CHINAHOY

28-February-2015

Tongren, paysage merveilleux de l’Est du Guizhou

 

Vue nocturne de Tongren.

 

WU MEILING

« Parmi les monts, l'Emei est certainement le plus majestueux de tous, et le Fanjing en est à coup sûr le plus agréable. » Voilà ce que déclara le moine Tongling, disciple du maître bouddhiste Huihan, après sa visite du mont Fanjing.

C'est également ce que réaffirma l'écrivain contemporain de renom Jia Pingwa lorsqu'il livra ses impressions à la fin de son passage dans la ville : « Tongren est certainement une des villes chinoises sans artifices les plus belles de la Chine actuelle ».

Sally Wu, directrice adjointe et présentatrice sur la chaîne honkongaise Phoenix InfoNews Channel décrit quant à elle le mont Fanjing comme « une terre pure et sacrée, un paradis sur Terre ».

Le mystère du mont Fanjing et de Tongren

Sur la carte de Chine, une chaîne de montagnes : la Wuling, qui couvre environ 100 000 km², relie la municipalité de Chongqing à trois autres régions : le Guizhou, le Hunan et le Hubei. Le mont Fanjing, qui s'étend plus de 400 km, en est précisément le sommet. Les monts Wuling seraient, selon la légende, un relais des Éternels sur le chemin de leur descente sur Terre. Une de leurs étapes aurait été Zhangjiajie ; l'autre le mont Fanjing. Et au pied de cette montagne : la ville de Tongren.

Présenter le mont Fanjing en premier n'est pas voler la vedette à Tongren, car le fleuve mère de la ville, le Jinjiang, descend directement des flancs de ladite montagne. Deux rivières y prennent en réalité source : une grande et une petite. Celles-ci s'enroulent dans les méandres du relief du mont, avant de se retrouver et d'abreuver la ville verte et fleurie située en contrebas qu'est Tongren.

Ladite ville est la porte orientale de la province du Guizhou, mais aussi un carrefour reliant la région du Sud-Ouest avec la région des plaines du Centre. La préfecture de Tongren a été fondée sous les Ming (1368-1644).

Le nom de Tongren est issu d'une légende ancienne. Sous la dynastie des Yuan (1271-1368), un pêcheur plongea dans le fond de la rivière et y trouva trois statues de bronze, au confluent des deux rivières qui forment le fleuve Jinjiang. Des statues de saints confucianistes, bouddhistes et taoïstes ! Sous les Ming, Tian Zai, le premier administrateur de la ville, pensa que c'était un signe du Ciel et qu'il fallait civiliser les locaux à l'aide de ces trois doctrines. Il utilisa alors l'homonyme des mots « statue » et « bronze » pour nommer la ville de Tongren.

Dès lors, la ville se peupla et devint un lieu important de l'Est du Guizhou. On trouve dans les registres historiques du Guizhou une allusion à Tongren disant qu'elle « est l'une des plus belles villes de la province ».

Le mont Fanjing et le fleuve Wujiang sont les symboles de Tongren. Les touristes qui s'y rendent y viennent surtout pour trois choses : le pèlerinage bouddhiste du « triangle doré » autour du mont Fanjing, la forêt de pierres et les sources d'eaux thermales chaudes.

 

Cascade dans le ravin Yamugou près du mont Fanjing.

 

Le pittoresque fleuve Wujiang

Le fleuve Wujiang prend sa source dans le mont Wumeng. Celui-ci est situé dans le nord-ouest du Guizhou. Selon la légende, un vieil homme nommé Wu y sauva la vie d'un dragon noir. En guise de remerciement, la bête creusa un fleuve qui devint celui dont nous parlons. D'une longueur de 1 050 km, ce cours d'eau coule vers la ville de Chongqing et conflue avec le fleuve Yangtsé à Fuling. Le débit du Wujiang est classé troisième après le Yangtsé et le fleuve Jaune. C'est le fleuve mère de la province du Guizhou. Et bien qu'il soit noir, c'est lui qui a engendré la culture bigarrée de cette région.

