CHINAHOY

3-July-2015

Inscription sur Huashan par Jin Nong

 

Inscription sur Huashan de Jin Nong, l’album mis aux enchères par China Guardian.

 

 

Présentation d’un calligraphe qui s’est essayé tant à diverses écritures qu’à divers arts, avec toujours cette même pointe de génie au rendez-vous. 

LU RUCAI, membre de la rédaction

Au mois de mai 2015, la maison China Guardian a organisé une vente aux enchères de calligraphies et peintures anciennes. Parmi elles, une œuvre nommée Inscription sur Huashan, réalisée par un calligraphe et peintre de la dynastie des Qing nommé Jin Nong (1687-1763), a été adjugée à 40,25 millions de yuans. Un montant record pour les créations de cet artiste.

Si Jin Nong a aussi souvent changé de styles calligraphiques, c’est principalement parce qu’il fut inpiré par une inscription sur ce mont Huashan. Au milieu de sa vie, il a commencé à l’imiter, s’essayant à divers genres, tels que le lishu (écriture carrée et arrondie aux angles), le kaishu (style régulier) et le qishu (écriture carrée), dont il est l’inventeur. À ce sujet, Jin Nong a exprimé dans un poème : « Je me sens honteux de n’être qu’un esclave des anciens calligraphes, et je reconnais la stèle de Huashan comme maître. » Ces mots reflètent bien l’impact que cette inscription avait eu sur lui. Il composa un ouvrage intitulé Carnet de copies de l’Inscription sur Huashan de l’Ouest, actuellement conservé au musée de la Cité interdite.

L’Inscription sur Huashan de Jin Nong, vendue aux enchères à un prix astronomique, était auparavant un grand rouleau. Selon Shao Songnian, collectionneur à la fin de la dynastie des Qing, cette œuvre était à l’origine composée de dix lignes : les neuf premières comptaient chacune 22 caractères ; seule la dernière n’en dénombrait que 11. Si l’on ajoute à ces chiffres 6 sinogrammes pour le nom de l’auteur et une brève présentation, on arrive à un total de 215 caractères. Sur la base d’une analyse informatique, les experts estiment que ce rouleau devait mesurer 3,6 m de long et 1,93 m de large. Cependant, l’épigraphiste Huang Xiaosong, qui avait possédé l’œuvre par la suite, l’avait transformée en un album, pour pouvoir la transporter et l’admirer avec plus d’aisance. Fidèle au style lishu que Jin Nong employait dans ses premières années de création, cette œuvre n’est pas une copie conforme de la stèle du mont Huashan. Elle met l’accent sur l’épaisseur et la simplicité des traits, tout en mêlant tracé fluide et coups de pinceau furtifs. Cette création est considérée comme l’un des chefs-d’œuvre de Jin Nong.

 

Album de fleurs et fruits, une des œuvres de Jin Nong.

 

L’antique Inscription sur Huashan de l’Ouest fut gravée en 161, sous le règne de l’empereur Huandi de la dynastie des Han de l’Est (25-220). Elle fut découverte dans le Temple de la montagne de l’Ouest, dans la province du Shaanxi. Quatre ans plus tard, elle fut rénovée et une stèle fut dressée. La stèle du mont Huashan mesurait 2,57 m de long et de 1,2 m de large, sur laquelle étaient inscrites 22 rangées de caractères (37 caractères maximum pour chaque ligne). À l’exception des six caractères en haut gravés selon le style zhuanshu (sigillaire), tout le texte était écrit en lishu. De la dynastie des Han de l’Est jusqu’à la dynastie des Song (960-1279), la stèle fut globalement bien préservée. Malheureusement, la tablette disparut dans un grand séisme qui secoua Guanzhong (Shaanxi) en 1555.

Les meilleures œuvres de Jin Nong furent principalement réalisées selon le style xingshu (semi-cursif) et lishu. Au début de sa carrière, Jin Nong utilisait l’écriture lishu, structurée et modeste. Mais il entrait peu à peu dans une routine. Plus tard, il a créé un nouveau style, baptisé le qishu, selon lequel les caractères sont tracés à l’encre dense et ressortent ainsi d’autant mieux sur le papier. Au moyen d’un pinceau s’apparentant à une brosse plate, il écrivait autant qu’il peignait. Bien que le style qishu semble simple et ne soit pas défini par un ensemble de règles, il apparaît plein de puissance et de grandeur. Quant au xingshu de Jin Nong, inspiré de la gravure sur stèle et de son qishu, il fusionne les techniques du kaishu, les gestes vifs du lishu et la conception artistique du zhuanshu, pour donner un style unique.

Jin Nong figure parmi « les huit excentriques de Yangzhou », expression commune pour désigner les calligraphes et peintres qui exerçaient leur art à Yangzhou (Jiangsu) au milieu de la dynastie des Qing, lesquels adoptaient tous un style similaire et une attitude désinvolte. Grand savant, Jin Nong fut l’un des premiers d’entre eux. Il était passé maître dans de nombreux domaines : poésie, calligraphie, peinture, sigillographie, musique, appréciation et collection d’œuvres d’art... Ayant raté sa carrière d’officiel, il voyagea aux quatre coins du pays en se consacrant à la calligraphie.

À l’âge de 50 ans, il se mit à peindre. Grâce à ses compétences et à sa profonde culture, ainsi qu’à ses innombrables excursions, il obtint également un succès remarquable avec ses peintures. Il excellait dans la représentation de bambous, de pruniers, de chevaux, de statues bouddhistes, de paysages naturels ainsi que dans la réalisation de portraits. Au mois de décembre 2009, une de ses œuvres nommée Album de fleurs et fruits a été vendue aux enchères au prix de 39,76 millions de yuans.

Jin Nong peignit même, à l’âge de 73 ans, son autoportrait. On y distingue un homme âgé en habit de toile, avec une barbe touffue et une tresse fine tombant à l’arrière de son crâne. Debout, se maintenant grâce à un bâton, il affiche une posture à la fois assurée et détachée, au reflet de l’orgueil et de l’indocilité de Jin Nong. Avec ses lignes simples et brutes, cet autoportrait se voulait en fait ressemblant à l’esprit de l’auteur plutôt qu’à son apparence physique.

 

 

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