CHINAHOY

28-April-2014

Dongfeng – PSA, un partenariat de plus en plus étroit

 

Le 26 mars 2014 à Paris, a été signé l'accord d'entrée du chinois Dongfeng au capital de Peugeot PSA. (CFP)

 

SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction

La marque chinoise Dongfeng, deuxième marque automobile chinoise, est entrée au capital de PSA Peugeot Citroën le mois dernier. Comment imaginer cela il y a vingt ans, alors que Peugeot mettait seulement « la roue » en Chine avec sa joint-venture Shenlong (Dongfeng Peugeot Citroën Automobile Co., Ltd) ? Aperçu de l'histoire de l'industrie automobile chinoise et de cette coopération.

En voiture !

Chez un concessionnaire Peugeot à Beijing, Wang Maying s'apprête aujourd'hui à acheter sa deuxième voiture : une Peugeot 408, modèle spécialement conçu pour la Chine. « Il y a quinze ans, avoir une voiture : même pas en rêve ! Sauf si tu étais ministre ! Tout était compliqué, très cher, presque personne n'avait de voiture, sauf les officiels, les gens très riches ou qui avaient des relations avec des industriels de l'automobile, c'était une utopie en Chine... Là, tu as vu, il y a des voitures partout, j'en achète même une deuxième ! » À Beijing, il y a six périphériques et il y a des embouteillages tous les jours...

D'un rêve à un autre, la Chine a réussi son grand bond en avant automobile, passant du « pays de la bicyclette » au pays avec le premier marché mondial pour l'automobile. Aujourd'hui, plusieurs marques d'automobiles chinoises s'exportent vers les pays émergents et sont associées avec d'importantes marques étrangères telles General Motors, Volvo, Volkswagen, Audi, Toyota, Suzuki, Peugeot, Citroën et Renault plus récemment.

Coup d'œil dans le rétroviseur

Dongfeng est une des marques historiques de l'automobile chinoise. En effet, l'usine automobile dont est issue Dongfeng est la première à avoir fabriqué une berline quatre portes en Chine, et ce, à la demande du président Mao en 1958. C'est également Mao Zedong qui signera de sa main l'écusson de la voiture « Dongfeng Jinlong » qui donnera le nom de la marque actuelle : Dongfeng (vent d'Orient). Cette berline Dongfeng était une copie améliorée de la Simca 1000. Il fallait faire vite, l'usine Dongfeng qui produisait uniquement des camions Libération à l'époque lança donc un appel à ses ouvriers et ceux-ci, en un temps record, étudièrent les plans et construisirent la voiture à l'identique et à la main ! Elle fut reproduite en 4 jours et 4 nuits seulement. Le président Mao s'exclama alors qu'il pouvait enfin s'assoir dans une voiture chinoise !

Pourtant, pas assez luxueuse, la Dongfeng est vite détrônée par une autre voiture, la mythique Hongqi (drapeau rouge). Berline de luxe uniquement proposée en noir, copiée sur une américaine, possédant vitres électriques, climatisation et un moteur V8 capable de pousser jusqu'à 160 km/h. Elle devint vite la voiture attitrée des fonctionnaires chinois. C'est d'ailleurs elle que les Parisiens ont pu voir débouler dans les rues de Paris, car elle était aussi la voiture des officiels chinois à l'étranger comme des ambassadeurs étrangers à Beijing. Le président Chirac en était fan.

Au point mort

Malgré toutes ces fabuleuses histoires, l'industrie automobile chinoise ne se développa pas à la même vitesse que l'industrie automobile occidentale, et à l'époque, il valait mieux être industriel du vélo pour faire fortune ! En effet, le nombre de voitures fabriquées n'était pas grand, les infrastructures pas en place : pas d'autoroutes, pas de périphériques ni assez de stations essence, réservées en priorité à l'armée. De plus, les familles chinoises dites « normales » n'étaient pas autorisées à acheter de voitures particulières.

« De toutes façons, m'explique mon ami Ma, même si tu pouvais acheter une voiture, il n'y en avait pas à vendre, et il fallait attendre longtemps avant d'en avoir une... » Un peu comme la mythique Traban que beaucoup d'Allemands de la RDA n'ont jamais vu...

