Le 1er février, la CREGC avait organisé une première cérémonie de mise en service d'essai à Addis-Abeba, la capitale, qui fêtait ainsi le premier système de chemin de fer léger urbain d'Afrique subsaharienne.

Le gestionnaire chinois du projet, Liu Jilong, a passé dix ans en Afrique. D'Angola en Ouganda jusqu'en Éthiopie, il est un témoin privilégié de la planification et de la mise en service de plusieurs lignes ferroviaires en Afrique, et sa propre histoire s'est elle aussi inscrite sur ce continent.

Premières années en Afrique

En juillet 2004, diplômé en anglais à l'Université du Centre-Sud de la Chine, il fut recruté par la REC (Transtech Engeneering Corporation) comme interprète. Les activités de cette société, dont le siège se situe à Chengdu, au Sichuan, comprennent les travaux publics à l'étranger, l'import-export et l'investissement en infrastructures. Une société telle que la Chine en compte plusieurs dizaines.

« À l'époque, les activités de la REC s'étendent sur une dizaine de pays d'Afrique, d'Asie du Sud-Ouest, du Moyen-Orient et d'Amérique du Sud », explique Liu Jilong. Après un stage d'un an, Liu fut affecté à un programme de chemins de fer à Luanda, en Angola.

Avant de se rendre en Afrique, les seules connaissances qu'avait Liu de ce continent se limitaient à quelques reportages télévisés et des récits de ses collègues. À son arrivée à Luanda, il a subi un choc : « La plupart des routes ne sont pas goudronnées dans les villes, les installations de drainage sont en mauvais état ou carrément inexistantes, dit M. Liu. Les édifices de Luanda ressemblent à ceux que l'on peut voir dans les districts chinois. »

Le projet de construction du chemin de fer à Luanda a été signé avec la REC en 2003. « En 2002, tout était à reconstruire en Angola après une guerre civile de 30 ans. Le gouvernement avait décidé d'augmenter son investissement dans les infrastructures, mais les fonds manquaient pour une reconstruction aussi vaste. À ce moment-là, sur la demande du gouvernement d'Angola, le gouvernement chinois a proposé son aide alors que les conditions offertes par les pays et les organisations financières occidentaux étaient extrêmement sévères », raconte M. Liu. Dans ce contexte, la REC, en coopération avec la CMEC (China Machinery Engineering Corporation), ont mis au point une offre pour mettre en chantier la reconstruction d'un segment de voie ferrée. Un programme comprenant la conception, les achats et la construction, pour une somme totale de 120 millions de dollars US, soit le plus grand programme à ce jour de l'histoire de la coopération Chine-Angola, mais aussi le premier programme depuis la fin de la guerre civile. D'après Liu Jilong, au début du projet une centaine de Chinois étaient employés, jusqu'à un maximum de 700 travaillant sur les chantiers. « Cette voie relie la capitale, et donc le port de Luanda, aux voies de chemin de fer du pays, jouant un rôle capital pour le commerce extérieur de l'Angola. »

Après la mise en chantier du chemin de fer de Luanda en 2004, les deux gouvernements ont signé une série d'accords de coopération dans le cadre desquels la Chine propose des crédits et son soutien technologique à des projets d'infrastructures dans plusieurs domaines, y compris des bâtiments publics, en Angola, attirant la participation d'un grand nombre de sociétés chinoises vers ces projets de construction. Ces programmes concernent la construction de logements, la réparation de voies de chemin de fer, mais aussi des stades sportifs, des ouvrages d'alimentation en eau, sans compter les logements, les écoles destinés aux personnels de la REC, quelques routes nationales et postes d'interconnexion en construction, pour une somme totale de 600 millions de dollars US.

En août 2013, le bureau des chemins de fer de Luanda a décerné une attestation de mérite à la branche de la REC d'Angola pour ses efforts, la qualité de ses constructions et son efficacité dans le programme de reconstruction dans la région de Boavista. À ce moment-là, M. Liu avait déjà quitté ce poste pour travailler dans la succursale de Luanda de la REC.

