CHINAHOY

3-July-2015

Fang Kun, missionnaire des arts du bouddhisme tibétain

 

Des statues bouddhistes tibétaines à l’exposition organisée à Taiwan.

 

LI GUOWEN, membre de la rédaction

Nous rencontrons Fang Kun par une belle matinée d’été, sur l’île de Xianwu à Lhassa, dans une villa de style tibétain toute neuve. L’objet de notre rencontre : l’art bouddhiste tibétain. Sur le mur extérieur de la maison sont peints deux caractères géants : 醍醐 Tihu. « C’est l’abréviation d’une sentence bouddhiste qui signifie littéralement ‘‘arroser la tête d’un croyant avec de l’huile de beurre’’, et veut dire en fait ‘‘diffuser la sagesse et recevoir l’éveil’’, m’explique Fang Kun.

Depuis l’année dernière, celui-ci et de jeunes artistes caressant un idéal commun ont créé la société Art Tihu.

Passion dès l’enfance

Fang Kun est né en 1984 dans le district de Jonê de la préfecture autonome tibétaine de Gannan (province du Gansu). Il est issu d’une famille mixte, d’un père tibétain et d’une mère han. Tout près de chez lui se trouvait le plus grand temple de la localité : le temple Chanding. Il a grandi dans les volutes d’encens du bouddhisme tibétain et il a côtoyé dès son enfance les arts liés à cette religion tels que la fabrication des fresques, des thangka (peinture sur toile) ou la fonte des statues bouddhistes.

Il a étudié ces arts à l’université de Lanzhou par la suite. À cette époque, de nombreux camarades et amis han montraient un intérêt accru pour ces formes artistiques. Lui trouvait que le côté mystique de ces arts empêchait dans une certaine mesure leur plus large diffusion et développement. Pendant ses études de maîtrise à l’université de Beijing, il a découvert que ce courant était très en vogue, mais qu’il y avait pénurie d’œuvres de réelle qualité. C’est alors que lui est venue l’idée de diffuser les arts bouddhistes tibétains.

En 2010, après son diplôme, Fang Kun a trouvé un poste à la commission des affaires étrangères du Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois. Il a plusieurs fois eu l’occasion d’aller visiter les zones où vivent les Tibétains pour effectuer des enquêtes sur l’héritage et le développement de leur culture. C’était partie intégrante de son travail.

 

Fang Kun explique l’art tibétain lors de l’exposition organisée à Taiwan.

 

Création d’une plate-forme de diffusion

Puis en 2013, Fang rencontre Zhang Junyan, journaliste du Southern Weekend, également passionné par le bouddhisme tibétain, et Sheng Liyu, qui a fait ses études universitaires à l’étranger et est maintenant spécialisé dans l’organisation d’expositions d’art. Le même goût commun pour l’art tibétain les a poussés à quitter leur travail pour fonder ensemble une société : Art Tihu.

Fang Kun est intarissable lorsqu’il parle de celle-ci. Art Tihu est spécialisée dans la production d’œuvres d’art tibétaines haut de gamme pour satisfaire les demandes du marché international. Elle souhaite devenir une marque de premier plan dans le domaine. Fang Kun fait confiance à ses cofondateurs : « Nous connaissons bien les méthodes de diffusion à l’étranger, ainsi que la demande chinoise et celle de l’étranger pour les œuvres d’art tibétaines. Nous avons la capacité de nous tailler une place sur le marché mondial. »

Aux yeux de Fang Kun, Art Tihu n’est pas seulement une société. Elle est également une plate-forme de nouveaux médias dans le domaine de l’art tibétain. « En l’espace d’un an, grâce à notre site Internet et notre compte public sur WeChat, nous avons pu recueillir plus de 50 000 clients, dont certains se sont inscrits depuis New York, Paris, Taipei, Hong Kong ou encore Singapour », nous décrit-il.

Après deux années d’efforts, la société de Fang Kun a amassé un énorme potentiel : elle possède un carnet d’artistes de première classe et en fait la promotion sur son site Internet, où sont publiés des interviews, des ouvrages en ligne, des thangka, des toiles, des installations artistiques et des photos. Art Tihu possède également une liste de fournisseurs de produits culturels qui réalisent des reproductions d’objets culturels, ou l’impression d’œuvres sur toile ou sur soie. Enfin, elle possède une banque de données de clients grâce à son site et à la plate-forme WeChat.

Une exposition consacrée aux statues bouddhistes tibétaines a été organisée du 14 février au 8 mars 2015 à Taiwan, à l’occasion du premier anniversaire de la création de Tihu. Cette exposition regroupait plus de 80 créations de plus d’une trentaine d’artistes et d’héritiers du patrimoine immatériel national. Les ouvrages exposés couvraient l’art traditionnel et l’art moderne. On y trouvait des gravures sur pierre Mani, des fresques de Gauge, des gravures sur bois, des thangka des cinq écoles religieuses du bouddhisme tibétain, des peintures à l’encre, des peintures sur tissu, des installations et des photographies.

L’exposition est devenue le premier événement de l’année 2015 dans les échanges culturels entre les deux rives du détroit de Taiwan. Elle a contribué à élargir l’influence de la culture tibétaine, et permis aux Taiwanais de voir le développement et la prospérité de la culture tibétaine. Son succès a également démontré que les cultures ethniques peuvent devenir un pont dans les échanges culturels avec l’extérieur, quand cette diffusion s’opère de manière professionnelle. Par la suite, les organisateurs de l’exposition ont reçu des invitations venant de New York et de Séoul. Ils envisagent de tenir une exposition à travers le monde entier dans les cinq années à venir.

Une renommée à construire

La réussite de l’exposition à Taiwan a apporté une plus grande renommée à Art Tihu. Mais Fang Kun veut encore étendre les activités de Art Tihu : notamment créer une agence artistique et lancer des innovations culturelles, qui comprennent émissions de télévision et conférences sur les arts.

À long terme, Fang Kun espère promouvoir davantage la culture du bouddhisme tibétain, afin que celle-ci puisse pénétrer dans les familles chinoises, mais aussi s’exporter dans les grandes villes du monde entier. « Nous cherchons à faire entrer l’art bouddhiste tibétain et les produits dérivés dans le design intérieur, pour que les gens décorent leur maison avec, nous dévoile-t-il. Cela nécessite avant tout d’effacer l’image désuète d’un boudhisme tibétain avec ses vieux mantras. »

Dans les grandes villes, des gens se servent de cet engouement pour le zen ou le yoga pour arnaquer les gens en leur vendant un simili de culture tibétaine. Fang Kun nous explique que c’est un phénomène à double tranchant : d’une part, cela démontre une demande spirituelle des citadins, et d’autre part, une tendance qui méprise l’essence même du bouddhisme tibétain.

Selon lui, pour mieux faire accepter le bouddhisme tibétain aux familles citadines, il faut démystifier le bouddhisme tibétain. « J’espère qu’Art Tihu jouera un plus grand rôle dans ce processus », conclut-il.

 

 

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