Passe une vitesse !

Ce n'est qu'après la politique de réforme lancée par Deng Xiaoping, qui passa quelques années à travailler chez Renault et Hutchinson, que l'industrie automobile commença à monter dans les tours. C'est également lui qui autorisa les premières joint-ventures entre entreprises d'État et des marques automobiles étrangères. À partir de 1987, les familles chinoises furent autorisées à acheter des voitures. « Mais à l'époque, il y avait surtout des voitures importées, elles coutaient très chères à cause des taxes. Il y avait quand même des gens pouvant en acheter parce que l'industrie automobile nationale n'arrivait de toutes façons pas à produire assez de voitures, la fabrication était toujours artisanale », nuance Ma.

Dérapage, glissade

C'est en 1992 que PSA décida alors de rentrer dans le marché chinois, en créant une coentreprise avec Dongfeng, appelée mystérieusement en chinois Shenlong signifiant le « dragon magique ». Mais comparée à Volkwagen et sa Santana culte en Chine, la stratégie de PSA pour son démarrage n'était pas adapté au marché chinois et a failli glisser dans le fossé. Les modèles proposés n'étant pas assez « impressionants », pas assez « solides », pas assez « berline luxe ». Dix ans plus tard, Peugeot se lance aussi sur le marché chinois et fait une timide entrée.

 

La Peugeot 3008, exposée au salon de l'automobile 2013 de Beijing. (XINHUA)

 

« L'industrie automobile chinoise menace l'Europe »

En 2008, un journal allemand titrait : « L'industrie automobile chinoise menace l'Europe. » Vérité à moitié vraie seulement car les voitures chinoises ne sont pas destinées au marché européen mais à la Chine. La plupart des grandes marques européennes sont implantées en Chine et produisent pour le marché chinois. Si l'on considère les investissements des entreprises chinoises dans l'industrie automobile européenne, ils sont en réalité infimes. Mais le marché chinois, devenu premier marché automobile au monde est littérallement en train d'exploser. Il a permis à ces marques européennes de survivre, alors que le marché européen est en train de perdre de la vitesse. Comme l'avait prédit le directeur de la marque chinoise Geely, le marché automobile occidental a connu une crise sans précédent et c'est parfois grâce aux coentreprises basées en Chine que celui-ci a survécu. C'est le cas de General Motors, c'est dans un certains sens le cas de Peugeot aujourd'hui.

Une coentreprise qui fonce

En effet, Dongfeng est un allié de poids pour Peugeot : 3,53 millions de véhicules vendus en 2013 (quelque 16 % du marché), il s'agit du deuxième constructeur du pays, derrière son concurrent SAIC (Shanghai Automotive Industry Corporation), selon les chiffres d'une fédération professionnelle chinoise. La coentreprise compte aujourd'hui quelque 15 000 employés dans ses trois usines de Wuhan. DPCA (Dongfeng Peugeot Citroën Automobile), ou Shenlong de son nom en mandarin, a vendu l'an dernier 550 000 véhicules (+25 % sur un an). À l'image de l'ensemble du secteur, ses ventes se sont accélérées tout au long de 2013, après une production de 440 000 véhicules en 2012. Ils détiennent à présent trois usines à Wuhan, dans le centre de la Chine, avec une capacité de production de 750 000 véhicules par an en 2015.

PSA et Dongfeng, les deux constructeurs espèrent tripler leurs volumes de production à l'horizon 2020, soit 1,5 million de véhicules produits et commercialisés par an, en vertu de l'accord signé définitivement fin mars, selon un représentant de Dongfeng. Pour y faire face, les deux partenaires ne feront pas appel aux usines françaises. Ils envisagent de construire une quatrième usine en Chine, à Chengdu.

