CHINAHOY

27-September-2013

Audit de la dette publique locale

 

Le 28 juillet 2013, le gouvernement chinois a décidé de laisser la commission nationale des Comptes procéder à un audit de la dette publique.

 

BAI MING*

Le 28 juillet, le gouvernement chinois a décidé de laisser la commission nationale des Comptes procéder à un audit des dettes gouvernementales.

La rupture de la chaîne de capitaux provoquée par la dette a joué, dans une certaine mesure, le rôle de détonateur pour la crise financière internationale, la crise de la dette européenne ainsi que pour d’autres chocs. En particulier pour la Chine, le problème de la dette n’est pas à négliger. En apparence, il n’y a pas de lien entre le problème de la dette des collectivités locales et la crise de la dette, mais il est nécessaire de prendre des mesures préventives. Le fonctionnement de l’économie chinoise est menacé à des degrés différents par les divers problèmes de dettes, y compris la dette triangulaire entre les entreprises qui a eu lieu les années précédentes, les crédits en dehors du secteur financier au cours des dernières années, ainsi que la chute de certaines villes-vedettes chinoises. On peut dire que la dette publique locale est le problème d’endettement principal de la Chine.

L’ampleur inquiétante des dettes publiques locales

Quel est le montant total des dettes publiques locales en Chine ? Selon l’audit national réalisé par la commission nationale des Comptes de mars à mai 2011, la dette des gouvernements locaux (provinces, municipalités et districts) était de 10 700 milliards de yuans fin 2010. Selon l’agence de notation internationale Fitch Ratings, qui a fait une évaluation en avril dernier, le total des dettes des gouvernements locaux du pays atteignait 12 850 milliards de yuans à la fin de l’année 2012, soit 25,1 % du PIB, contre 23,4 % fin 2011. Lors du Forum de Bo’ao pour l’Asie tenu en avril dernier, l’ancien ministre des Finances Xiang Huaicheng a déclaré que la dette des collectivités locales de la Chine dépasserait 20 000 milliards de yuans. Certaines autorités locales ont affecté les emprunts à des projets destinés uniquement à soigner l’image de la localité. Ces projets non seulement peuvent difficilement payer les intérêts d’une dette, avec des actifs peu rentables, mais nécessitent aussi de grandes sommes pour l’entretien courant. Même si, par rapport aux pays occidentaux, la part de la dette publique locale dans le PIB n’est pas importante en Chine, le gouvernement doit au plus tôt renforcer le contrôle des dettes locales pour prévenir la réaction en chaîne que pourrait entraîner l’explosion des risques de la dette.

À l’heure actuelle, malgré son ampleur, toute la dette publique locale n’est pas le fait des seuls gouvernements locaux. Dans beaucoup de cas, la dette locale prend la forme de responsabilités de garantie assumées par les gouvernements locaux. Avec la manifestation d’une variété de dangers latents financiers, beaucoup de mauvaises dettes ne doivent être supportées que par les gouvernements locaux. Ces dernières années, avec l’expansion du financement social des gouvernements locaux, les méthodes de l’emprunt local ont progressé, les City Investment Bonds, les fonds fiduciaires, les obligations de financement à court terme, les billets à moyen terme émis, etc, en sont de bons exemples. Aujourd’hui, dans le shadow banking (finance de l’ombre), de nouveaux instruments de financement apparaissent sans cesse, par exemple la gestion des biens, trust ou BT (construction-transfer). Les dettes gouvernementales gonflent rapidement et présentent des coûts et des risques plus élevés. En outre, des arriérés de paiements dans des projets gouvernementaux ou garantis par le gouvernement ainsi que les arriérés de salaires dûs aux travailleurs migrants et aux enseignants, sont comptabilisés comme endettement gouvernemental.

Pour les gouvernements locaux, la dette devient un lourd fardeau affectant l’efficacité de la répartition des ressources entre les départements gouvernementaux. Les recettes fiscales de certains gouvernements locaux ne peuvent même pas rembourser les dettes ni les intérêts. Une fois perdue la capacité du gouvernement de rembourser les intérêts de la dette, il serait difficile de contrôler la réaction en chaîne. Fin 2007, c’est la rupture de la chaîne de capitaux pour crédits hypothécaires immobiliers qui a entraîné la crise des subprimes américaine, affectant tous les domaines de l’économie américaine, et devenant une crise financière internationale un an plus tard. Pour la Chine, dont le secteur financier est sous-développé, une fois incontrôlés les risques de dette publique locale, une sphère plus large serait touchée dans toute la société, notamment les institutions financières dont les banques. D’une part, un grand nombre de mauvaises dettes seraient créées, conduisant certaines institutions financières à fermer leurs portes, et portant atteinte ainsi aux intérêts des clients. D’autre part, les grands prêts faits sans tenir compte des coûts sur le marché des capitaux auraient un impact sur les taux d’intérêts, rendant plus difficle le financement des entreprises et affectant ainsi l’économie réelle.

