CHINAHOY

1-April-2014

Le gîte français dans le vieux village chinois

 

En mars 2013, le village de Tangmo.

 

LI YUAN, membre de la rédaction

Datant de la dynastie des Tang (618-907), le village de Tangmo était déjà connu dans l'histoire pour son économie dynamique et ses mœurs simples, d'où son nom actuel signifiant « village modèle des Tang ». Ce village millénaire abrite une centaine de maisons antiques construites à l'époque des Ming (1368-1644) ou des Qing (1644-1911). C'est le dernier village antique entier encore bien préservé dans la région historique de l'Anhui.

En 2009, un projet de coopération sino-français, appelé « Gîtes français », a été mis en œuvre dans le village de Tangmo, relevant de la ville de Huangshan, dans la province orientale de l'Anhui. Suivant le principe de l'exploitation et de la protection des maisons anciennes, le village de Tangmo est devenu un village modèle international du tourisme rural, bien qu'il fasse également face aux problèmes liés à l'héritage et à la protection, tout comme les autres villages anciens.

L'hôtel familial français s'installe dans un village historique chinois

Le village de Tangmo se trouve à quatre heures de voiture de Hefei, capitale de la province de l'Anhui.

C'est un village au style typique de l'Anhui. Il est traversé par un cours d'eau qu'on appelle Tanganxi. Sur les berges de la rivière, des touristes bavardent avec des villageois ou admirent des maisons historiques. Certains étudiants sont en train de peindre sur le vif. Tout cela contribue à redonner vie au vieux village.

C'est grâce à la pancarte « Gîte rural international de Tangmo né de la coopération sino-française », accrochée à côté de la porte, que je peux distinguer cet hôtel familial des autres maisons anciennes présentant des murs blancs et un toit noir.

En poussant la très lourde porte en verre, on peut découvrir une maison typique de l'Anhui : un couloir et une cour, éléments indispensables de l'architecture locale ; le toit en bois ; les colonnes, les portes et les fenêtres toutes sculptées de dessins très fins. Selon les employés, l'hôtel familial qui occupe 1 200 m², était l'ancienne maison d'un homme d'affaires très riche de l'époque des Qing, appelé Wang Yingchuan.

En montant l'escalier, on trouve les chambres qui entourent la cour, au premier étage. À l'intérieur des chambres, il y a d'un côté des meubles de style hui, comme le lit et le fauteuil, ainsi qu'un vieux combinet téléphonique. De l'autre côté, il y a le lustre, la télévision, une baignoire et un vestiaire. La décoration de la pièce est caractérisée par le style hui, auquel s'ajoute le mode de vie occidental. L'aménagement original et le confort moderne permettent de pallier les défauts des maisons traditionnelles hui.

« Les touristes peuvent faire la cuisine eux-mêmes. Si c'est nécessaire, nous pouvons les aider à acheter des ingrédients. S'il y a des évènements folkloriques, ils peuvent les célébrer avec les villageois », explique Li Tun, assistant du directeur général de la Tangmo Huizhou Tourism Development Co. Ltd.

Depuis l'ouverture de ces gîtes, leurs clients sont plutôt des amateurs d'art et des amoureux de la nature. 40 % d'entre eux sont susceptibles d'y revenir encore une fois.

« J'aime bien le style de décoration d'ici, qui combine la finesse des sculptures de la culture hui et l'art de la France qui est axé sur les traits. Mes amis et moi espérons découvrir la culture chinoise en habitant dans un tel hôtel », confie un touriste français à un journaliste.

Le gîte rural international de Tangmo est le premier hôtel en Chine à faire partie de l'association Gîtes de France. C'est aussi la première fois qu'un hôtel membre de cette association s'installe hors d'Europe. Ce gîte rural correspond aux normes et standards techniques des hôtels familiaux français. Ces maisons anciennes, transformées en hôtels, conservent quand même un aspect extérieur et une décoration intérieure qui sont étroitement liés à la tradition locale, tout en faisant valoir le charme de la culture hui. Elles offrent un environnement propre, simple et très confortable.

Gîtes de France a été créé en 1955. Les gîtes sont des demeures privées, dépourvues d'installations complètes comme en possèdent les hôtels conventionnels. Mais leurs tarifs sont bon marché et leurs ambiances sont conviviales. L'association regroupe 58 000 hôtels, et le total de leurs revenus atteint 1,2 milliard d'euros. Chaque année, l'association alloue un fonds de 230 millions d'euros à la restauration de maisons rurales possédant une valeur historique.

