CHINAHOY

4-August-2015

Tobgye et ses petits protégés

 

Tobgye avec un de ses singes.

 

LI GUOWEN, membre de la rédaction

Tobgye travaille comme garde forestier pour le Bureau des forêts du district de Gongbo gyamda, au Tibet. Il habite dans le village de Linze, au pied de la montagne Jagga dongtsen, à 30 km vers l'est. À 67 ans, il mène une vie paisible avec sa femme et leurs nombreux enfants et petits-enfants.

Les macaques descendent de la montagne

Le district de Gongbo gyamda, dont la superficie se compose à 28 % de forêts, abrite un grand nombre d'espèces animales et végétales rares, dont le singe rhésus ou macaque.

Les singes rhésus vivent dans les districts de Chagyab et de Gongbo gyamda. Ils se nourrissent de feuilles, de bourgeons, de fruits et de tiges, et aussi de pousses de bambou. Ils fréquentent parfois des régions agricoles pour chercher de la nourriture et ne craignent guère les hommes. La colonie de la montagne Jagga dongtsen compte plus de 3 000 individus, dont quatre groupes qui s'aventurent souvent hors de la forêt. Pourtant, ils sont nourris par le garde forestier Tobgye afin de limiter leurs incursions sur les plantations locales.

Il y a dix ans, une cinquantaine de singes rhésus avait envahi les champs du village de Linze. Ils ont dévoré toutes les graines que les agriculteurs venaient de semer. Comme ceux-ci ne parvenaient pas à les chasser de leurs terres, et du fait de la superstition qui fait de ces singes une réincarnation de leurs ancêtres, ils ont fini par se résigner à abandonner leurs champs aux singes plutôt que de les tuer. Avec l'aide des autorités locales, 15 familles paysannes ont trouvé de nouveaux terrains pour construire leurs maisons et cultiver des terres. « Afin de laisser la place aux singes, les villageois ont cédé 163 mu (1 mu =1/15 ha) de terres fertiles. D'autre part, ils se sont mis à cultiver du maïs spécialement pour nourrir ces singes sauvages », m'explique Tobgye.

Tobgye nourrit les singes rhésus

Cela fait maintenant 16 ans que Tobgye nourrit les singes rhésus de la montagne. En cet après-midi d'été, près de 200 singes accourent aux appels de Tobgye, ils tournent autour de lui. Ils sautillent entre les branches, font des bruits d'impatience. Tobgye sort de son panier des épis de maïs et des fruits que les singes s'arrachent aussitôt. On voit qu'il est heureux de cette ambiance où se retrouve l'harmonie entre l'homme et la nature.

Dans son travail de garde forestier, Tobgye parcourt quotidiennement la montagne, et il a peu à peu appris à déchiffrer les comportements des rhésus et même à nouer une relation étroite avec ces animaux. C'est pour cela qu'il s'est mis à les nourrir. Tobgye m'explique : « Au début, ces singes se montraient très hostiles envers moi. Ils me blessaient souvent lorsque je leur donnais à manger. Un jour, j'ai sauvé une femelle avec son bébé, qui avait un accouchement difficile. C'est à partir de ce moment-là que j'ai eu l'impression que ces singes commençaient à m'accepter et à me faire confiance. Maintenant, je les considère presque comme mes enfants. »

Comme Tobgye a continué de nourrir ses singes, ceux-ci sont venus vers lui toujours plus nombreux. Maintenant, il suffit qu'il lance un cri de reconnaissance en sortant de sa maison pour que les singes descendent de la montagne pour se régaler des provisions qu'il leur apporte.

Les années ont passé et les autorités locales ont compris l'importance du rôle de Tobgye pour la protection écologique et le développement du tourisme. C'est pourquoi il fut décidé de créer « un paradis des singes rhésus » à Linze.

 

Aire de jeux des macaques.

 

Établissement du Paradis des singes rhésus

Suite à la création du site touristique, les autorités locales ont pris une série de mesures destinées à renforcer la protection de ces primates, comme l'interdiction d'abattre les arbres et l'installation de systèmes de prévention contre les incendies de forêt. Grâce à l'amélioration de l'environnement, on a vu grossir la colonie des rhésus.

En 2013, la région autonome du Tibet a mis un point final à ses travaux de délimitation des zones écologiques protégées ainsi que le tracé des « lignes rouges » à ne pas franchir, qui se traduisent par des normes sociales et environnementales. C'est ainsi que la Direction générale des forêts du Tibet a établi quatre lignes rouges écologiques de protection des bois et des forêts, des zones humides, de la végétation dans les zones arides et des espèces animales et végétales. Ce dernier point interdit formellement l'exploitation des réserves naturelles nationales et régionales pour assurer la préservation des espèces en voie de disparition.

Le Bureau du tourisme du district a fait construire une clôture autour des 163 mu de terres de la réserve où il est prévu de bâtir un bâtiment destiné à abriter les femelles gestantes.

Grâce aux efforts de promotion du tourisme déployés par le Bureau du tourisme et l'Agence de voyage, les touristes viennent toujours plus nombreux dans le village pour admirer les singes rhésus, permettant à des hôtels familiaux de se développer rapidement et aux villageois d'augmenter leur revenu.

Après la mise en route du Paradis des singes rhésus à Linze, Tobgye en est devenu tout naturellement l'éleveur. Le Bureau du tourisme du district lui paie non seulement le maïs destiné aux singes, mais encore un salaire mensuel de 1 000 yuans.

Grâce à ce salaire, Tobgye peut désormais se consacrer entièrement à son travail. « Je viens nourrir les singes tous les jours, sans exception, même le jour du Nouvel An tibétain », m'affirme-t-il ainsi. Il observe attentivement les comportements des singes pour pouvoir s'occuper toujours mieux de ses petits protégés.

Observation attentive des comportements des rhésus

Tobgye a remarqué que chaque groupe de rhésus a un chef. « Est roi celui qui prend la tête du groupe de rhésus qui descend de la montagne pour chercher de la nourriture. Le chef laisse derrière lui le groupe et descend le premier pour voir s'il y a des prédateurs dangereux aux alentours. »

La position de chef est déterminée par les faveurs que lui accordent les femelles, en particulier celles qui ont de nombreux petits. Une fois qu'il est abandonné par les femelles, le chef est chassé du groupe.

Les femelles sont prêtes à tout instant à protéger leurs petits. Tobgye avertit toujours les touristes qu'ils ne doivent pas toucher aux bébés singes lorsqu'ils leur donnent à manger, sous peine d'être attaqués par les femelles.

Un jour, alors que Tobgye distribuait la nourriture, j'ai eu l'impression que ceux-ci ne semblaient jamais manger à leur faim, puisqu'ils ne cessaient d'ajouter des morceaux dans leur bouche. Tobgye m'a dit que si les singes ne semblaient jamais rassasiés et bondissaient pour s'arracher des morceaux, ce n'est pas par faim. La clé du mystère est que les singes ont développé des poches de stockage dans leurs joues, ce qui leur permet d'emmagasiner de la nourriture qui sera consommée plus tard, à leur retour en forêt. « Pour avoir plus à manger, les astucieux primates récoltent ainsi davantage de morceaux qu'ils ne peuvent en manger et se mettent à l'abri de la faim pour un certain temps », m'explique Tobgye.

Nous avons toutes les raisons d'espérer que le foyer situé au milieu des eaux limpides et des monts verdoyants sous un ciel éternellement bleu, que partage Tobgye avec ses rhésus, deviendra toujours plus beau et plus agréable.

 

 

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