Enquête précoce pour prévenir les risques

Le gouvernement central a pris conscience des risques que représente la dette publique locale. Fin juin dernier, la Banque centrale n’a pas injecté plus de fonds sur le marché comme elle le faisait habituellement à la fin de chaque trimestre, au moment où les liquidités dans les banques commerciales manquent le plus. Cette « immobilité » de la banque centrale a en fait visé à contrôler les risques financiers à travers la « pénurie d’argent », et coûtera finalement moins cher que les mesures correctives à prendre si la dette publique locale échappait au contrôle.

Toutefois, pour assurer la sécurité financière du pays, le seul test de la pression entraînée par la dette publique locale est loin d’être suffisant. Pour prévenir l’explosion de risques financiers, il faut faire en sorte que les dettes locales ne se transforment pas en mauvaises créances. L’audit lancé par la commission nationale des Comptes est ainsi un contrôle national des dettes gouvernementales.

Le test de la pression des institutions financières et l’audit de la dette des gouvernements locaux sont tous deux des mesures correctives. L’approche la plus proactive est de transformer le mode de croissance économique, au lieu de se reposer sur des projets qui servent uniquement la politique du prestige pour créer de l’emploi et entraîner le développement des industries du ciment et des matériaux de construction.

Contrôler l’envergure de la dette publique locale et optimiser sa structure auront de l’effet pour enrayer la croissance extensive de l’économie. À l’avenir, avec une plus grande attention accordée à la transformation du mode de croissance économique, il convient de non seulement contrôler l’envergure de la dette publique locale, mais aussi de mettre plus l’accent sur son optimisation, et de soutenir la modernisation technologique des entreprises. On soutiendra aussi le développement des industries stratégiques émergentes, les projets contribuant à la création d’emploi et à l’amélioration de la vie de la population, ainsi que les projets propices à la protection écologique. Pour les moyens de soutien, on peut employer la participation aux actions, la bonification d’intérêts, ou encore la fourniture de services publics.

L’alimentation des finances locales par les recettes foncières ne peut pas durer

Maintenant, les recettes fiscales de nombreux gouvernements locaux comptent beaucoup sur le développement immobilier. Mais avec la restriction sur les achats immobiliers, les taxes immobilières locales seront touchées et les finances locales qui reposent sur les recettes foncières dureront peu. Il n’est plus possible de rembourser la dette publique locale en vendant des terrains immobiliers.

Dans le même temps, avec le contrôle accru des budgets des gouvernements locaux par le gouvernement central, les gouvernements locaux ne peuvent pas accroître les sources de revenus en s’appuyant arbitrairement sur l’augmentation des projets impliquant péages ou amendes. Ils doivent se tourner vers la construction de la plateforme de services publics pour favoriser le développement de l’économie réelle, ce qui est précisément la fonction des départements gouvernementaux.

À la différence du gouvernement de la ville de Detroit, les gouvernements locaux chinois peuvent demander de l’argent au gouvernement central. Cependant, avec les finances publiques transférées par le gouvernement central, le fonctionnement des gouvernements locaux doit se faire selon le coût minimal, par exemple en limitant les déplacements des fonctionnaires, la surface des bureaux, et les salaires fonctionnaires, un salaire de base, sans prime.

À long terme, avec l’épuisement des terres disponibles à la cession, les gouvernements locaux devront forcément s’appuyer sur l’emprunt. Pour le contrôler, d’une part, il faut affaiblir la position du PIB pour contenir l’impulsion des gouvernements locaux à lancer des projets nécessitant l’émission d’obligations ; d’autre part, accorder les financements nécessaires aux gouvernements locaux pour lancer des projets vraiment importants et ouvrir de nouvelles sources de recettes. Par exemple, on peut laisser assumer certains projets gouvernementaux par le capital privé ou encourager à remplacer l’émission des obligations par la participation au capital social.

 

*BAI MING est chercheur et directeur adjoint du départment de recherche du marché international de l’Académie du commerce international et de la coopération économique du ministère chinois du Commerce.

 

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