CHINAHOY

29-September-2014

La Seconde Guerre mondiale a débuté en 1931

 

Un collectionneur du Henan montre des objets de sa collection dont quelque 2 000 exemplaires du International Graphic, revue illustrée rapportant l'invasion japonaise contre la Chine. (CFP)

 

D'après les études du Pr Wang Jianxue, l'incident du 18 septembre 1931 à Shenyang (dans le Nord-Est de la Chine) est un déclencheur de la Seconde Guerre mondiale, ce qui reviendrait à dire que la Seconde Guerre mondiale n'aurait pas débuté en 1939, mais en 1931; et pas en Pologne, mais en Chine !

ZHOU LIN, membre de la rédaction

En février 2014, un groupe de 38 journalistes de différents pays a visité le Musée d'histoire du 18 septembre, fondé à Shenyang, dans la province chinoise du Liaoning. Par cette visite, ils souhaitaient en apprendre plus sur les faits historiques de la Seconde Guerre mondiale en Extrême- Orient. « Les journalistes étrangers connaissent tous l'invasion de la Pologne, épisode déclencheur de la Seconde Guerre mondiale en Europe, mais peu d'entre eux ont une idée de l'incident du 18 septembre 1931, orchestré par les troupes japonaises qui ont envahi le Nord-Est de la Chine », explique le Pr Wang Jianxue, président de la Société d'étude sur l'incident du 18 septembre 1931, basée au Liaoning.

La première étincelle de la Seconde Guerre mondiale

Le soir du 18 septembre 1931, l'armée du Kwantung du Japon en garnison dans le Nord-Est de la Chine fait sauter un tronçon de voie ferrée près de Liutiaohu, à Shenyang. L'armée chinoise est injustement accusée de sabotage : c'est le début de l'incident du 18 septembre 1931. Par la suite, le Japon occupe dans un court délai tout le territoire du Nord-Est de la Chine, y établit l'État fantoche du Mandchoukouo. Sa domination coloniale sur cette région durera 14 ans.

Selon le Pr Wang, l'incident du 18 septembre marque le début de la Guerre de résistance de la Chine contre l'agression japonaise. D'après lui, la résistance du peuple chinois y a ouvert le prélude à la guerre mondiale antifasciste. L'événement annonçait en lui-même le début de la Seconde Guerre mondiale.

Le Pr Wang prône une vision historique globale dans les études sur la Seconde Guerre mondiale. Il énumère les dates des offensives importantes qui ont amorcé la Seconde Guerre mondiale dans les différentes régions du monde. En Europe : le 3 septembre 1939, l'invasion de la Pologne ; le 22 juin 1941, l'offensive contre l'URSS ; le 7 décembre 1941, l'attaque de Pearl Harbor. D'après lui, en analysant pays par pays, on relève quatre points de départ de la Seconde Guerre mondiale. Toujours selon lui, il y a eu deux champs de batailles principaux lors de cette guerre : l'un en Europe, l'autre en Asie. L'Allemagne nazie, l'Italie de Mussolini et le Japon composaient « les puissances de l'Axe ». Le Japon s'est ensuite rallié à ce camp. D'après le Pr Wang, l'incident du 18 septembre provoqué par les envahisseurs nippons en Chine marque avec évidence l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale en Asie, et par extension, celui de la guerre antifasciste mondiale.

Des visées expansionnistes déjà anciennes

En réalité, le Japon ne visait pas uniquement la Mandchourie, il convoitait aussi d'autres parties de la carte du monde. Depuis la réforme Meiji en 1863, il faisait déjà montre de son ambition d'étendre son territoire dans les « quatre directions ». En 1927, lors d'une réunion sur l'Orient du cabinet japonais de Tanaka, fut établi le principe d'invasion de la Chine, précisant l'objectif d'agresser la Corée, de s'emparer de la Mandchourie comme de la Mongolie et d'occuper la Chine toute entière, puis l'Asie et le reste du monde. Il s'agissait là d'une stratégie d'application progressive des politiques prônées par les militaristes japonais.

Après être sorti vainqueur de la guerre sino-japonaise de 1894-1895, le Japon réduisit avec succès la péninsule coréenne à l'état de colonie. Grâce à l'indemnité colossale de 230 millions de taëls qu'il obtint suite à la signature du Traité de Shimonoseki, (appelé en Chine Traité de Maguan), il parvint à développer ses industries militaires, accomplissant ainsi l'accumulation primitive du capital. Bien préparé sur le plan économique, militaire et avec une expérience belliqueuse bien forgée, il chassa par la suite l'URSS du Nord-Est de la Chine, monopolisa les transports ferroviaires de la Mandchourie du Sud, principal moyen de transport d'alors, et fit assasiner le grand maréchal Zhang Zuolin.

Ces opérations permirent au Japon d'avoir une idée concrète de la faiblesse de la Chine et de fortifier sa confiance dans sa capacité à l'envahir. L'occupation réussie de Shenyang, base d'industrie lourde en Chine du Nord-Est qui occupait une importante place dans le transport et la géostratégie, fournira une base d'appui favorable pour son invasion complète du pays à travers l'incident du 7 juillet, ses activités d'agression sur les champs de bataille asiatiques et son attaque de Pearl Harbor.

« Avant de déclarer la guerre aux États-Unis, le Japon était déjà en guerre avec plus de vingt pays. Rien que dans le camp de prisonniers de Shenyang étaient enfermés des captifs de 7 pays. La guerre bactériologique mijotée par le Japon fut principalement dirigée contre les États-Unis, l'un des pays seigneurs du monde d'alors. Il en ressort que le Japon a déclenché une guerre à l'échelle mondiale après des préparatifs minutieux », conclut le Pr Wang.

