CHINAHOY

1-June-2015

La lutte coordonnée de la Chine et de l’URSS contre le fascisme en Orient

 

XU YAN*

 

 

L’Occident l’oublie parfois : dans la guerre mondiale contre le fascisme c’est l’URSS et la Chine qui ont versé le plus lourd tribut. Leur lutte coordonnée sur les fronts européen et asiatique a largement conditionné la victoire alliée.

 

 

Dans la Russie d’aujourd’hui comme dans l’URSS d’autrefois, le 9 mai est, chaque année, la « Journée de la victoire » que tous les groupes ethniques de la Russie célèbrent avec fierté. Il marque le jour de la victoire sur le nazisme et donne lieu à un défilé militaire qui se tient obligatoirement lors de cette journée de victoire de la Grande guerre patriotique. Cette année marque le 70e anniversaire de l’événement et il vient d’être célébré encore plus solennellement que d’habitude. L’un des traits marquants du défilé de cette année est la présence d’un contingent de l’armée chinoise sur la place Rouge. Cette première démontre la reconnaissance par la Chine de la contribution historique de l’URSS à la guerre antifasciste. C’est aussi l’occasion pour les deux parties de raviver leurs souvenirs d’alliés au combat.

 

L’incident de Mukden (Shen-yang), prélude à la Seconde Guerre mondiale

 

Dans les années 1930, le fascisme faisait rage sur le plan international. Le Japon et l’Allemagne furent les instigateurs de la Seconde Guerre mondiale, l’un en Orient et l’autre en Occident. C’est à partir de l’incident du 18 septembre 1931 que la Chine a entrepris sa résistance à l’agression japonaise. Un incident qui fut en même temps le signe annonciateur de la Seconde Guerre mondiale. Dès lors, la menace planait également sur l’URSS. L’Allemagne et le Japon étaient en mesure de l’attaquer sur deux fronts, occidental et oriental. Appliquant la stratégie traditionnelle de son pays, qui donne la priorité au front occidental et une importance secondaire au front oriental, Staline mobilisa le gros des forces armées de son pays pour combattre l’Allemagne. Sur le front oriental, il prit des mesures préventives contre le Japon et aida la Chine à résister. L’URSS apporta ainsi une aide secrète aux forces alliées antijaponaises de la Chine du Nord-Est et leur fournit l’asile sur son territoire.

 

En 1937, la Chine se lança dans une guerre totale contre le Japon. Pendant trois ans, les États-Unis et la Grande-Bretagne restèrent neutres, s’abstenant de fournir des armements aussi bien au Japon qu’à la Chine. Seule l’URSS apporta son aide militaire à la Chine, lui prêtant 250 millions de dollars pour des achats d’armements. Un chiffre qu’il convient de mettre en perspective avec les recettes fiscales du gouvernement nationaliste, qui équivalaient à seulement 380 millions de dollars en 1936. En outre, Staline dépêcha sur place 2 000 pilotes volontaires et 1 200 avions militaires pour prendre part aux combats. L’armée soviétique porta un rude coup à l’armée japonaise en participant à la bataille de Khalkhin Gol, sur la frontière sino-mongole. En 1941, l’URSS accaparée par la guerre contre l’Allemagne cessa son aide à la Chine. Mais un million de soldats soviétiques restaient stationnés en Extrême-Orient, immobilisant l’armée japonaise du Guandong. En août 1945, l’URSS déclara la guerre au Japon et ses forces armées pénétrèrent en Chine du Nord-Est, une action qui contribua fortement à la reddition du Japon. Le peuple chinois n’a jamais oublié cette aide soviétique.

 

L’aide internationale est le plus souvent réciproque. Venir en aide à un pays étranger revient aussi à défendre ses propres intérêts. Je me souviens des propos tenus par M. Wang Yazhi, dernier secrétaire militaire du maréchal Peng Dehuai, qui m’a dit : « Au lendemain de la libération de la Chine, relisant l’ébauche du discours qu’il devait prononcer devant un rassemblement, M. Peng biffait le terme ‘‘désintéressé’’ dans la phrase ‘‘nos remerciements à l’Union soviétique pour son aide désintéressée’’. En 1954, lors de sa visite en Chine, Khrouchtchev a déclaré avec franchise : « Notre aide à la Chine n’était pas désintéressée, car le renforcement de la Chine revenait à aider l’URSS. »

 

 

En combattant l’armée japonaise, la Chine a préservé l’URSS d’une guerre sur deux fronts

 

Le peuple chinois prit l’initiative de la guerre contre les fascistes japonais, un effort qui se poursuivit pendant 14 ans dans les conditions les plus dures. Engagée dans cette guerre la plus longue de son histoire, la Chine préserva l’URSS d’une guerre sur deux fronts. Saisissant l’importance stratégique de la Guerre de résistance du peuple chinois contre l’agression japonaise, Staline apporta une aide importante à la Chine dès l’année suivante de la signature, en 1936, du Pacte anti-Komintern par l’Allemagne, le Japon et l’Italie. L’armée de terre japonaise avait à l’origine envisagé de lancer les deux tiers de ses forces contre l’Union soviétique et le tiers restant contre la Chine. Les généraux pensaient pouvoir mettre fin rapidement à l’ « incident chinois ». En réalité, l’armée japonaise s’enlisa profondément dans le champ de bataille chinois. En 1939, 24 des 34 divisions japonaises mobilisées pour les combats se battaient sur le territoire de la Chine, au sud du passage de Shanhaiguan, dans une guerre à l’issue incertaine. Neuf divisions seulement restaient en Chine du Nord-Est pour parer à l’éventualité d’une attaque de l’armée soviétique.

