CHINAHOY

30-September-2015

Heshun : détente et exotisme aux confins de la Chine

 

Des habitants lavent des légumes au bord de la rivière.

 

C'est au fin fond de la Chine du Sud, dans les contreforts du Yunnan, à quelques jets de pierre de la Birmanie, que se trouve Heshun, concentré de culture chinoise, occidentale et d'Asie du Sud-Est. Un bon cocktail pour le farniente et le dépaysement.

WEI YAO*

Heshun se situe sur le territoire de la municipalité de Tengchong, au Yunnan, à la frontière sud de la Chine. Depuis l'antiquité, Tengchong est considérée comme la première ville frontière de la Chine. Elle est à la limite de la Birmanie, et est connue surtout pour ses volcans, ses sources d'eaux thermales émeraude et ses villages berceaux des Chinois d'outre-mer... À 4 km de Tengchong, le bourg antique de Heshun est un véritable joyau de la région.

Heshun a une histoire vieille de 600 ans. Le village est nommé d'après la rivière qui coule en son sein. Les gens du village ont, par un stratagème ingénieux, transformé le nom de la ville en « Paix et Harmonie » en remplaçant les caractères chinois homophones du nom de la rivière.

Un lieu de rêve

En partant de Tengchong vers le sud-ouest, après avoir traversé la montagne Laifeng, on aperçoit Heshun, sur la plaine entourée de montagnes. Le paysage vu depuis la colline qui surplombe le bourg, lui-même serti dans un écrin verdoyant de rizières et entouré des volcans par-dessus lesquels voguent les nuages, est tout juste magnifique.

Li Genyuan, un général du Kuomintang, a écrit un poème pour louer ce village : « Ô grandes montagnes lointaines, l'eau coule à vos pieds et les petites maisons trouvent refuge sur vos flancs, vous êtes un paradis au même titre que Suzhou et Hangzhou. »

Pendant les années 20, à l'époque de la révolution démocratique chinoise, Li Genyuan, fameux général du Kuomintang, menait la révolution dans le Yunnan pour la démocratie et la paix. Il n'aurait jamais imaginé que Heshun devienne un jour un bourg tranquille comme il l'est aujourd'hui.

Il y a 70 ans, comme toutes les régions de la Chine, Heshun a subi les affres de la guerre. Mais la plupart des anciens bâtiments ont été bien conservés. Aujourd'hui, il y a un millier d'anciennes maisons toujours sur pied, dont une centaine ont été construites sous les Qing (1644-1911). Plusieurs temples et portiques d'honneur datant des Ming (1368-1644) ont aussi été préservés. Hormis les pierres volcaniques utilisées pour paver les rues typiques du Yunnan, le reste fait penser à un village du Sud de la Chine. Le style architectural à Heshun rappelle celui des villes de canaux dans le delta du Yangtsé.

C'est l'histoire qui a formé le style architectural de Heshun. Sous les Ming, la bourgade a accueilli ses premiers habitants : des soldats han venus du Sichuan, du Sud-Est et du Centre de la Chine. Très marquées par le confucianisme, la plupart de ces familles avaient gardé l'habitude des études et des traditions. Si bien que même relégués aux frontières, ces gens ont perpétué la culture, le style architectural et le folklore des Han. Cependant, grâce à sa position, Heshun a évité beaucoup de guerres, de sorte que la culture et les traditions y ont été bien préservées. C'est un trésor sans prix.

 

Le centre historique de Heshun.

 

Le mélange culturel dans l'architecture

Quand l'on marche dans ce bourg de l'époque Ming et Qing, on trouve aussi quelques bâtiments dans le style de l'Occident et de l'Asie du Sud. Ces bâtiments étrangers coexistent harmonieusement avec les maisons chinoises traditionnelles et ajoutent un goût exotique au bourg.

Il y a 400 ans, les habitants de Heshun ont commencé à voyager à l'étranger pour faire du commerce. Comme le bourg est seulement à 70 km de la Birmanie, il était facile pour les commerçants de Heshun d'aller y vendre du jade. Beaucoup de gens de Heshun ont ainsi fait fortune. À leur retour dans le bourg, ils ont construit des maisons et des temples, tout en y intégrant le style architectural qu'ils avaient pu voir à l'étranger. C'est la raison pour laquelle, Heshun possède un tel éclectisme dans son architecture.

