CHINAHOY

28-April-2014

Le Maroc, nouvelle destination des investissements étrangers

 

Le port de Tanger. (PHOTOS : CHEN JING)

 

CHEN JING, membre de la rédaction

Pour la plupart des Chinois, le Maroc n'est qu'une contrée lointaine et inconnue dont l'image est très vague. Mais quel est ce pays finalement ? Quel niveau de développement économique a-t-il atteint ? Quelles opportunités offre-il aux investisseurs chinois ? Pour répondre à toutes ces interrogations, j'ai rejoint la délégation de journalistes chinois invitée au Maroc par l'Agence marocaine de développement des investissements (AMDI). Cette rencontre a traité du développement économique du Maroc, et notamment des investissements étrangers qui y sont faits.

Un pays africain d'avenir

L'économie marocaine repose essentiellement sur l'agriculture. Elle dispose également de ressources naturelles, avec en tête de liste, le phosphate, dont les réserves prouvées s'établissent à près de 60 milliards de tonnes, soit 75 % du total mondial. En 2011, le PIB du Maroc s'élevait à 99,241 milliards de dollars, avec un PIB par habitant de 3 083 dollars. Notons que le PIB du pays a augmenté en moyenne de 4,9 % au cours des cinq dernières années. La mondialisation économique progressant, le Maroc s'efforce de transformer son mode de développement en élargissant la demande intérieure, en renforçant la construction d'infrastructures, en soutenant les industries manufacturières telles que le textile, l'automobile et l'industrie chimique, ainsi qu'en mettant l'accent sur les industries émergentes comme les technologies de l'information et les énergies propres.

Le commerce international et les investissements étrangers, satisfaisant les besoins liés à cette transition économique, jouent un rôle de plus en plus important au Maroc. Le gouvernement marocain a alors mis en place des politiques préférentielles pour attirer les investissements étrangers. En 2011, le pays a capté 2,52 milliards de dollars d'investissements étrangers directs, contre 1,57 milliard en 2010, soit une hausse de 61 %. Ce montant représente un tiers des IDE combinés des pays d'Afrique du Nord et 6 % du total des IDE émis vers le continent africain. C'est pourquoi en 2012, la revue fDi Intelligence, division experte du groupe Financial Times, a choisi le Maroc – qui vient évincer l'Afrique du Sud – comme destination africaine la plus attrayante en termes d'IDE pour la période 2011-2012. Dans son rapport Meilleures pratiques en matière de promotion mondiale de l'investissement 2012, la Banque mondiale salue les progrès qu'a enregistrés le Maroc dans la captation des IDE et le range parmi les meilleurs pays dans ce domaine. Par ailleurs, dans son récent rapport intitulé Perspectives économiques régionales du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, le FMI indique que le Maroc demeure parmi les entités économiques les plus performantes de la région.

Ces dernières années, le gouvernement marocain applique une série de lois et de règlements modernes, s'engage à simplifier le processus d'investissement pour les étrangers, encourage activement la libéralisation économique et améliore le climat des affaires. Grâce à ces multiples efforts, dans son rapport Doing business 2012 : Entreprendre dans un monde plus transparent, la Banque mondiale a classé le Maroc parmi les pays qui ont le plus facilité le négoce. L'étude comparait les réglementations auxquelles sont soumises les entreprises de 183 économies différentes.

Plaque tournante entre les marchés européen et africain

Situé au nord-ouest de l'Afrique, le Maroc est, à l'est et au sud-est, limitrophe de l'Algérie. Il touche le Sahara occidental au sud, et est bordé à l'ouest par l'Atlantique. Au nord, le détroit de Gibraltar et la Méditerranée le séparent de l'Espagne. Au point le plus étroit, seuls 14 km séparent le Maroc des côtes européennes.

Sa proximité géographique avec l'Europe permet un coût et une durée du transport réduits lors du commerce de marchandises. En avion, au départ de Casablanca, il suffit d'1h15 pour aller à Madrid, et de 2h45 pour rejoindre Paris. En bateau, il ne faut que 35 minutes pour naviguer du port de Tanger Med aux ports espagnols de Algeciras ou Tarifa, et il est possible d'arriver à Barcelone en l'espace de 24h. Sa position privilégiée en fait le carrefour des principales voies commerciales reliant l'Amérique, l'Afrique, l'Europe et le Moyen-Orient, ainsi qu'une plate-forme d'échanges entre les trois grands marchés européen, arabe et africain.