 

En 1941, la guerre devint mondiale, d’abord en Europe, puis dans le Pacifique. Un tiers de l’armée de terre japonaise fut engagé en Chine au sud du passage de Shanhaiguan. Le Japon qui combattait aussi les armées américaine et anglaise et n’était pas en mesure d’ouvrir un front supplémentaire en Union soviétique. Le Japon ne parvint pas à monter une attaque coordonnée de l’URSS lorsque l’armée allemande arriva devant Moscou. Staline put dépêcher vers l’ouest l’élite de son armée stationnée en Extrême-Orient. Si le champ de bataille chinois n’avait pas immobilisé d’importantes forces japonaises, l’URSS se serait trouvée dans une situation encore plus périlleuse dès le début de la guerre contre l’Allemagne. De même, si l’URSS avait été battue par les nazis, l’armée japonaise du Guandong aurait pu prendre l’Extrême-Orient soviétique et renforcer sa présence à l’intérieur de la Chine, ce qui aurait considérablement accru les difficultés de la résistance chinoise.

 

Les nouvelles des victoires de l’armée soviétique à Moscou, à Stalingrad et de la prise de Berlin furent pour les Chinois un fort encouragement. Ils savaient bien qu’après avoir vaincu les fascistes allemands, l’armée soviétique se dirigerait vers l’est pour combattre les fascistes nippons. Les peuples chinois et soviétique étaient alliés dans ces combats.

 

 

Les peuples chinois et soviétique ont fait les plus gros sacrifices

 

Au début de la guerre du Pacifique, la Chine était depuis dix ans le seul champ de bataille antifasciste en Orient. Elle a immobilisé seule le gros de l’armée de terre japonaise. Selon les statistiques du Japon, de 1937 à 1941, 180 000 soldats nippons y furent tués, et 530 000 blessés. Pendant la guerre du Pacifique, la Chine resta l’un des principaux champs de bataille antifascistes d’Orient.

 

Durant la Seconde Guerre mondiale, ce sont les peuples chinois et soviétique qui subirent les plus lourdes pertes : 50 millions de morts et de blessés pour l’Union soviétique (25,5 millions de morts) et 35 millions de morts et de blessés pour la Chine (20 millions de morts). On ne peut pas oublier le coût humain de cette victoire.

 

Ces dernières décennies, l’Occident s’est efforcé de minimiser le rôle de l’URSS et est allé jusqu’à mettre dans le même sac l’armée soviétique et les nazis. Le peuple chinois au contraire a toujours reconnu l’importance de la contribution du peuple et de l’armée soviétiques à la victoire sur les forces fascistes qui faisaient peser une menace sur l’humanité. L’URSS et puis la Fédération de Russie ont reconnu la grande contribution du peuple chinois à la résistance au fascisme japonais et se sont opposées aux tentatives du Japon de renouer avec le militarisme. Ces dernières années, les dirigeants de la Russie ont à maintes reprises réaffirmé à leurs homologues chinois que leur point de vue sur la Seconde Guerre mondiale était en tout point identique au leur. Un avertissement lancé à tous ceux qui chercheraient à réhabiliter des actes d’agression.

 

Aux premiers jours de la Chine nouvelle, j’étais enfant et j’entendais souvent le chant soviétique « Moscou-Beijing » résonner dans les rues. Les paroles « Les peuples chinois et soviétique sont frères à jamais » restent gravées dans mon esprit. Quand j’ai grandi et fait mon service militaire, je fus témoin des tensions qui régnaient à la frontière nord de mon pays. Ce contraste brutal dans un laps de temps si court et ma réflexion sur les relations internationales modernes m’ont fait comprendre que les relations entre États basées sur des vues idéologiques peuvent coïncider momentanément mais restent fragiles ; tandis que celles qui s’établissent sur la base d’intérêts étatiques communs sont durables et solides. Autrefois, c’est la convergence de leurs intérêts qui poussa la Chine et l’URSS à devenir compagnons d’armes. Désormais, c’est la convergence de leurs besoins stratégiques qui les pousse à combattre l’hégémonisme de la superpuissance et à lutter pour un monde multipolaire. La célébration commune par les deux pays de la « Journée de la victoire » a permis de souligner leur nouveau partenariat stratégique. Elle est donc à la fois d’une actualité brûlante et porteuse d’une importante signification historique.

 

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