En décembre 2013, le gîte rural international de Tangmo comptait déjà 30 chambres suite à l'ouverture de nouvelles maisons d'hôtes. Cette offre permet non seulement de satisfaire la demande des touristes dont le nombre est en augmentation, mais aussi d'insuffler une nouvelle énergie et vitalité en matière de protection du village ancien et de développement du tourisme rural.

 

Les touristes séjournant dans le gîte peuvent faire l'expérience des mœurs locales.

 

La coopération sino-française dans le village ancien

« À la différence des autres villages millénaires où ne restent que des maisons anciennes, le village de Tangmo a conservé son organisation originelle. Celle-ci est basée sur la géomancie et comprend des vieux arbres à la source de la rivière, un pavillon, des ponts, des portiques, ainsi que le jardin Tangan, construit au début de la dynastie des Qing et imitant le lac de l'Ouest de Hangzhou », explique le guide de la zone touristique de Tangmo.

Grâce à ses ressources touristiques rurales particulières, le tourisme rural dans le village de Tangmo se développe peu à peu depuis les années 1980. Parallèlement, face à la demande en randonnées de courte distance pendant les week-ends, les zones rurales du Sichuan et du Yunnan connaissent également un essor touristique autour des auberges paysannes. En 2010, le revenu annuel du tourisme rural chinois a dépassé les 120 milliards de yuans, un gâteau que s'étaient partagé 15 millions de paysans.

Mais après une trentaine d'années de développement, le tourisme rural est confronté à bien des problèmes. Tout d'abord, il perd de plus en plus ses propres valeurs car en imitant les villes, les offres touristiques perdent leurs caractéristiques originales à cause de l'urbanisation excessive. La province de l'Anhui s'est fixé des objectifs pour développer son tourisme : viser le marché touristique international et la clientèle haut de gamme.

Pour la montée en gamme de l'industrie touristique dans le village de Tangmo, en 2007, la ville de Huang-shan, à laquelle le village de Tangmo appartient, a signé avec Offices de Tourisme de France un mémorandum de coopération sur le tourisme rural des campagnes à Huizhou, dans la province de l'Anhui. Sur la base de ce mémorandum, l'Anhui Tourism Group et la région Franche-Comté ont établi un modèle de tourisme rural dans le village de Tangmo. Les deux parties ont précisé qu'elles allaient créer une zone touristique rurale autour du village, tout en mettant en place un système complet comprenant la protection, l'exploitation et l'utilisation du patrimoine, la prservation des cours d'eau, des auberges rurales, ainsi que des villages originaux.

Dès 2008, l'Agence de développement touristique de la France a envoyé à quatre reprises des chercheurs et des ingénieurs dans le village de Tangmo. Ils ont élaboré des programmes de travail très détaillés et des projets d'application destinés à l'aménagement de l'environnement du village et de ses cours d'eau, à la protection du village ancien et à la construction d'hôtels ruraux. Gîtes de France a transféré son expertise technique au village de Tangmo et dépêché des experts pour former du personnel.

Avec l'aide des experts français, le village a terminé des travaux de restauration, tels que ceux du temple de la famille des Xu, du corridor et du portique de la Salle Shangyi, de la résidence du mandarin Xu Chengyao et du temple du Prince héritier.

Selon Li Tun, le concept avancé par la partie française sur la protection du village ancien et des caractéristiques des maisons antiques, ainsi que sur le rétablissement de l'authenticité historique, apporte des avantages aux villageois et a ainsi obtenu leur soutien.

Selon le plan défini, la coopération sino-française se divise en deux étapes. Durant la première, c'est l'Anhui Tourism Group qui gère les gîtes ruraux de Tangmo. Pour la seconde, quand les conditions seront réunies, ce seront les familles paysannes qui prendront en charge ces hôtels en suivant le modèle français. De plus, les deux parties vont promouvoir les gîtes sur Internet.