Selon le chef du département des investissements, Hind Saïdi, et le chef du département pour le marketing stratégique, Driss Sekkat, de l'AMDI, le Maroc est le premier pays au sud de la mer Méditerranée à avoir signé un accord de libre-échange avec l'Union européenne. Il a depuis ratifié un même type de convention avec les États-Unis. Le Maroc espère désormais que les investisseurs chinois verront les avantages présentés par cette plate-forme, afin de devenir un lieu de transit pour les exportations chinoises en direction de l'Europe ou de l'Afrique. Toutefois, il convient de noter que dans le commerce des produits transformés destinés à l'export, seules les marchandises dont 40 % de la valeur ajoutée provient du Maroc peuvent être certifiées « made in Morocco » par les chambres d'industrie et de commerce ou les douanes marocaines. À savoir que seules ces marchandises peuvent jouir des traitements favorables apportés par l'accord de libre-échange, pour enfin s'exporter vers les marchés européen et américain.

Par conséquent, pour profiter pleinement des mesures incitatives formulées par le gouvernement marocain, les entreprises chinoises ont lieu d'investir dans les industries électronique, automobile et textile, que les autorités locales souhaitent encourager, ou dans d'autres industries à forte valeur ajoutée. Quant aux entreprises chinoises qui ont déjà établi des canaux de distribution en Europe et en Afrique, elles pourront transférer leur ligne de production dans des pays comme le Maroc, pour échapper aux barrières tarifaires et économiser les coûts.

Prenons l'exemple de l'industrie textile. Selon le président de l'Association marocaine des industries du textile et de l'habillement, Mohamed Tazi, le coût de la main d'œuvre marocaine n'est pas élevé, mais la chaîne de production n'est pas complète. Il manque certains maillons importants, comme la production des accessoires. Si les entreprises chinoises implantent leur(s) usine(s) au Maroc, elles pourront, d'une part, réduire le coût du transport des marchandises, et d'autre part, servir le marché local en complétant les chaînes de production. Somitex est une entreprise familiale marocaine confectionnant des vêtements, qui approvisionne depuis longtemps Marks & Spencer, le plus gros détaillant vestimentaire britannique. Son président, Abdelhai Bessa, a confié : « Il nous manque des fournisseurs d'accessoires. Si des fabricants chinois s'implantent au Maroc, nous engagerons volontiers une coopération à long terme avec eux, en partageant nos partenaires et notre accès au marché européen. »

Lors de l'interview qu'il a accordée à la délégation de journalistes chinois, l'ambassadeur de Chine au Maroc, Sun Shuzhong, questionné sur les relations économiques sino-marocaines, a indiqué : « Le Maroc pourrait servir de tremplin aux entreprises chinoises désireuses de s'exporter sur les marchés européen et africain. »

Les zones de libre-échange à la marocaine

Pour attirer les investissements étrangers, le Maroc a établi trois types de zones d'investissement : plates-formes industrielles intégrées, zones industrielles et zones franches. Dans cette liste, les zones franches sont les plus remarquables. À l'heure actuelle, le Maroc en compte cinq, la plus grande étant la zone franche de Tanger, située dans la ville portuaire du même nom. Cette zone franche, la première que le Maroc a établie, possède en outre de riches expériences en matière d'attraction des investissements et de gestion. Citons par ailleurs la zone franche Atlantic Free Zone dans la province de Kenitra. D'autres sont installées à Rabat, Casablanca et Oujda.

À l'instar de la zone de libre-échange de Shanghai, au cœur de l'attention en Chine récemment, le Maroc fixe toute une série de règles pour ses zones franches, généralement établies dans les villes portuaires, où le transport est pratique, et l'économie, plus développée. Les entreprises implantées dans les zones franches, qu'elles soient marocaines, étrangères ou mixtes, bénéficient de politiques fiscales préférentielles. Elles sont exemptées de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu durant les cinq premières années. Les vingt années suivantes, elles sont soumises à l'impôt sur les sociétés au taux de 8,75 %, tandis que 80 % de leur impôt sur le revenu sont exonérés. Et plus une entreprise exporte, plus elle sera exemptée de taxes. Au-delà de ces avantages, les entreprises au sein des zones franches peuvent bénéficier d'une variété de subventions octroyées par les fonds gouvernementaux.

À la différence du modèle de gestion adopté dans les zones de libre-échange chinoises, les entreprises installées dans les zones franches doivent exporter au moins 70 % de leurs produits ; les moins de 30 % restants sont destinés au marché marocain. Ce règlement vise à encourager les exportations, en vue de rétablir l'équilibre de la balance commerciale. En 2013, le déficit commercial du Maroc atteignait 196,39 milliards de dirhams (23,38 milliards de dollars), contre 202,06 milliards de dirhams en 2012 (24,05 milliards de dollars), soit un petit recul de 2,8 %.

Selon l'AMDI, jusqu'à présent, aucune entreprise chinoise ne s'est installée dans l'une des cinq zones franches marocaines.

