CHINAHOY

28-February-2014

Le Nouvel An tibétain

 

Des Tibétains offrent des sacrifices au dieu de la montagne dans les hauteurs proches de leur village, priant pour un climat propice à la récolte de l'année prochaine.

 

KUNSANG LHAMO*

Le Tibet fête aussi le Nouvel An, mais se base sur le calendrier tibétain. Notre ami Kunsang Lhamo nous raconte comment il a passé le Nouvel An et compare le Nouvel An tibétain et la fête du Printemps chinoise.

Ambiance festive au Tibet !

« Nous pouvons presque célébrer une fête chaque mois ! Tous les jours sont pour nous comme des fêtes », disent souvent les Tibétains. Les bergers et paysans du district de Burang, dans la préfecture de Ngari au sud-ouest du Tibet sont très fiers de leurs traditions.

Le 2 janvier 2014 , c'était le Nouvel An Burang selon le calendrier tibétain. Je suis arrivé la veille chez Pasang, une amie tibétaine dans le district de Burang. Dans la maison, toute la famille était occupée à faire le ménage.

Pasang m'explique qu'en raison des différences historiques, régionales, climatiques et saisonnières, la date du Nouvel An diffère dans chaque région du Tibet : par exemple, dans la préfecture de Nyingchi, le premier jour du dixième mois du calendrier tibétain est ce qu'on appelle le Nouvel An Kongpo ; dans la préfecture de Ngari, le Nouvel An Burang, c'est le premier jour du onzième mois du calendrier tibétain ; pour la préfecture de Xigaze, le Nouvel An agricole est le premier jour du douzième mois ; dans les autres endroits représentés par Lhassa, le Nouvel An est le premier jour du premier mois, qui est aussi la fête du Printemps selon le calendrier lunaire.

Le Nouvel An, un nouveau commencement

Pasang me fait remarquer que le Nouvel An au Tibet signifie non seulement célébrer le passage à la nouvelle année, mais aussi le passage à une nouvelle vie. Ainsi, toutes les familles du district de Burang se doivent de nettoyer leur maison, de changer les housses des fauteuils, et de dessiner de nouvelles peintures porte-bonheur avec de la farine d'orge sur les murs de celle-ci.

Après tous ces préparatifs, à la tombée de la nuit du dernier jour de 2013, les locaux se préparent à passer la nuit de « gutu » : « gu » signifie "nouveau" en tibétain et « tu » la soupe ou les nouilles de farine d'orge. Selon les anthropologues, manger le « gutu » serait sensé écarter les démons. Le rituel en est donc assez solennel.

En effet, la maman, Kelsang m'explique que lorsqu'on prépare le « gutu », on prépare également des pâtes de farine farcies de piment fort, de poils de mouton, de charbon de bois, de pierres, de ginseng et de pois. Il faut savoir que les pâtes farcies avec des ingrédients non comestibles ne doivent pas être mangées mais juste croquées. Ces ingrédients ont tous une signification particulière : être sarcastique, avoir le cœur sensible, avoir des mauvaises intentions, être impitoyable, être chanceux et intelligent.

Pour la famille de Konchog Tenzin dont les trois générations sont réunis pour le réveillon, la nuit « gutu » est un moment joyeux ! Le grand-père, Konchog Tenzin a mordu dans la pâte contenant le piment fort. Ce qui a fait rire ses petits-enfants, ils me disent en rigolant que cela signifie que leur grand-père est devenu la personne « la plus sarcastique » de la famille, alors que Rigzin Kangco, la fille cadette chérie par toute la famille, a pris deux bols de « gutu », et elle a mordu dans ceux avec le ginseng et le pois faisant d'elle la plus chanceuse et la plus intelligente.

 

Le 2 janvier du calendrier tibétain, c'est le moment pour les habitants de rendre visite à leurs parents et amis.

 

Nouvel An tibétain et fête du Printemps chinoise

Il existe beaucoup de similitudes entre le Nouvel An tibétain et la fête du Printemps chinoise. Le « gutu » que l'on mange le 29e jour du douzième mois du calendrier tibétain ressemble un peu au repas du réveillon de la fête du Printemps et signifie comme les raviolis qu'on dit au revoir à l'année qui s'achève et qu'on fête l'arrivée du Nouvel An. Que ce soit lors du Nouvel An tibétain ou pendant la fête du Printemps, on accroche dans les deux cas des lanternes et des nœuds tressés porte-bonheur, ainsi que des calligraphies le long des portes pour souhaiter le bonheur et la prospérité, l'ambiance est vraiment festive ! Au Tibet, au moment du Nouvel An tibétain, les gens vont aussi au marché pour acheter les différents ingrédients nécessaires pour la préparation du « gutu » et ils achètent aussi les calligraphies citées plus haut qui sont très demandées. Les citadins, les paysans et les commerçants en achètent tous.