Actuellement, 6 000 habitants résident de façon permanente à Heshun, mais plus de 12 000 gens de Heshun vivent dans une dizaine de pays à l'étranger, dont la Birmanie, l'Inde, la Thaïlande, l'Indonésie, Singapour, le Japon, le Canada, et les États-Unis. Heshun est le bourg d'émigrés le plus important du Sud-Ouest de la Chine.

Mélange d'Orient et d'Occident, combinaison d'ethnies différentes, Heshun est une société ouverte. Ce bourg antique est empreint non seulement de culture chinoise traditionnelle, mais aussi de culture étrangère exotique.

L'évolution du bourg

Heshun n'est pas seulement un bourg antique mais aussi un véritable musée d'architecture. C'est aussi un endroit dynamique et plein d'énergie. Et on peut le voir dans l'architecture, le commerce et la vie culturelle de la ville : dans les rues, un chanteur s'accompagne à la guitare, la foule serpente et vogue entre les boutiques, les restaurants, les cafés et les bars.

Le bourg antique de Heshun a été élu l'un des dix bourgs antiques les plus beaux de Chine par la CCTV (China Central Television). Sa réputation est en train de grandir. Il y a quelques années, Beijing Love Story, une série télévisée populaire, a été tournée à Heshun. Après la diffusion, le bourg est devenu la destination de prédilection des jeunes cadres chinois. De là sont nées de nombreuses opportunités pour le tourisme dans la région.

Liu Hui, propriétaire de l'auberge Honghuilou, était auparavant un paysan. En 2000, ses parents ont créé cette chambre d'hôtes, et en 2004, Liu Hui a repris le flambeau. Avant, il préférait travailler dans les grandes villes plutôt que rester à Heshun, parce que l'auberge de sa famille gagnait seulement 3 000 yuans par an. Mais maintenant qu'il a repris les rênes, il se donne à fond pour son nouveau travail. Il a d'abord investi 600 000 yuans pour refaire la maison en y ajoutant des éléments à la mode. Depuis dix ans que l'auberge est ouverte, son revenu s'est multiplé par cent.

Actuellement, de plus en plus d'habitants ouvrent des gîtes à Heshun. Beaucoup d'investisseurs de l'extérieur viennent également pour y monter des affaires, et notamment des jeunes globe-trotters.

En 2013, une annonce de recrutement sur Weibo est devenue virale : une auberge de Heshun recrutait un responsable pour un contrat de deux mois pendant les vacances d'été, mais avec pour tout salaire trois repas par jour et le logement fourni. Ce message a attiré beaucoup de jeunes candidats car d'après eux, c'était un travail facile. Tu Yijuan, propriétaire de l'auberge, voulait en fait faire un voyage à l'étranger pendant ses vacances d'été. C'est pour ça qu'elle avait lancé cette annonce pour trouver un remplaçant.

Les candidats étaient en majorité des jeunes entre 20 ans et 30 ans, dont 60 % d'étudiants, parmi lesquels beaucoup de jeunes femmes. L'opportunité de passer des vacances à Heshun et de profiter du folklore et de l'ambiance du coin a attiré beaucoup de monde.

« Beaucoup de gens ont envie de vivre libres. Créer un auberge dans un lieu magnifique comme Heshun, c'est un peu la liberté. Mais ce n'est pas tout le monde qui a le courage de concrétiser ses rêves. »

Finalement, c'est Zhang Lin, une jeune fille de Baotou en Mongolie intérieure, qui a obtenu le poste. Elle travaillait dans le milieu de la publicité depuis quatre ans à Beijing et avait démissionné pour voyager pendant un an, parce qu'elle voulait vivre, et lire, dans un lieu tranquille.

L'atmosphère de Heshun est propice à la lecture ou à la création littéraire. Par rapport aux villes touristiques autour comme Lijiang ou Dali, Heshun est encore préservée de la folie touristique. Mais le rythme de vie y est aussi lent et détendu. Un bourg antique, loin de l'agitation citadine, peuplé de jolies maisons, entouré de champs verts, où le temps coule tranquillement comme la rivière qui y passe nonchalamment, est l'endroit rêvé pour se relaxer.

 

WEI YAO* est journaliste à Beijing Review.

 

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