 

Chantier du chemin de fer construit en Éthiopie. (PHOTOS FOURNIES PAR LIU JILONG)

 

Gagner l'adhésion de la population locale

Dès son arrivée à Luanda, Liu Xilong a rédigé une offre pour le projet de construction du bâtiment du bureau des impôts de la ville, avant de participer à deux projets dans le Soudan du Sud. Puis la REC a décidé de se retirer temporairement du marché du Soudan du Sud à cause de la guerre civile qui a enflammé cette région. Liu Jilong a été réaffecté à un programme de chemins de fer en Éthiopie au sein du département international de la CREGC chargé du commerce international.

La première tranche de travaux sur le système de transports urbains de tram, d'une longueur de 31 km pour un budget de 475 millions de dollars US, sera achevée et livrée en septembre. D'après la présentation de Liu Jilong, aussi bien la conception, la construction, les équipements que le service d'entretien que comporte ce projet sont tous basés sur des technologies chinoises. « Sur demande de l'Éthiopie, la CREGC a également achevé la planification de la deuxième tranche de travaux, 78 km de voies qui relieront la gare, l'aéroport, le siège de l'Union africaine, le centre sportif, les agglomérations de la capitale avec les cités-satellites aux alentours, pour constituer un réseau de transport sur rail léger rapide et pratique », a dit Liu Jilong.

En mai 2014, lors de sa visite en Éthiopie, le premier ministre chinois Li Keqiang s'est intéressé au projet de rail léger d'Addis-Abeba, demandant aux employés chinois de partager leur expérience dans la construction des chemins de fer avec les Africains, en menant à bien des formations pour les employés locaux et en accroissant le taux d'emploi local.

D'après Liu Jilong, il y a actuellement 2 000 gestionnaires et techniciens chinois de la CREGC mobilisés sur le projet de chemin de fer et de rail urbain en Éthiopie, pour environ 15 000 employés locaux.

Sur chaque site, les employés chinois souhaitent s'intégrer à la société locale le plus vite possible. Pendant leur temps libre, ils participent à des programmes sociaux qui animent la vie des habitants. En 2012, la CREGC a fourni une contribution de 300 000 birrs (environ 17 000 dollars US) au Comité olympique éthiopien pour soutenir ses sportifs participant aux Jeux olympiques de Londres. En 2012, sur demande du gouvernement de Sebeta, dans la banlieue d'Addis-Abeba, la CREGC a financé la construction d'une route en béton asphalté dans un village près de son siège afin d'améliorer les conditions de transport des villageois. En mars 2014, un accident terrible s'est produit à 200 km d'Addis-Abeba : un car est tombé dans un ravin, et le gouvernement local ne disposait pas d'équipements de secours adéquats. Sur demande d'aide de celui-ci, le département des projets de la CREGC a envoyé une grue mobile avec un chauffeur expérimenté sur le lieu de l'accident, un trajet de 6 heures. Grâce à cette intervention, une dizaine de personnes ont pu être sauvées. Dans d'autres cas moins spectaculaires, la CREGC a également offert une alimentation gratuite en eau à une municipalité qui en manquait, construit un stade de football, fourni des articles de papeterie aux écoliers, des mesures qui gagnent l'estime des habitants locaux.

« À mon avis, presque tous les pays africains applaudissent des deux mains aux investissement chinois, parce que les crédits du gouvernement chinois ne comportent pas de conditions politiques, explique Liu Jilong. La plupart des gens, en Afrique, voient d'un œil favorable les investissement chinois : premièrement, en constatant les réalisations remarquables du mode chinois de développement, les Africains espèrent voir leurs pays se développer sur le même tempo dans les 20 à 30 ans à venir ; deuxièmement, ces dernières années, on peut dire que les entreprises et les fonds chinois ont joué un rôle moteur dans le développement de l'Afrique, notamment des infrastructures, de l'agriculture, des soins médicaux, etc. »

