CHINAHOY

28-February-2015

Yuxi, un jade du Yunnan

 

Fuxian, le lac d'eau douce le plus profond de Chine.

 

Présentation deYuxi, au centre du Yunnan, une ville historique prospère où existe un véritable melting pot culturel.

WU MEILING

La ville était le noyau de l'ancien royaume Dian, fondé en 278 av. J.C. par une minorité ethnique du sud-ouest de la Chine, et dont le territoire couvrait principalement le centre et l'est du Yunnan. Après que le royaume Dian s'est désagrégé au cours de la période des Trois Royaumes (220-265) et de la période des Dynasties du Nord et du Sud (222-589), le centre politique et culturel du Yunnan s'est transféré vers l'ouest à Erhai, et dès lors, Yuxi est entrée dans une période pâle de son histoire.

Après être restée dans le silence pendant plus de mille ans, Yuxi s'est réveillée en sursaut avec les canons du soulèvement de Chongjiu (9 septembre du calendrier chinois) le 30 octobre 1911. Considéré comme partie intégrante de la révolution chinoise de 1911, ce soulèvement a contribué au renversement du gouvernement des Qing (1644-1911) et à la fondation de la République de Chine (1912-1949).

Si Vienne est la destination spirituelle des grands maîtres de la musique classique, Yuxi dans le Yunnan est son équivalent pour les musiciens chinois contemporains. C'est notamment la ville natale de Nie Er (1912-1935), compositeur de l'hymne national chinois La Marche des Volontaires. Son nom symbolise la voix d'une nation, exaltant la rêverie musicale de ses compatriotes.

Dans le parc de Nie Er à Yuxi, on trouve un lac nommé Zhiyin (littéralement « âme sœur ») dont la forme ressemble à un violon, accompagnant tranquillement la statue en cuivre de Nie Er installée sur la rive.

Au-delà du domaine musical, Yuxi reflète aussi le rêve de l'humanité pour la vie. Au pied de la montagne Maotian, on a découvert des fossiles de mollusques vieux de 530 millions d'années. Dans la ville voisine au nord-ouest, les vestiges de l'homme de Yuanmou ont confirmé la présence des hommes dans la région 1,7 million d'années avant.

La pagode rouge

Où qu'on soit à Yuxi, on peut apercevoir une pagode sur la montagne Hongtashan (pagode rouge). Celle-ci s'appelait autrefois la montagne de la Pagode blanche, car celle construite sous les Yuan (1271-1368) était de cette couleur. Mais elle fut repeinte en rouge en 1958 pour symboliser le communisme dans une époque très marquée par la révolution. La montagne fut alors renommée.

Hongtashan est également le nom d'une marque chinoise de cigarettes très populaire. Elles sont fabriquées dans l'usine de cigarettes de Yuxi, qui relève du groupe Hongtashan. Le premier paquet de cigarettes du nom a vu le jour en 1959 pour marquer le 10e anniversaire de la fondation de la RPC. Dans les années 1990, la popularité de cette marque a atteint son apogée. Un miracle, ou un mystère, aux yeux des économistes. En réalité, le « miracle de Hongtashan », qui a joué un rôle dominant dans le passage de la civilisation agricole à la civilisation moderne dans la région, a non seulement contribué au développement économique local, mais a aussi permis de faire connaître la ville à travers tout le pays.

 

Scène dans le parc de Nie Er.

 

Les montagnes : épine dorsale du Yunnan

Le relief de Yuxi possède une structure géologique très complexe et variée : karst, relief fluvial, relief structural, etc.

Les trois grandes montagnes à Yuxi sont les monts Ailao, Mopan et Liangwang, qui forment le squelette de la ville, et parmi lesquelles la montagne Ailao est la plus connue. C'est par un petit matin brumeux que j'ai visité la réserve naturelle du mont Ailao dans le district de Xinping.

La montagne Ailao est située au point de rencontre de trois grandes zones géographiques qui sont respectivement le plateau Yunnan-Guizhou, les monts Hengduan et le sud du plateau Qinghai-Tibet. Il fait également l'intersection entre le climat tropical de mousson de l'Asie orientale et le climat tropical de mousson de l'Asie méridionale. Si l'on compte autant de « villes au printemps éternel » dans la province du Yunnan, c'est parce que le mont Ailao, paravent naturel s'étendant sur plusieurs centaines de kilomètres, influence le climat de la région. En 1998, le massif montagneux d'Ailao a été désigné observatoire des écosystèmes forestiers par le Programme sur l'Homme et la biosphère de l'UNESCO.

Quant au tourisme autour du mont Ailao, les sites les mieux développés comprennent la chute d'eau de Nan'en, l'ancienne Route du thé et des chevaux, le canyon de Shimen (porte en pierre), le manoir de Longxishizu et le ravin de Jinshan.

La visite de la Route du thé et des chevaux est incontournable lors d'un voyage dans le Yunnan. À couper le souffle, le passage étroit fait se rencontrer le passé et le présent. On dirait que les empreintes des sabots des chevaux sur la chaussée dallée millénaire couverte de feuilles mortes et de mousse sont encore visibles.

Le parfum des fleurs et le chant des oiseaux renforcent le sentiment de tranquillité ressenti dans la forêt. De gigantesques arbres font de cet endroit un paradis coupé du monde extérieur. La Route du thé et des chevaux du mont Ailao est une section de la route de Yinan, l'un des trois principaux passages de l'ancien Yunnan, qui se prolongeait de Pu'er à Dali en franchissant le mont. Depuis les Ming (1368-1644), elle partait de Kunming, et s'étendait jusqu'au Laos et à la Thaïlande. On l'appelait « la Route de la Soie du Sud ». Datant des Tang (618-907), la route de Yinan fut très prospère sous les Song (960-1279) et les Qing, mais son succès déclina pendant la République de Chine (1912-1949).