Nouveau virage engagé, l'accord d'entrée au capital

Le mois dernier, à l'occasion de la visite du président chinois en France, Peugeot PSA et Dongfeng ont donc cosigné un accord selon lequel Dongfeng est entrée au capital de PSA à hauteur de 800 millions d'euros. Via une augmentation de capital de 1,5 milliard d'euros environ, l'État français et le constructeur automobile chinois Dongfeng sont entrés au capital à part égale, soit environ 14 % du capital chacun. La seconde phase du virage se fera par un appel au marché complémentaire, qui devrait permettre de lever environ 1,5 milliard d'euros, tandis que les salariés se verront également proposer de souscrire à l'opération. Quant à la famille Peugeot, traditionnellement principal actionnaire de PSA, elle verra sa part réduite de 25 % à 14 %.

Ce nouvel accord cosigné entre l'État français, la famille Peugeot et leur ami chinois Dongfeng change complètement la donne de la gestion de PSA qui était avant tout familiale auparavant.

L'organe de surveillance de PSA sera modifié dans son ensemble et composé de six membres représentant les actionnaires clés, de six membres indépendants et de deux membres représentant respectivement les salariés et les actionnaires salariés.

Ce sont Thierry Peugeot, actuel président du conseil, et son cousin Robert, qui représenteront les intérêts des Peugeot à l'avenir. Les deux autres membres de la famille qui occupent aujourd'hui des sièges d'administrateur : Marie-Hélène Roncoroni et Jean-Philippe Peugeot, devront en revanche les céder. Ce dernier deviendra toutefois censeur du conseil, ce qui lui permettra de garder un contrôle sur les décisions prises, sans pouvoir prendre part aux votes.

Le constructeur chinois Dongfeng sera représenté par son président, Xu Ping et par son directeur général adjoint Liu Weidong. Bruno Bézard, directeur général des finances publiques et un membre de la société Sogepa (société de gestion de participations aéronautiques) représenteront les pouvoirs publics français.

Longtemps réticent, Thierry Peugeot a salué dans une interview au magazine français Le Point l'ouverture d'une nouvelle page de l'histoire de PSA Peugeot-Citroën, qui va renforcer sa solidité financière tout en traçant des perspectives de développement ambitieuses et assurer la pérennité du groupe et sa croissance future.

« Je suis très serein avec notre nouvelle base actionnariale, je pense que les trois actionnaires de tête, que sont la famille Peugeot, l'État français et Dongfeng, sont tous intéressés par la même chose, le redressement économique de l'entreprise », a déclaré sur la radio française Europe 1 Carlos Tavares, nouveau président de PSA Peugeot-Citroên lors d'un entretien après l'annonce de l'accord.

le PDG de Dongfeng, Zhu Fushou, dans la réponse qu'il nous a donné s'est voulu rassurant quant à l'avenir de PSA, affirmant que le « dragon magique »(Shenlong) n'allait pas « manger » le constructeur français mais « prendre des risques » avec lui.

Toujours d'après celui-ci, « Dongfeng prendra davantage de responsabilités et répondra aux besoins de liquidités de PSA. Nous participerons au management pour changer la structure du marché et mettre en œuvre le plan de redressement de PSA permettant ainsi de créer des synergies en Chine et sur les marchés asiatiques. C'est un grand soutien que nous apportons à PSA dans le contexte de ses difficultés actuelles. Dongfeng est prêt à partager les risques. Cela montre notre confiance en notre partenaire français. »

Dans la réponse qu'il nous a transmis, le président de Dongfeng a également précisé que PSA et Dongfeng prévoient de lancer deux à trois modèles par an pour l'ensemble des marques Peugeot, Citroën et Dongfeng. Celles-ci devraient répondre aux besoins spécifiques locaux des pays émergents qui ne recherchent pas exactement les mêmes voitures que les Européens. C'est ainsi que certains modèles luxes seront créés, mais aussi des modèles spécifiques, adaptés au premier achat des ménages. Dongfeng et PSA vont également se lancer sur le marché à fort potentiel de l'Asie du Sud-Est.

Pour le moment, seuls les Japonais, les Coréens et les Américains y font la course. Une nouvelle coentreprise exportera des véhicules dans ces pays de l'ASEAN, comme l'Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande ou encore le Vietnam. Souhaitons bonne route à Peugeot et Donfeng et espérons qu'il n'y ait pas de crevaison à grande vitesse !

 

La Chine au présent

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