Le district de Yanhe est séparée en deux par le Wujiang. Le chef-lieu de celui-ci est en fait construit sur les eaux, à la manière de Venise. Le fleuve s'étend sur un dénivelé de 2 223,5 m. Mais il est relativement étroit. La partie la plus large mesure 300 m tandis que la plus étroite fait seulement 50 m de largeur. Les différences de profondeur du lit du fleuve et les changements topographiques le long de celui-ci lui donnent ses paysages incomparables.

Bien que le cours d'eau n'a pas empêché les guerres ni les changements de dynasties, il a nourri les habitants de ses rives. Et plus particulièrement les Tujia, dont la culture a été bien préservée.

Je me suis rendu à Tongren notamment pour participer à un évènement à Yanhe consacré à la création poétique.

En écoutant les chansons folkloriques des Tujia, je me suis rendu compte que celles-ci étaient en fait des épopées. L'une d'elles parlait du fleuve Wujiang et racontait que celui-ci avait rendu prospères les riverains du fleuve en transportant non seulement des hommes, des commerçants, des animaux mais aussi la foi bouddhiste. D'après des annales historiques de l'époque des Tang (618-907), une vingtaine de bonzes auraient voyagé vers l'Ouest et se seraient arrêtés dans la montagne sur le bord du fleuve. C'est la première mention de l'entrée du bouddhisme dans la région. D'où la création sous les Song (960-1279) d'un Bodhimanda sur le mont Fanjing. C'est pour cela, entre autres, que l'on dit que le Wujiang est un fleuve à la fois naturel et spirituel.

Le fleuve Wujiang est pour Tongren ce que le fleuve Jaune est pour la Chine. Pendant la révolte des Taiping (1851-1864), Shi Dakai traversa le Wujiang vers le sud. Les rudes batailles pour passer le Wujiang lors de la Longue Marche et la joie de la victoire qui y eut lieu y résonnent encore. L'histoire, la culture, les paysages et la sagesse des gens de la région dressent un magnifique tableau.

Sur le territoire de Yanhe, le Wujiang se transforme en une gorge longue de 89 km. Cinq gorges y sont particulièrement intéressantes : celles de Jiashi, Lizhi, Yintong, Tutuo et Wangtuo. Chacune d'entre elles affichent des paysages particuliers. Les poètes de l'Antiquité tels Li Bai (701-762), Du Fu (712-770) ou encore Huang Tingjian (1045-1105) ont laissé de très belles poésies décrivant ces endroits. Et notamment Huang Tingjian qui a décrit les paysages de Wujiang comme ceux plus jolis que les paysages de Guilin.

La gorge de Lizhi est considérée comme étant la plus belle des cinq. Elle se trouve à 10 km du centre du district de Yanhe. Lizhi signifie « lumière colorée » . Lorsqu'il fait beau, le soleil jette ses rayons sur une chute d'eau se trouvant dans la gorge, ce qui crée un arc-en-ciel. C'est ce phénomène qui a donné son nom à la gorge de Lizhi.

à l'intérieur de celle-ci, le torrent coule au gré des reliefs, vire contre les récifs, se transforme en de turbulents rapides ou au contraire semble s'arrêter pour miroiter au soleil par endroits. Les sommets sur chaque rive s'élèvent vers les cieux. Des pierres aux allures bizarres se dressent sur leurs flancs. Une falaise, qu'on dirait taillée au couteau tellement elle est lisse, luit au soleil. Une autre semble un mille-feuille de strates géologiques. Ici, une forêt touffue de bambous recouvre les parois de la gorge. Là, c'est une cascade qui coule par deux côtés. Mais le plus impressionnant est certainement le ponton antique qui court sur la rivière. Il me fait penser à une partition de musique avec ses cinq lignes. On dirait qu'il chante une vieille mélodie pour les visiteurs. Depuis l'antique royaume de Yelang à celui de Bashu, cette mélodie a été écrite par les innombrables tireurs de barges qui parcouraient les gorges. Chacun de leur pas était une nouvelle note, chacune de leur goutte de sueur marquait un silence.