« 70 % des ressources naturelles, culturelles et touristiques chinoises se trouvent dans les campagnes », indique Hu Xuefan, directeur de l'Office du Tourisme de l'Anhui. Nous nous inspirons des concepts internationaux avancés en matière de tourisme rural, apprenons et introduisons des expériences et des techniques venant des gîtes français en matière de construction et de gestion. Si ce modèle a du succès à Huizhou, nous pourrons le prendre comme exemple en tant que produit de deuxième génération du tourisme rural et le diffuser à travers les campagnes chinoises. Nous pourrons ainsi pousser le développement du tourisme rural chinois vers un plus haut niveau. »

La mise en valeur du modèle du village de Tangmo

Représentant de la culture hui, la ville de Huang-shan compte 13 438 maisons anciennes et 106 villages antiques. La tâche de la protection du patrimoine est donc très difficile.

« Avec le développement de l'urbanisation, un grand nombre d'habitants ruraux émigrent vers les villes. L'architecture de style hui possède elle-même des inconvénients, et les constructions sont délabrées. Les coûts de restauration sont très élevés. Les habitants ne veulent donc plus vivre dans ces maisons anciennes. Dans les régions montagneuses reculées, les villageois ne connaissent pas la valeur de ces bâtiments anciens. Personne ne veut assumer le coût de la protection et de la restauration. Tous ces facteurs sont des obstacles à la protection de l'architecture ancienne. Il y a de nombreuses maisons, beaucoup de bâtisses anciennes et de matériaux de construction qui ne sont pas inclus dans la liste des choses à protéger », explique Fang Lishan, professeur à l'Institut des monts Huangshan. De plus, du fait que les maisons anciennes dans le style de l'Anhui sont en bois et décorées de sculptures dans la même matière, le manque de professionnels constitue encore un autre problème pour la restauration, la réparation et l'entretien de ces maisons anciennes.

En 2009, la ville de Huangshan a mis au point un projet « Cent villages et mille maisons », dont le but est de sauver et de protéger, en cinq ans et en deux étapes, ces « fossiles vivants », tout en restaurant et exploitant 1 065 constructions anciennes réparties dans 101 villages. Depuis cinq ans, la ville y a déjà affecté plus de 6 milliards de yuans.

Selon le directeur adjoint du Bureau du patrimoine culturel de la ville de Huangshan, Hu Rongsun, la mise en œuvre du projet « Cent villages et mille maisons » permet de préserver le patrimoine culturel populaire dans son lieu propre, ce qui aide à bien conserver les caractéristiques des maisons et des villages anciens, mais aussi à perpétuer l'âme et l'essence culturelles et historiques de l'Anhui.

En 2014, la ville de Huangshan va encore renforcer les travaux de protection des architectures anciennes de style hui. Toutes les architectures anciennes seront incluses dans la liste de protection, et la ville va explorer un mécanisme de transfert de propriété. Une société d'achat et d'exploitation des maisons anciennes sera créée. Celle-ci aura pour objectif d'acheter ou louer les résidences anciennes en mauvais état non incluses dans la liste de protection ou celles que les propriétaires ne sont pas en mesure de protéger. Elle introduira des capitaux venant d'investisseurs qui adorent les maisons anciennes et ont les moyens de les protéger et de les exploiter judicieusement. De surcroît, sur la base des archives actuelles des bâtiments anciens, la ville mènera des enquêtes sur la disposition, le nombre et l'état actuel de ceux-ci, complètera leurs documents, plans, informations géographiques, photos et vidéos, en vue d'établir une banque de données.

« Dans le processus de protection et d'exploitation des bâtiments anciens, l'accent sera mis sur la combinaison de la protection et du développement du tourisme, ce qui pourrait permettre de protéger la culture hui, d'enrichir et de diversifier les offres touristiques et de promouvoir le développement de l'économie locale », indique Hu Xuefan.

Aujourd'hui, le tourisme rural, incarné par les maisons d'hôtes anciennes, est promu à grande échelle. Le modèle du village de Tangmo est non seulement devenu un représentant du tourisme rural pour faire découvrir la culture de l'Anhui, mais a aussi généré la création d'emplois pour les habitants locaux et a accru leurs revenus. En 2013, le tourisme rural s'est beaucoup développé. La ville de Huangshan a accueilli 25,5 millions de voyageurs dans le cadre du tourisme rural, générant un revenu de 15 milliards de yuans.

Les travaux de restauration de la troisième et de la quatrième tranche de la zone modèle du village de Tangmo seront bientôt amorcés. Une grande superficie est un facteur favorable à la promotion du village. Nous espérons que le modèle de Tangmo sera suivi par plus de villages. De cette façon, nous pourrons perpétuer la culture hui, mais aussi mettre davantage en valeur nos maisons anciennes construites dans ce style », conclut Li Tun.

 

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