Le « Nangkang » du Nouvel An du district de Burang est l'équivalent de la veille de la fête du Printemps, le dernier jour de l'année. Dans la journée, les habitants tibétains peuvent encore aller au marché faire des achats pour la fête. Ce matin-là, Dawa Dorje venant du village Doiyoi dans le district de Burang emmène en tracteur sa famille au marché pour faire des achats pour la fête. Un étal de costumes tibétains attire l'attention de la famille. Dawa essaie de nouveaux vêtements, sa femme l'aide à choisir. Leurs visages rayonnent de joie. Dans un autre village, la famille Migma a aussi acheté des sucreries, des boissons, de l'alcool et des fruits secs. Ils attendent le retour des autres membres de la famille pour passer ensemble le réveillon.

Marchés ambulants et artisanat

« Le marché des produits du Nouvel An du district de Burang est le moment de remplir leur compte pour les commerçants », s'exclame Lhamo Tsomo, patronne d'une boutique. Elle profite de cette période pour faire les marchés de Lhassa à Burang. Comme elle a un bon stock de marchandises, ses affaires marchent bien. Chaque jour, elle peut gagner jusqu'à environ 3 000 yuans.

Avant que les personnes dans les endroits tels que Lhassa ne passent le Nouvel An traditionnel tibétain le premier jour de janvier du calendrier tibétain, les Tibétains dans la préfecture de Xigaze célèbrent leur Nouvel An agricole du calendrier tibétain, qui est aussi animé et joyeux que le Nouvel An Kongpo ou Burang. Comme la préfecture de Xigaze n'est qu'à moins de 300 km de Lhassa, capitale régionale du Tibet, à l'approche du Nouvel An, un grand nombre de Tibétains de Xigaze se rendent à Lhassa pour faire des achats pour la fête. Au moment du Nouvel An du calendrier traditionnel tibétain, on les retrouve sur les marchés pour vendre de la viande et des produits laitiers qu'ils produisent chez eux. Les habitants de Xigaze viennent aussi à Lhassa pour vendre les objets d'artisanat qu'ils fabriquent eux-mêmes.

Les « Zizha », fleurs de beurre

Lors du Nouvel An du calendrier tibétain, toutes les familles tibétaines doivent acheter un porte-bonheur que l'on appelle le « Qiemahe » : une sorte de boîte rectangulaire en bois, remplie de grains de blé sautés et de farine d'orge, parmi lesquels on insère les épis de blé et les « Zizha » qu'on appelle aussi les fleurs de beurre. Cela signifie la longévité, la bonne récolte et la prospérité.

Les « Zizha » sont faits à partir du beurre par les bergers de Xigaze. Selon les artisans locaux, le beurre est facile à sculpter. Ainsi, au moment du Nouvel An, les familles tibétaines et les temples préparent du beurre pour faire des « Zizha » et s'en servir comme offrandes.

Le processus de fabrication des « Zizha » n'est pas une partie de plaisir. Avant la fabrication, les artisans doivent ajouter d'abord des colorants minéraux différents dans le beurre blanc et le mélanger avec eux. Quand le beurre s'est solidifié, il faut encore sculpter les morceaux de beurre pour en faire toutes sortes de formes. Les « Zizha » sont de toutes formes et de toutes les couleurs.

Selon Tashi Phuntsog, artisan local, ces fleurs de beurre sont belles mais ne sont pas faciles à conserver. Si la température est un peu élevée à l'intérieur de la maison, elles fondent. C'est évidemment pour cela que l'on ne les fabrique qu'en hiver, et les artisans doivent se tremper régulièrement les mains dans l'eau froide lors de la fabrication des fleurs de beurre pour éviter de les faire fondre à cause de la température de leur corps. C'est une dure épreuve pour ces artisans.

Les décorations des « Zizha » sont très riches : on trouve des soleils, des lunes, des étoiles, des fleurs, des plantes, des oiseaux, des animaux, des pavillons, des terrasses, des personnages historiques, etc. Le plus fréquent sont les décorations qui symbolisent les bonnes augures et la longévité. Phurjung, artisan tibétain, a expliqué que les « Zizha » se vendent par deux et que chaque paire est décorée d'un dessin porte-bonheur.

Cette année, un mois seulement sépare le Nouvel An du calendrier tibétain traditionnel de la fête du Printemps chinoise. Les Tibétains qui vivent à Lhassa et ses environs pourront donc passer successivement ces deux fêtes. Que ce soit le Nouvel An du calendrier tibétain ou la fête du Printemps, ils les considèrent comme les deux fêtes les plus importantes à célébrer. Le Nouvel An tibétain dure environs deux semaines. Deux semaines de danses, de chants, de festins qui leur permettent d'accueillir dans la joie et la chaleur de leur famille la nouvelle année, qui pour eux symbolise aussi le début d'une nouvelle vie !

 

*KUNSANG LHAMO est journaliste à la branche tibétaine de l'Agence de presse Chinanews.

 

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