Les entreprises chinoises au Maroc

Alors que le Maroc ambitionne une restructuration économique, les entreprises chinoises commencent à entrer à pas feutrés sur le marché. Selon l'ambassadeur Sun Shuzhong, sur la trentaine d'entreprises chinoises implantées au Maroc, la majorité opèrent dans les secteurs de l'informatique ou des télécommunications. C'est le cas notamment de Huawei et de ZTE. Les autres entreprises travaillent dans les infrastructures et les travaux publics, construisant des axes routiers, des ponts et des ports.

Ainsi, les entreprises chinoises ne sont pas nombreuses au Maroc. L'ambassadeur Sun invoque deux raisons : « D'abord, les échanges humains entre la Chine et le Maroc sont très faibles. Les entrepreneurs chinois ne connaissent pas bien le marché marocain. Ils ne sont pas familiers avec son environnement ni avec ses politiques d'investissement, et ignorent les avantages qu'affiche ce pays. Ensuite, la procédure d'obtention d'un visa est longue et chère. Rien que pour aller sonder le marché marocain sur le terrain, un investisseur chinois doit attendre deux ou trois mois pour se voir délivrer un visa, et beaucoup perdent patience avant. Les gouvernements chinois et marocain étudient actuellement la possibilité d'un accord pour faciliter les échanges entre les citoyens des deux pays. Depuis mars 2014, les titulaires d'un passeport officiel chinois n'ont plus besoin de visa pour entrer sur le territoire marocain. De plus, une première ligne aérienne directe entre les deux pays devrait ouvrir dans le courant de l'année. J'espère que ces avancées accommoderont les investisseurs et entrepreneurs chinois. »

Parmi les entreprises chinoises implantées au Maroc, Huawei est la « numéro un ». Couvrant déjà 70 % du marché marocain, son chiffre d'affaires annuel se chiffre actuellement à 180 millions de dollars, avec un taux de croissance se maintenant à 10 %. Cette entreprise emploie plus de 400 personnes, dont 75 % sont Marocains, et crée indirectement environ 3 000 postes. En 2012, la société a inauguré la Huawei Morocco Academy, son premier centre de formation francophone.

« Dans le secteur des télécommunications, le marché marocain, relativement mature, compte des sous-réseaux en Afrique, où il exerce une grande influence », explique Xu Xujing, directeur général de Huawei Maroc. Depuis dix ans que le groupe Huawei multiplie les occasions d'affaires au Maroc, il peut témoigner du niveau d'éducation assez élevé des habitants et de l'expérience des sous-traitants, des conditions propices au développement des opérateurs de télécommunications. Par rapport au marché africain pris dans son ensemble, il est plus facile de recruter des employés compétents au Maroc. Huawei s'attache à employer un grand nombre de locaux, pour bien réussir sa délocalisation. En 2013, Huawei Maroc a signé un accord avec le ministère marocain de l'Enseignement supérieur, s'engageant à offrir 50 à 100 stages aux nouveaux diplômés marocains et à embaucher par la suite 20 % des meilleurs d'entre eux.

Huawei connaît bien les politiques mises en place par le Maroc pour stimuler les investissements étrangers. Selon Xu Xujing, son entreprise étudie actuellement son éventuelle installation dans la cité financière de Casablanca. Destinée aux entreprises marocaines et étrangères qui cherchent à opérer localement ou sur les marchés des pays francophones africains, cette zone offrira des avantages fiscaux et financiers aux établissements financiers, aux sociétés de conseil et aux multinationales dont les sièges régionaux se trouvent au Maroc. Si les conditions fournies par cette cité financière sont assez attrayantes et que son développement va bon train, peut-être Huawei déplacera-t-il son siège pour l'Afrique du Nord au Maroc.

Xu Xujing a également commenté les difficultés concrètes auxquelles font face les entreprises chinoises. D'après lui, si les entreprises chinoises n'abondent pas au Maroc, c'est parce qu'elles ne connaissent pas la situation marocaine, ne lui prêtent pas assez d'attention particulière et la considèrent de facto comme n'importe quel autre marché africain. En plus, demander un visa de travail au Maroc est une démarche longue et fastidieuse. Huawei Maroc a d'ailleurs recruté deux personnes chargées spécialement de s'occuper des formalités de visa pour une centaine d'employés chinois.

À l'heure actuelle, quelque 3 000 entreprises étrangères sont actives au Maroc, un pays qu'elles voient comme un tremplin pour explorer d'autres opportunités sur une plus large échelle. Les entreprises chinoises peuvent profiter des avantages géographiques du Maroc et des occasions offertes par son gouvernement, qui appelle à une transition économique. Investir au Maroc permet, d'une part, de créer plus d'emplois dans ce pays et d'augmenter par là même les recettes publiques ; et d'autre part, d'accroître la part de la Chine dans l'économie marocaine ainsi que de porter à un nouveau palier la coopération économique et commerciale sino-marocaine.

 

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