Sinan : la « cité en escalier »

Si vous voyagez le long du Wujiang, il vous faudra absolument passer par Sinan. Cette vieille cité s'est épanouie grâce au fleuve, mais aussi grâce aux différentes ethnies présentes sur son territoire. La ville est construite en escalier sur les rives du fleuve, d'où son surnom. L'architecture de la ville est très typique, et les paysages, très pittoresques.

L'histoire de Sinan est longue de 1 800 ans. Anhua est la rue la plus représentative de la vieille ville. On peut y visiter le temple Yongxiang, la boutique de sel de la famille Zhou ainsi que le temple Wang-ye. Dans la boutique de sel, j'ai vu Zhou Yehong, sixième génération de vendeur de sel de la famille. Selon lui, à l'époque des Ming et des Qing, il y avait à peu près 70 boutiques de sel à Sinan. Il n'en reste aujourd'hui plus qu'une, qui a gardé son apparence originale.

La forêt de pierres de Sinan vaut également le détour. Celle-ci s'étend sur trois collines pour une surface totale de 4,9 km². C'est un relief karstique d'une grande valeur scientifique et esthétique. Les formes variées des pierres présentent les différentes étapes du développement de la roche. C'est aussi un témoin de l'évolution du fleuve Wujiang. En forme d'aiguille, d'épée ou de château, les pierres ont toutes des apparences différentes. Parmi celles-ci, celle des « Cinq Lotus » est la plus célèbre.

 

Vue des gorges du fleuve Wujiang.

 

Le pèlerinage au mont Fanjing

Un dicton chinois dit : « Plus la montagne est grande, plus elle a d'histoires mystérieuses à conter ; plus la montagne est haute, plus elle est sacrée. » C'est le cas du mont Fanjing, qui possède ces deux caractères.

Le mont Fanjing a été formé par le mouvement du sol et les éruptions volcaniques il y a plus d'un milliard d'années. Les chaînes du Yanshan et de l'Himalaya ont poursuivi leur mouvement et formé la chaîne de montagnes Wuling. Le mont Fanjing possède une faune et une flore rares. Par exemple, le singe au nez retroussé, le tigre de Chine méridionale, la civette d'Inde, le ginkgo, le taxus sinensis, le davidia sinensis, etc... L'environnement protégé du Fanjing est propice au développement de la faune et de la flore.

On dit que même le Bouddha est venu et s'est arrêté dans le mont. C'est pour cela que sous les Song du Sud (1127-1279), on y a créé un temple et ouvert un Bodhimanda. C'est certainement pour cela qu'aujourd'hui, lorsque l'on fait l'ascension du Fanjing vers le sommet Doré des Nuages pourpres, à la levée de la brume, on a l'impression que l'on peut dialoguer avec les dieux. Les randonneurs se sentent alors en communion avec le Bouddha.

Au pied du mont Fanjing, tous les magasins vendent des K-Way. Tian Qiong, directeur adjoint du département de la communication du Comité du Parti de Tongren, m'a enjoint d'en porter en alors qu'il faisait beau ce jour-là. Mais, effectivement, lorsque nous avons commencé à monter dans les nuages par le téléphérique, nous nous sommes retrouvés dans le brouillard. À notre descente de la télécabine, j'ai senti des gouttes d'eau ruisseler le long de mon cou. Le paysage autour de nous était devenu complètement blanc.

