CHINAHOY

31-May-2016

Shaoxing : ville de poètes et de lettrés

 

Le quartier de Cangqiao au petit matin.

 

 

WANG WENJIE, membre de la rédaction

Je ne suis pas allée à Shaoxing par hasard, mais c'est après être tombée sur une photo de la rue Droite Cangqiao que j'ai commencé à planifier mon excursion là-bas.

Shaoxing existe depuis l'époque du royaume de Yue il y a près de 2 500 ans. La ville est située dans le nord du Zhejiang et est connue pour ses canaux, ses ponts antiques, le huangjiu (vin jaune) et les intellectuels chinois dont elle est la ville natale. En 1982, Shaoxing a fait partie de la première série des villes inscrites sur la liste des villes historiques et culturelles de Chine. En 2008, elle a obtenu le Prix de l'UN-Habitat.

Ville de canaux et de ponts

 

Ce sont les photos de la rue Droite Cangqiao qui m'ont donné envie d'y aller, alors ma première destination à Shaoxing a été cette longue artère de 1,5 km dans le quartier historique qui regroupe canaux, vieilles ruelles et anciennes bâtisses centenaires. Du nord au sud : sept ponts de pierre. Excepté quelques maisons reconstruites dans le style ancien, la majorité des bâtiments de chaque côté du canal ont été construits à la fin des Qing (1644-1912) et au début de la République de Chine (1912-1949).

À Shaoxing, les maisons sont appelées des taimen. Ce sont des sortes de maisons à cour carrée. Les taimen de Shaoxing occupent une place importance dans l'architecture des maisons du sud du Yangtsé. Le nom des maisons rappelle le titre officiel, le métier, le nom de famille de son propriétaire, par exemple, le « taimen du secrétaire impérial », « le taimen du lauréat de l'examen impérial » ou encore « le taimen de la famille Feng ».

La rue Droite Cangqiao n'est pas encore envahie par les touristes, mais pendant les congés, il vaut mieux se lever tôt si l'on veut jouir tranquille de sa beauté et tranquillité. Après avoir contemplé, sur le pont silencieux, la surface de l'eau vaporeuse et les maisons aux tuiles grises et aux murs blancs, on peut aller prendre son petit déjeuner à Tongxinlou, fameux restaurant recommandé par les habitants locaux, ou encore faire une promenade sur la montagne tout près.

Je croyais que la visite du quartier historique de Cangqiao suffirait, d'autant que je n'avais pas entendu parler d'autres endroits à visiter. Heureusement dans l'hôtel où j'habitais, j'ai vu une présentation du quartier de Baziqiao. En comparaison avec le quartier de Cangqiao, le quartier historique de Baziqiao est plus charmant et émouvant à mes yeux, du fait qu'il n'a pas encore été dénaturé par l'industrie touristique et possède encore le charme d'un quartier populaire normal.

Selon les Annales de Kuaiji de l'emprereur Jiatai des Song du Sud (1127-1279), le pont Bazi a été construit sous le règne Jiatai (1201-1204) et reconstruit en 1256. Il tient son nom de sa forme qui ressemble au caractère chinois « 八 » (huit). Considéré comme le plus vieil échangeur de Chine, le pont Bazi faisait partie d'une des plus importantes voies d'eau du royaume de Yue, qui aboutissait à un embranchement à trois directions et permettait la navigation Nord-Sud. Huit cents ans ont passés, la vie continue, le pont est toujours là. Mes pieds sur les dalles grises du pont, regardant les wupengchuan (une sorte de sampan avec un auvent en bambou et peint avec du goudron, essentiellement utilisé au sud du Yangtsé), je récitais ce poème décrivant les villes d'eau dans ma tête : « Un petit pont, de l'eau vive et une maison ». Les effluves du vin jaune de Shaoxing accentuant l'ivresse de ces vacances.

J'aurais aimé passer la nuit dans ce quartier, mais j'avais prévu d'aller ailleurs. Un autre regret de mon passage à Shaoxing est de ne pas être allée visiter le quartier de Xixiaolu qui était fermé aux visites car les canaux étaient en train d'être curés.

 

Dans le restaurant Xianheng, on met « les petits plats dans les petits plats ».