Il reconnaît cependant que la compétition que subissent les entreprises chinoises à l'étranger n'est pas toujours loyale, qu'elle comporte parfois des baisses artificielles des budgets voire même dans certains secteurs la diffamation. D'autre part, dans la mesure où en Chine les contrôles de qualité sont très pointus, les entreprises chinoises sont parfois désarçonnées de voir que ce n'est pas le cas en Afrique. Certaines entreprises ne sont pas capables de fournir les services après avoir gagné l'appel d'offres, et la sous-traitance est le seul choix qui leur reste. D'où une qualité incertaine des réalisations. « Cela a parfois détérioré l'image des entreprises chinoises dans la région. »

Souffrance et joie pendant dix ans

Liu Jilong évoque sa curiosité lors de ses premières années en Afrique. Après un an passé sur place, il était fatigué de la vie monotone et harassante sur le chantier. De plus, Luanda est une ville peu sûre, où sévissent de nombreux détrousseurs et kidnappeurs, et où l'on entend souvent des coups de fusil. « Je voulais quitter mon emploi en Afrique et rentrer en Chine. » Mais finalement, c'est grâce aux encouragements de sa famille qu'il a décidé de tenir bon.

Seuls les Chinois ayant vécu à l'étranger comprennent ces difficultés. La police angolaise est mal organisée, et Liu Jilong entendait souvent, la nuit, des coups de fusil à l'extérieur du camp, et on retrouvait des balles perdues sur les toits des bureaux ou des dortoirs, qui parfois perçaient même la toiture métallique. La base logistique chinoise en Angola se situe dans un lieu isolé, et elle a plusieurs fois été saccagée par des délinquants armés depuis le départ de M. Liu. « Après avoir immobilisé les agents de sécurité et les employés chinois, ils s'emparent de toutes les choses de valeur ou pouvant être revendues, comme les espèces et les ordinateurs », explique Liu Jilong. Presque toutes les entreprises chinoises installées en Angola ont eu à subir des incidents de ce genre.

Mais l'expérience la plus inoubliable qu'a vécu M. Liu fut un accident de la circulation en novembre 2005. Il a eu la chance de survivre à cet accident, mais certains de ses collègues y ont laissé la vie.

Le fils de M. Liu a 6 ans. Comme M. Liu n'avait pas pu, pour raisons professionnelles, accompagner sa femme pendant sa grossesse, lui avait promis d'être là pour l'accouchement. Il avait réservé à l'avance son billet d'avion, mais son fils est né avant la date prévue. M. Liu a dû retourner en Angola alors que son fils avait un mois et demi.

« Ma femme se plaignait souvent. Les autres femmes enceintes étaient accompagnées de leurs maris, mais elle était toujours seule pendant sa grossesse. » Liu Jilong est reconnaissant à sa femme pour sa patience.

Liu Jilong nous a avoué avoir bien changé d'avis sur l'Afrique et les Africains au cours de ces dix ans. « À mon arrivée, je trouvais ce continent très arriéré, et j'éprouvais de la compassion pour les Africains. » Plus tard, il s'est mis à trouver les Africains paresseux et oisifs, peu motivés pour se débarrasser de la pauvreté et du retard par un labeur soutenu. « Mais par la suite, après des années passées sur place avec eux, je suis arrivé à la conclusion que peut-être, leur mode de vie est tout simplement en recherche d'harmonie avec la nature. »

Après avoir compris l'Afrique, M. Liu devait faire un choix difficile : rentrer en Chine ou rester ? Bien sûr, avec l'augmentation des investissements des pays émergents et des pays développés en Afrique, la construction d'infrastructures telles que les réseaux de transport, d'électricité et les télécommunications bat son plein sur ce continent. La société de M. Liu voit de plus en plus d'opportunités se concrétiser. D'un autre côté, cette vie qui l'a longtemps tenu éloigné de sa famille lui inspire mille sentiments, « Si je pouvais refaire ce choix, je ne choisirais pas de travailler dans la construction. Que ce soit en Chine ou à l'étranger, quand on passe le plus clair de son temps sur des chantiers, on ne peut plus s'adapter à la vie de famille. »

Mais qu'il rentre ou qu'il reste, l'Afrique, où il a travaillé dur pendant si longtemps, demeurera dans sa mémoire pour toute sa vie.

 

 

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