La visibilité était seulement d'un mètre. Je devais suivre les indications de Tian Qiong pour me repérer. Je pouvais sentir la pluie et le brouillard qui volaient autour de nous. Mais le brouillard assourdissait tous les sons. Ce fut une de mes plus dangereuses ascensions. Au-dessous des nuages, c'était la falaise. Nous devions grimper à l'aide de nos mains et de nos pieds. Lorsque le brouillard se dissipait, on pouvait apercevoir le ravin en-dessous. C'était assez effrayant en même temps que très réjouissant. Je ne sais pas combien de virages nous avons pris avant d'arriver au sommet. Mais nous y arrivâmes finalement. Tout le paysage était dans les nuages. Une pierre en forme de champignon, de 6 m de hauteur, formée il y a plus de cent millions d'années, se dressait là. Semblant s'enfoncer jusqu'aux entrailles de la Terre et monter vers les cieux, elle symbolise le mont Fanjing.

La cité du roi miao

Sur les crêtes et les falaises des montagnes, s'étend une ancienne muraille de plusieurs centaines de km. Ces ruines sont en fait la Grande Muraille du Sud de la Chine. Elle servait à empêcher le passage des Miao dans l'Antiquité.

Sous les Ming, le gouvernement lança une réforme agraire, mais une partie des miao ne s'y soumirent pas. Le gouvernement créa cette muraille pour séparer ces réfractaires de ceux qui s'étaient rangé aux côtés de l'empereur. À l'intérieur de la muraille vivaient les miao ayant prêté allégeance à celui-ci. à l'extérieur, ceux qui résistaient. La « cité du roi miao » était un refuge pour ceux de l'ethnie qui avaient fait le choix de résister.

Il m'a fallu faire deux fois le tour de cette cité pour me rendre compte de la beauté architecturale de l'endroit.

Parlons d'abord de l'organisation de la cité. Celle-ci, de loin, paraît à peine aussi grosse qu'un village. La population y est en réalité très dense. Les falaises le long des rives du fleuve qui la traverse font prendre au cours d'eau une forme de S qui sépare la cité en deux. Les murs d'enceinte en pierre, partant chacun d'un bout de la falaise et suivant le relief, commencent sur le bord du ravin et s'y terminent. Vue du ciel, la ville ressemble à un immense signe du yin et du yang gravé sur Terre.

Un des autres points d'intérêt de la cité sont ses rues et ses patios pavés de pierres polies. Le système de circulation est un vrai labyrinthe. Les gens qui ne connaissent pas la cité s'y perdront à coup sûr. En réalité, toutes les rues de la ville et toutes les maisons communiquent entre elles. Les portes d'entrée des maisons permettent d'atteindre l'arrière-cour d'une autre maison, et les portes de derrière rejoignent l'avant-cour des habitations voisines. Ce genre d'architecture où chaque maison communique avec les autres est une expression de la sagesse des Miao. Ce système permet de faire perdre le sens de l'orientation aux ennemis lorsqu'ils entrent dans la cité.

Les grottes cachées

On dit que dans le Guizhou, toutes les montagnes possèdent des grottes. Tongren ne fait pas exception. La grotte de Jiulong d'une longueur de 1 400 m, hauteur de 30 à 50 m et superficie de 70 000 m² est fantastique. Elle s'organise sur deux niveaux : la grotte sèche et la grotte humide. À l'intérieur, on trouve sept salles, qui forment comme un grand palais royal. Un ruisseau souterrain traverse la cavité.

Dans la grotte, on peut observer toutes sortes de sédiments : des colonnes, des stalagmites, des stalactites, des orgues, des éboulis, des fleurs et des branches de pierre etc... On dirait des paysages de contes de fées.

Pendant le spectacle son et lumière à l'intérieur de la grotte, on se retrouve l'espace d'un instant dans un royaume noir et calme éclairé par la Lune. La féerie du lieu s'anime. Les stalactites deviennent des arbres, et le ruisseau se met à chanter. Difficile de ressentir pareil émerveillement dans le monde à la surface.

À Tongren, on peut également voir un groupement de grottes de minerais de cuivre. En tout, ce sont presque un millier de grottes qui apparaissent sur la falaise. La vue de celles-ci est assez spectaculaire.

 

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