 

Berceau des lettrés

 

Après avoir admiré les paysages aquatiques de Shaoxing, le reste de mon séjour a consisté en des visites. Malgré sa petite taille, Shaoxing a produit nombre de personnes illustres depuis l'Antiquité. On peut visiter la reconstitution de la demeure de Wang Xizhi, calligraphe de la dynastie des Jin de l'Est (317-420) ; le pavillon des orchidées, séjour de Wang Xizhi ; la résidence de He Zhizhang, poète renommé de la dynastie Tang (618-907) ; la maison natale de Lu Xun (grand écrivain et penseur), l'ancienne résidence de Cai Yuanpei (ministre de l'éducation sous la République de Chine), la maison de la famille de Zhou Enlai (ancien premier ministre), etc. L'écrivain Ma Boyong a d'ailleurs dit très justement à propos de Shaoxing et de la mode de certaines régions chinoises qui récupèrent la notoriété d'hommes illustres pour faire leur publicité : « Contrairement à certaines provinces ou villes qui essaient de trouver tous les moyens possibles pour se créer des relations plus ou moins fictives avec des grands hommes, Shaoxing paraît très humble. »

En comparaison avec l'ancienne résidence de Lu Xun à Beijing, qui est une petite maison à cour carrée près de Fuchengmen, l'ancienne résidence de Lu Xun à Shaoxing est celle d'une famille riche et influente. Construite au début du XIXe siècle, la résidence de la famille Zhou (le vrai nom de famille de Lu Xun) est divisée en deux parties, une avant-cour et une arrière-cour qui comprend cinq maisons à deux étages. Lu Xun y a passé son enfance jusqu'en 1899, où il a quitté sa ville natale pour poursuivre ses études ailleurs. De 1910 à 1912, Lu Xun est revenu y loger quand il était enseignant à Shaoxing. Il y a séjourné régulièrement les sept années suivantes.

Face à l'ancienne demeure de Lu Xun se trouve l'école Sanwei dans laquelle Lu Xun a fait ses études primaires. Derrière l'ancienne résidence se trouve le Jardin des Cent Plantes qui fait presque 2 000 m². C'était le potager commun de la famille Zhou et des habitants des environs, où le petit Lu Xun s'amusait souvent.

Le restaurant Xianheng, théâtre de la nouvelle Kong Yiji, n'est pas très loin. Bien que les prix de ses plats soient plus élevés que d'autres restaurants environnants, les touristes préfèrent y venir, pour goûter un vin de Shaoxing et manger ces fèves que Kong Yiji avait l'habitude de prendre quand il y venait.

 

Ambiance du quartier de l'ancienne résidence du « Saint de la calligraphie ». (PHOTOS PAR WANG WENJIE)

 

En Chine, dans le domaine du tourisme, j'ai remarqué que la logique veut que le site touristique dont le gouvernement local fait le plus la publicité est souvent le plus décevant. J'en étais d'autant plus convaincue après une promenade au pas de course dans le jardin Shenyuan, qui occupe une des premières places dans la liste des sites touristiques recommandés sur le guide de l'office du tourisme. Malgré l'histoire de la tragédie sentimentale entre Lu You (poète de la dynastie des Song du Sud) et Tang Wan (première épouse de Lu You), ce jardin n'a rien de fascinant, sauf son prix exorbitant. En bref, si je devais ne pas recommander quelque chose à Shaoxing, c'est bien cet endroit.

Me tenant à cette logique, je n'avais pas beaucoup d'espoir quant à la visite du quartier historique autour de l'ancienne résidence du « Saint de la calligraphie » : Wang Xizhi. Tous les pousse-pousse dans la rue étaient couverts de panneaux publicitaires sur ce quartier. Je me disais que cela devait être touristique à souhait. J'allais quand même y jeter un œil, et décidais d'aller à ce site chaleureusement recommandé par les habitants locaux. Et j'ai été agréablement surprise ! Les ruelles étroites et tortueuses, les murs tachetés, les lanternes rouges en papier huilé, les feuilles de moutarde séchées au bord de la rue, la vieille dame qui allume son poêle à charbon, l'étang d'encre où Wang Xizhi aurait lavé son pinceau d'après la légende, le temple Jiezhu (l'ancienne résidence de Wang Xizhi)... Si les meilleurs paysages de canaux se trouvent à Shaoxing, toute la beauté de la ville s'est regroupée dans ce quartier de l'ancienne résidence du « Saint de la calligraphie ».

Shaoxing est un endroit qui mérite de s'y arrêter et de visiter lentement. J'ai visité beaucoup de villes de canaux, mais peu d'entre elles sont aussi belles que Shaoxing, qui allie beauté des paysages à l'histoire. Éprouvés par le temps, les canaux, les ponts et les maisons de Shaoxing sont devenus paisibles, raffinées et l'on comprend mieux pourquoi tant de lettrés et d'hommes illustres sont sortis de ce berceau entre eau et montagne.

 

La Chine au présent

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