Crimes des fascistes japonais

Un journaliste étranger a demandé au Pr Wang lors d'une rencontre : « L'atrocité de l'invasion japonaise contre la Chine peut-elle être comparée avec celle des nazis ? » Le Pr Wang lui a répondu que oui, et que l'on pourrait même ajouter que les atrocités commises par le Japon dépassent de loin celles de l'Allemagne nazie.

« Si l'on reprend le point de vue des Occidentaux sur les droits de l'Homme, les actions du Japon furent terriblement plus cruelles en Asie pendant la Seconde Guerre mondiale », fait remarquer le Pr Wang. « Tout comme les nazis ont été coupables de discrimination et de massacres racistes en Europe, les fascistes japonais ont perpétré des crimes contre l'humanité en Chine. Environ 20 000 personnes ont été tuées dans le port de Lüshun dans le Nord-Est de la Chine, et quelque 300 000 personnes ont été massacrées à Nanjing. »

Si l'on fait un bilan des crimes commis par les troupes d'invasion japonaises, figure d'abord l'application de la politique « tout brûler, tout tuer et tout piller ». Ces atrocités causèrent la mort de plus de 35 millions de Chinois. 100 millions se retrouvèrent sur les routes. Les feux de la guerre brûlèrent aux quatre coins du pays. Si l'on calcule en fonction de la population chinoise d'alors, qui avoisinait les 400 millions de personnes, on compte en moyenne un mort ou un blessé dans chaque famille de quatre membres.

Ensuite, viennent la domination coloniale et l'asservissement des Chinois mis en œuvre pendant 14 longues années dans le Nord-Est et enfin, le pillage économique. Un seul exemple suffit pour dénoncer la rapacité japonaise : le Japon spolia la Chine du Nord-Est de quantité de minerais (charbon, or et fer), de matériaux (acier et bois) et de soja. La Chine subit des pertes économiques directes de l'ordre de 100 milliards de dollars et des dégâts indirects de l'ordre de 500 milliards, si convertis selon le ratio de 1937.

Les crimes du Japon ne s'arrêtent pas là. Le Japon vendit de l'opium produit à base de pavot cultivé en Chine pour annihiler les Chinois, recourut à des essais bactériologiques sur des humains, utilisa des armes chimiques et enrôla de force des « femmes de réconfort ». Après 1949, dans la province chinoise du Heilongjiang, plus de 200 habitants ordinaires ont été tués, blessés ou handicapés à vie à cause d'armes chimiques laissées par les troupes japonaises après leur retrait de Chine.

Deux données fournies lors du jugement de Khabarovsk démontrent la violence des fascistes japonais. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le camp japonais de prisonniers de guerre installé à Shenyang enfermait des officiers de haut rang des Alliés. Les Américains et Britanniques dans ces camps accusaient un taux de mortalité de 16 %, tandis qu'au même moment, le taux de mortalité chez les détenus incarcérés dans les camps nazis de prisonniers de guerre était en-dessous de 4 %.

Les archives et la vérité historique

Au Musée d'histoire du 18 septembre est conservé un grand nombre d'archives portant sur cet incident et permettant de prouver sa nature.

Pour une connaissance anticipée de l'incident de la Mandchourie est un ouvrage qui fut publié par le ministère japonais de la Guerre. Portant la signature de Jiro Minami, ministre japonais de la Guerre de l'époque, son auteur est le lieutenant Shosuke Mizushima. « Tous deux ont un lien avec l'incident du 18 septembre. Ces archives papier reflètent on ne peut mieux la vérité historique », souligne le Pr Wang Jianxue.

Le dossier La vérité recueilli et arrangé par les « Neuf patriotes de Shenyang », qu'ils remirent en secret à la Commission d'étude Lytton envoyée par la Société des Nations (SDN) en 1932 en Chine, servit de preuve éloquente pour dénoncer l'invasion japonaise à la communauté internationale. Après les enquêtes de la commission, les 42 pays membres de la SDN votèrent à main levée : 41 jugèrent le Japon coupable, ce qui l'obligea à se retirer de la SDN. Le dossier est à présent conservé à la Bibliothèque de l'Office de l'ONU à Genève.

« La lecture de matériaux historiques tels que la série de Cartes postales sur l'attaque du camp militaire chinois de Beidaying par les troupes japonaises ainsi que le Livre de cartes et de photos sur l'incident de la Mandchourie nous permet d'affirmer que la nuit du 18 septembre 1931, la troupe chinoise n'a pas cédé la ville de Shenyang sans se battre. Un certain nombre d'officiers et de soldats de l'armée chinoise du Nord-Est ont mené une résistance opiniâtre, en tirant le premier coup de fusil de la lutte contre l'agression japonaise », ajoute le Pr Wang.

L'incident du 18 septembre marque non seulement le début de l'invasion de la Chine par le Japon, mais il constitue également une annonce directe de la Seconde Guerre mondiale. Pour rendre accessibles à un plus large public ces archives, la Chine a déposé à l'Unesco les dossiers sur l'incident du 18 septembre, ceux du massacre de Nanjing et des documents historiques précieux portant sur l'enrôlement de force des « femmes de réconfort » par l'armée japonaise, afin de demander leur inscription au programme « Mémoire du monde ».

 

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