La chute d'eau de Nan'en et le canyon de Shimen sont à un jet de pierre l'un de l'autre. Dans le langage de l'ethnie dai, « Nan'en » signifie « l'eau argentée ». Pendant la saison des pluies, on peut entendre le grondement de la chute d'eau de Nan'en à plusieurs kilomètres de distance. Après une chute de 100 mètres, la cascade principale est bloquée par une énorme roche, accompagnée de plusieurs cascades secondaires qui forment un rideau d'eau splendide rarement visible ailleurs dans le monde.

En s'acheminant vers le haut, on arrive au canyon de Shimen à moins d'un kilomètre. Son nom vient d'une dizaine de « portes » en pierre naturelle situées dans la zone touristique. De la première porte à la dernière, le dénivelé est inférieure à 100 m. Un passage en bois depuis l'entrée serpente en suivant les anfractuosités de la montagne, sur laquelle on entend le murmure des ruisseaux. Les falaises des deux rives opposées se font front. Les rayons du soleil vacillent et sont occultés de temps en temps par les arbres et quelques fois par les roches. Si l'on se sent fatigué, on peut se reposer en tirant une liane ou en s'appuyant sur un arbre, regardant les nuages blancs qui roulent dans le ciel en humant le parfum des fleurs et de l'herbe. Au niveau de la troisième porte en pierre, j'ai rencontré des filles de l'ethnie dai. Elles portaient des robes très colorées. Elles ressemblaient à d'éblouissantes plantes embellissant le canyon.

Ce qui m'a le plus émerveillé à Yuxi est la montagne Xiushan dans le district de Tonghai. Avec une altitude de 2 060 m, elle compte parmi les quatre montagnes les plus célèbres du Yunnan (les trois autres sont Jinma, Biji à Kunming, Diancang à Dali). Xiushan possède une longue histoire. C'était un lieu sacré du bouddhisme dès les Yuan, puis sous les Ming et les Qing. Quantité de temples ont été construits durant ces époques successives.

 

La rivière Yudai, qui relie le lac Fuxian et le lac Xingyun.

 

Les lacs de Yuxi

Parmi les neuf grands lacs du plateau dans le Yunnan, trois se situent à Yuxi : Fuxian, Xingyun et Qilu. Le lac Fuxian est non seulement le plus grand lac de la source Zhujiang (rivière des Perles), mais aussi le lac d'eau douce le plus profond de Chine. Celui-ci est large au nord, mais étroit au sud, ce qui lui donne la forme d'une calebasse. Sa superficie est de 216 km², et il est le plus grand lac réservoir du Yunnan avec une capacité de 20,6 milliards de m³, soit 12 fois celle du lac Dianchi. Comme on peut y voir par 7 à 10 mètres de profondeur, on peut supposer que la qualité de l'eau y est excellente.

Les paysages naturels sont variés et nombreux autour du lac Fuxian, autant que les différentes coutumes des différentes ethnies habitant sur place. On les regroupe en « 4 anciens et 4 merveilles » pour les désigner. Les trois premiers « anciens » sont en fait des sites archéologiques. Le premier est un groupement de mollusques fossilisés découverts au pied de la montagne Maotian dans le district de Chengjiang, qui date de l'explosion cambrienne. Le deuxième est un site archéologique dévoilant la culture des bronzes antiques du Yunnan à Lijiashan, dans le district de Jiangchuan. On compte deux centaines de tombes antiques dans le village de Lijiashan, parmi lesquelles 85 ont été exhumées jusqu'à aujourd'hui, permettant de récupérer plus de 5 000 ustensiles en bronze. Le troisième site intéressant est celui des ruines au-dessus du lac Fuxian. Certains spécialistes estiment que ces ruines sont celles de la cité de l'ancien royaume Dian ; d'autres supposent qu'elles sont la tombe royale ; tandis que d'autres la voient comme la cité du district de Yuyuan dans la dynastie des Han de l'Ouest (202 av.J.-C-8). Cependant, aucune réponse probante à ce mystère n'a été trouvée…. Le quatrième « ancien » est l'opéra de Guansuo, qui n'existe que dans le village de Xiaotun situé dans le district de Chengjiang.

Quant aux quatre « merveilles », le premier est une pierre considérée comme la frontière pour les poissons séparant deux lacs : Xingyun et Fuxian. La deuxième est une technique de pêche typique de la région. La troisième est le « grand défilé des carpes noires ». La quatrième est un plat délicieux : le poisson cuit dans une casserole en cuivre.

Beaucoup d'ethnies minoritaires vivent à Yuxi, tels que les Yi, Dai, Hani, Lahu, Bai, Miao, Yao et Hui. Ainsi il est très fréquent de pouvoir assister à leurs fêtes ethniques typiques. Par ailleurs, il existe un canton autonome mongol à Yuxi : Xingmeng. L'histoire de celui-ci commença en 1253, lorsque Kubilai Khan, le petit-fils de Gengis Khan, envoya 100 000 soldats dans le Yunnan pour le conquérir. En 1381, à la fin du règne des Yuan, un groupe de fonctionnaires mongols accrédités à Qutuoguan dans le district de Tonghai survécurent après avoir réussi à échapper au massacre par les militaires de la dynastie des Ming. Ils sont aujourd'hui le seul groupe perpétuant les caractéristiques de l'ethnie mongole dans le Yunnan.

Yuxi est donc comme le jade : une pierre précieuse qui rassemble toutes les qualités de l'environnement qui l'entoure et les fait briller. La richesse historique et culturelle de la ville vaut le détour. Prenez donc le temps de bien savourer tous ses paysages et sa variété culturelle.

 

La Chine au présent

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