CHINAHOY

1-February-2016

La plus russe des villes chinoises

 

L'église Sainte Sophie, sympole de l'histoire de Harbin.

 

À l'occasion des fêtes de Nouvel An, nous avons effectué une petite escapade à Harbin, à 7-8 heures en TGV de la capitale. Une ville qui a su faire de son climat rude un argument touristique.

CHRISTOPHE TRONTIN, membre de la rédaction

Expédions d'abord le topo d'histoire-géo réglementaire avant de nous extasier sur les merveilles que recèle Harbin, en chinois 哈尔滨 « la rive où tu souffles sur tes doigts pour les réchauffer » (ma version, un peu surinterprétée peut-être), mais on l'appelle aussi, selon vos (p)références, la « Moscou de l'Orient » ou le « Petit Paris de l'Est ». Harbin, c'est la capitale du Helongjiang, elle compte 10 millions d'habitants et elle est fameuse pour ses hivers rigoureux et son festival des sculptures de glace.

La ville s'est surtout développée à l'époque où la Russie tsariste a construit le Transibérien. Notamment lors de la construction du pont ferroviaire de Binzhou pour faire passer le train par-dessus la Songhua (la « Rivière de la fleur sereine »). La construction du pont a duré 17 mois (mai 1900 à octobre 1901), ce qui est finalement assez rapide, pour un ouvrage d'une longueur totale de 1 015 m.

Vestige de l'époque russe, on y trouve la belle église Sainte Sophie, orthodoxe à l'origine, aujourd'hui laïcisée et transformée en musée. On peut la visiter et y voir des photos de l'époque des pères fondateurs : les pontonniers, les ingénieurs du rail, les ouvriers chinois ; le chantier sur la Songhua, la première loco en provenance de Moscou, la gare à ciel ouvert des débuts, etc. C'est magnifique, on s'y croirait. Les magasins avec leurs devantures en cyrillique, les restaurants (traktir), les artisans savetiers, fourreurs, poissonniers.

Autre vestige de la période russe : l'architecture néo-classique, en brique rouge au style distinctement russe que l'on observe autour de la place Sainte Sophie, dans le centre historique et les quelques rues piétonnes à droite et à gauche de la rue Centrale (qui s'appelait « rue chinoise » à l'époque russe). Tout cela rappelle clairement le style de la rue de l'Arbat à Moscou, justifiant le surnom de la ville. Le nom de notre hôtel « Hôtel de l'Amitié » fait lui aussi référence à l'indéfectible amitié qui liait la Chine et la Russie dans les années Staline-Mao, et qui est en train de renaître sous une nouvelle forme. On garde ici un souvenir ému du « Petit père des peuples » et Harbin est probablement la seule ville au monde ayant gardé un parc à son nom. Le parc Staline est une magnifique promenade pleine d'arbres, qui surplombe la rivière et offre une vue imprenable sur les îles.

 

Les touristes font la queue pour entrer au festival de la Neige et de la Glace.

 

Une grande et belle rivière, cette Song-hua ! Enfin, rivière : c'est géographiquement une rivière, puisqu'elle se jette dans un autre cours d'eau et non dans la mer. Mais n'allez pas vous imaginer un ruisseau ! Son débit est l'équivalent de tous nos fleuves français additionnés. Pas étonnant, puisqu'elle draine sur une distance de 1 900 km un bassin grand comme la France, avant de se jeter dans l'Amour qui matérialise la frontière avec la Russie. L'hiver, la surface gèle sur une épaisseur d'un mètre et la rivière se couvre de promeneurs qui traversent pour aller visiter les îles Taiyang qui constituent à la fois le centre, le poumon, la zone verte, et le parc des expositions de la ville.

Justement c'est sur cette île que l'on visite le fameux parc des sculptures de glace qui s'étend sur plus d'une centaine d'hectares pendant le festival de la Neige et de la Glace. Sur la rive de l'île, une sorte de carrière géante : c'est là que l'on découpe les blocs de glace qui vont servir à construire, chaque année, les magnifiques édifices et les sculptures illuminées du parc.

Ça rappelle un peu le parc des monuments à Shenzhen, puisque les édifices s'inspirent des chefs-d'œuvre mondiaux, mais l'interprétation est quand même beaucoup plus libre. Il faut dire que les propriétés de la glace ne sont pas forcément les mêmes que celles du marbre ou du béton... Et puis il faut faire place aux sponsors : on trouve une sculpture énorme représentant une bouteille de Harbin Beer, une autre d'Erguotou, et puis un mur en neige à l'effigie des héros de l'Âge de glace, le dessin animé de Pixar. Je craignais que la visite se termine avec engelures et doigts gangrenés, mais en fait non. Le froid est mordant, mais le parc est parsemé de petits cafés vitrés et chauffés où l'on peut se poser un instant pour boire un thé et reprendre quelques couleurs.

C'est féerique. C'est immense. C'est varié : il y a là des pagodes, des ponts, des châteaux forts. Une réplique de la Grande Muraille avec des toboggans en glace que petits et grands s'amusent à dévaler sur des poufs pneumatiques. Ici, c'est un jardin japonais ciselé dans la glace, avec des cerisiers en fleurs de plastique. Là, on visite un palais translucide qui scintille au soleil, on parcourt des galeries des glaces et des corridors transparents où l'on se perd et on se retrouve. Des statues de neige à l'effigie du bouddha ou de Guanyin, ou encore de personnages de Disney nous surplombent de leur regard glacial. Ici ou là, les drapeaux de presque tous les pays du monde viennent apporter une touche de couleur et un peu de mouvement à l'environnement minéral.

Le soir, nous revenons au parc Staline. Il fait nuit, et d'autres édifices glacés sont cette fois illuminés par des néons de toutes les couleurs. Le programme nous amène cette fois dans une petite maison de style européen bourrée d'antiquités russes, de portraits et de photos, qui vient d'être transformé en restaurant de classe par le tenancier Xia Bing qui se jette sur nous dès notre arrivée. Affable & prévenant, Xia Bing nous propose, pour notre dernière soirée avant le retour à Beijing, un menu « découverte » que nous nous empressons d'accepter.

Le menu découverte de Xia Bing, c'est principalement du poisson, quoiqu'une petite entrée de charcuteries (Harbin propose des saucisses à la russe, c'est à dire non sucrées). Un poisson de rivière grillé et délicieusement caramélisé (je serais bien en peine de vous dire de quel modèle il s'agit, peut-être une espèce locale ?), puis un poisson de mer plat en forme de losange, cuit à la vapeur et délicatement assaisonné. Plus une tripotée de petits plats façon zakouski histoire de ne pas nous renvoyer dans le froid le ventre vide.

Il ne nous reste plus qu'à rejoindre la gare TGV flambant neuve, située un peu à l'écart du centre-ville, pour reprendre le chemin de Beijing.

 

Bloc-notes :

6 trains quotidiens pour Harbin depuis Beijing

G381 Beijing-Gare du Sud — Harbin-Gare de l'Ouest

En 7 heures 6 minutes.

Départ 7:53 — Arrivée 14:59

Première classe : 834 yuans

Classe économique : 541,5 yuans

 

Un train quotidien pour Harbin depuis
Shanghai

G1201/G1204 Shanghai-Gare de Hongqiao — Harbin-Gard de l'Ouest

En 12 heures 14 minutes

Départ 9:39 Arrivée 21:53

Première classe : 1 568,5 yuans

Classe économique : 977,5 yuans

 

 

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