CHINAHOY

4-February-2015

Xu Lei et ses peintures à l’encre « nouveau style »

 

Xu Lei.

 

À la découverte des travaux de Xu Lei, qui cherche la voie médiane entre tradition et modernité, entre Orient et Occident et entre styles du Nord et du Sud...

LU RUCAI, membre de la rédaction

Lors de la séance spéciale de ventes automnales organisée par la maison China Guardian sur le thème « Exploration – recherches sur la diversification de la peinture traditionnelle chinoise », l'œuvre Rainbow Stone du peintre Xu Lei a été adjugée pour 18,4 millions de yuans (environ 2,4 millions d'euros). Un record pour ses œuvres mises aux enchères.

Peinte à l'encre de couleur sur soie et achevée en 2012, Rainbow Stone a coûté à son auteur six mois d'efforts. Selon Xu Lei, cela faisait cinq ans qu'il réfléchissait à cette œuvre. Mais ce n'est qu'au moment où il a choisi la soie comme support que sa création a réellement commencé. La soie est transparente et se prête bien à la peinture de grand format. Cette peinture, comme ses autres œuvres, reprend l'esthétique personnelle de Xu Lei. L'image représentée dans la peinture Rainbow Stone est très simple. On y voit un arc-en-ciel qui se mue en pierre dans le vide. « Cette peinture rappelle le tai-chi : deux choses se mêlent pour former un tout. Elle illustre l'approche des Chinois lorsqu'ils sont confrontés à des problèmes ou des contradictions, explique Xu Lei. Beaucoup de ses œuvres incarnent l'esprit du juste milieu des Chinois, eux qui savent si bien juxtaposer les extrêmes.

Né en 1963 à Nantong dans le Jiangsu, Xu Lei est diplomé de la faculté des beaux-arts de l'université des Arts de Nanjing. Il a travaillé et mené des recherches à l'Institut de la peinture traditionnelle chinoise du Jiangsu pendant des années, avant d'intégrer le musée d'Art du Jiangsu. Il reconnaît que Marcel Duchamp l'a beaucoup influencé. Pour lui, c'est un « artiste qui sait refléchir ». Évoquant les artistes modernes dont il ressent l'influence, il a expliqué : « Les sources d'inspiration de mes œuvres sont nombreuses et variées : les miniatures persanes, les fresques de Pompéi... il y a aussi l'influence d'Yves Klein, non pas de certaines de ses œuvres, mais plus généralement de son goût pour le vide culturel. »

 

 

 Rainbow Stone.

 

Xu Lei était l'un des représentants du mouvement « Nouvelle Vague » né vers 1985. À l'époque, les jeunes artistes chinois ont commencé à repenser l'art traditionnel chinois, s'inspirant des formes de l'art avant-gardiste occidental et explorant de nouvelles voies artistiques. En 1989, deux de ses œuvres, Le Cœur et les poumons sont normaux réalisée en 1986 et Fission réalisée en 1987, ont été présentées à « La grande Exposition d'art moderne de Chine », qui se tenait au Musée des beaux-arts de Chine. Le Cœur et les poumons sont normaux présente la forme de papillon du tampon apposé sur un rapport médical radiologique du cœur et des poumons, superposant les deux images. Fission s'inspire de fissures dans la chaussée goudronnée.

Pourtant, Xu Lei a vite senti que la mode collective risquait d'éclipser la personnalité des artistes. Il a commencé à mettre en doute l'art avant-gardiste occidental. Dès les années 1990, il n'apparaissait plus dans les cercles avant-gardistes et préférait reprendre le pinceau et le papier traditionnels chinois, se gardant pourtant de reproduire la peinture classique chinoise. Cette caractéristique marque toujours ses œuvres. Depuis 1995, ses peintures dénotent un goût pour les énigmes : chevaux, bleu et blanc, papillons, carte, rocailles... Ses peintures superposent style intellectuel de l'art traditionnel chinois et signaux visuels. À partir de 2012, ses images sont sorties de leur isolement, et le ton sombre a fait place à un style plus clair. Ses compositions sont devenues plus simples et vastes. Rainbow Stone est représentative de cette nouvelle tendance. Cette transformation a aussi été couronnée d'un succès auprès des amateurs d'art. Néanmoins, Xu Lei considère que l'essence de ses œuvres reste la même. « Dans la forme comme dans le contenu, je cherche depuis des années une voie médiane pour trouver l'équilibre. Un équilibre entre peinture orientale et occidentale, entre antiquité et modernité, entre style du Nord et du Sud, ainsi que des comparaisons entre les images. »

Le gris et le bleu dominent dans beaucoup de ses œuvres, surtout le bleu. Il relie cette tendance à ses souvenirs d'enfance. « Les expériences de mon passé se placent dans les années révolutionnaires : à l'époque, la révolution et les violences relatées par les œuvres artistiques étaient symbolisées par le rouge. » Lui a choisi le contraire du rouge.

Xu Lei est considéré comme le chef de file de la nouvelle peinture à l'encre. Mais lui se voit comme un « cas isolé ». « Par rapport à l'école dominante, ses œuvres sont partiales, très personnelles. » « Il n'est pas du tout important que ses œuvres soient classées ou non parmi les peintures à l'encre. »

Avant le succès de Rainsbow Stone sur le marché, Xu Lei a longtemps vécu dans l'anonymat. Il n'en est pas mécontent. « J'avais la liberté de ne pas être dérangé, la liberté de rester longtemps hors du point de mire. Il n'y a que dans un endroit calme, peu agité, que l'on peut grandir aisément. »

 

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